Revitalisation des dents permanentes immatures nécrosées
Cette thérapeutique régénératrice est définie par l’Association américaine des endodontistes (AAE) comme une procédure biologique conçue pour remplacer les structures endommagées, y compris les structures dentinaire et radiculaire, ainsi que les cellules du complexe pulpo-dentinaire (1).
En décrivant le rôle du caillot sanguin comme matériau biologique d’obturation canalaire dans les années 1960, Nygaard-Östby introduit la revitalisation, ou revascularisation, pour le traitement de la dent permanente immature nécrosée (2). Réapparaissant au début des années 2000, suite aux articles d’Iwaya puis Trope, de nombreux rapports de cas sont publiés. Les protocoles sont hétérogènes mais les résultats encouragent leur poursuite. Par une meilleure compréhension des enjeux biologiques et histologiques, les recommandations évoluent. Cela a permis d’affiner le protocole et les indications. Des études plus abouties voient le jour, jusqu’à l’émergence de guidelines des sociétés savantes américaine, européenne puis pédiatrique (3) (4).
Le concept repose sur l’utilisation de la dent permanente immature nécrosée comme milieu de culture autogène. Il est alors nécessaire d’éliminer les micro-organismes pathogènes et leurs biofilms responsables de la lésion apicale, afin d’autoriser la livraison, la viabilité, l’adhérence, la prolifération et la différenciation de cellules souches issues de la papille apicale.
L’objectif primaire est d’obtenir la guérison des symptômes et de la lésion apicale. L’objectif secondaire est de permettre la poursuite de l’édification radiculaire incomplète (épaississement des parois canalaires, allongement radiculaire et fermeture apicale), pour parvenir à une racine mécaniquement renforcée. Le dernier objectif est de constater le retour de la sensibilité thermique ou électrique, ce qui indiquerait le développement de fibres nerveuses.
De par leur anatomie large, les canaux immatures induisent une modification de nos protocoles de désinfection. Tout d’abord, le diamètre canalaire ne rend pas effective une mise en forme avec des instruments rotatifs conventionnels. Ensuite, l’irrigation et l’activation de la solution antiseptique peuvent engendrer son extrusion apicale. Lors des revitalisations, cette extrusion engendrerait une cytotoxicité et serait néfaste au succès du traitement.
Les caractéristiques de la lime XP-EndoFinisher de FKG justifient son utilisation dans ce type de canaux. En alliage Ni-Ti, elle possède une conicité nulle, avec un diamètre de 25 ou 30/100 mm (Fig.1). Grâce à son extrémité courbe, elle possède un mouvement d’enveloppe plus large que la forme de son fil. Ce mouvement permet de brosser les parois canalaires, sans véritable mise en forme. Dans le cas des canaux immatures, son utilisation est également justifiée pour agiter la solution d’irrigation. Cela améliore significativement la désinfection canalaire, en diminuant fortement l’extrusion apicale, contrairement à l’activation sonique, ultrasonore, ou au laser (5-6). De plus, la capacité de brossage pariétal de cette lime est efficace pour l’élimination des médications intracanalaires comme l’hydroxyde de calcium.
Fig.1 : Lime XP-EndoFinisher – FKG.
Rapports de cas
Cas clinique 1
Un jeune homme de 11 ans et 4 mois, sans pathologie médicale générale, nous est adressé par son chirurgien-dentiste pour le traitement endodontique de sa dent 24, suite à un épisode infectieux aigu au niveau du secteur 2. À l’examen clinique, nous retrouvons une dent en parfaite intégrité tissulaire, sans lésion carieuse. L’observation au microscope de la face occlusale révèle une dens evaginatus. Il s’agit d’une anomalie rare de développement dentaire, par évagination de l’émail avec extension pulpaire. Cela peut conduire à une infiltration bactérienne, qui engendre ensuite une nécrose pulpaire. Nous notons une fistule vestibulaire en regard de la dent 24. Le test de sensibilité thermique au froid est bien entendu négatif. L’examen radiographique montre une racine immature, de stade R3/4 de Moorrees (7), et une lésion péri-radiculaire d’origine endodontique entourant l’apex. Au cone beam, nous pouvons objectiver le volume de la lésion, qui a soufflé une partie de la corticale vestibulaire (Fig.2).
Fig.2 : Clichés radiographiques et photographique de la situation initiale.
Deux solutions thérapeutiques sont proposées aux parents et à l’adolescent pour sa dent 24 : le traitement d’apexification par bouchon apical ou la revitalisation. Les avantages et inconvénients des deux thérapeutiques sont expliqués, et ils choisissent la revitalisation. Le soin est réalisé en deux séances, avec temporisation de 14 jours à l’hydroxyde de calcium en préparation magistrale. Le protocole de l’ESE de 2016 est appliqué. Les deux séances se font sous champ et microscope opératoire, avec anesthésie locale. Lors du premier rendez-vous, nous réalisons la cavité d’accès au niveau de la face occlusale de la prémolaire, légèrement déportée en vestibulaire pour éliminer l’évagination amélaire en totalité. La longueur canalaire est estimée sur l’examen cone beam pour éviter une instrumentation. En accord avec le protocole de l’ESE, nous ne réalisons pas de mise en forme manuelle ni mécanisée. La désinfection chimique est réalisée par une irrigation abondante et renouvelée de solution d’hypochlorite de sodium à 1,5 %, puis avec une solution d’EDTA liquide à 17 %, agitées l’une après l’autre avec la lime rotative XP-Endo Finisher. Après avoir séché avec des pointes de papier stériles, le canal est rempli d’hydroxyde de calcium et l’accès coronaire est restauré provisoirement avec 4 mm de Cavit (Fig.3).
Fig.3 : Photographies et radiographie peropératoires avec mise en place de l’hydroxyde de calcium.
Lors de la seconde séance de soin, nous constatons la disparition de la fistule vestibulaire. L’anesthésie est réalisée sans vasoconstricteur (Scandonest – Septodont), pour permettre le saignement. Un petit complément d’anesthésie adrénalinée (Septanest à 1/100.000 – Septodont) est injecté pour minimiser les éventuelles douleurs lors de la lacération apicale. L’irrigation à l’EDTA à 17 % est répétée afin d’éliminer l’hydroxyde de calcium et de conditionner la dentine. La solution est agitée avec l’XP-EndoFinisher pendant 5 minutes. Le canal est séché par pointes de papier stériles. Nous utilisons ensuite une lime manuelle K25 fortement courbée au niveau de l’extrémité, et créons une irritation des tissus apicaux par rotation continue de la lime au-delà de l’apex. Cette action entraîne un saignement qui remonte progressivement dans le canal en direction cervicale. L’hémostase obtenue sous le niveau cervical, nous mettons en place une éponge collagénique pour avoir une meilleure assise pour le ciment tricalcique (ici Biodentine). Nous attendons la prise du matériau (12 minutes recommandées par Septodont), avant de réaliser le composite (G-aenial Universal Flow – GC) qui assurera la restauration de l’accès et l’étanchéité définitive (Fig.4).
Fig.4 : Radiographie postopératoire, et photographies du caillot sanguin, de la Biodentine et du composite.
Les contrôles sont réalisés à trois mois postopératoires, 6 mois, 1 an, 1 an et 10 mois et enfin 3 ans et 5 mois. La dent est asymptomatique et fonctionnelle. Les tissus apicaux sont en pleine santé, et la corticale vestibulaire s’est reformée. Le traitement orthodontique est en place depuis 2,5 ans (Fig.5).
Fig.5 : Radiographie et coupes CBCT de contrôle à 3 ans et 5 mois.
Cas clinique 2
Le second cas clinique correspond à une jeune fille de 10 ans et 7 mois, adressée par son chirurgien-dentiste pour le traitement endodontique de sa dent 11, nécrosée et immature. Elle ne présente aucune pathologie d’ordre général. Les parents mentionnent un traumatisme en juillet 2019 soit deux ans auparavant, avec fracture du bord incisif sans exposition pulpaire.
Lors de la consultation, nous constatons un composite en bord libre. La dent est asymptomatique. Nous notons radiographiquement une lésion inflammatoire péri-radiculaire d’origine endodontique. La racine immature est en stade R3/4 de Moorrees (Fig.6).
Fig.6 : Radiographie rétroalvéolaire et coupe sagittale CBCT préopératoire.
Deux solutions thérapeutiques sont proposées au père et à l’adolescente : l’apexification avec bouchon apical ou la revitalisation. Les avantages et inconvénients des deux thérapeutiques sont expliqués, et la revitalisation est choisie. Le soin est réalisé en deux séances, avec temporisation de 21 jours à l’hydroxyde de calcium, et selon un protocole strictement identique au cas précédent (Fig.7). La seule différence repose sur l’utilisation d’une solution d’hypochlorite de sodium à 6 %, car nous savons que les échecs des revascularisations sont dus à la persistance de la lésion, et donc à une désinfection insuffisante (8). Une étude en 2020 a montré un meilleur taux de succès avec une solution d’hypochlorite à 6 % (9). Il semblerait donc qu’il faille privilégier une meilleure désinfection bactérienne, quitte à détruire une certaine quantité de cellules.
Fig.7 : Radiographie postopératoire de la séance 1 et 2, et photographie du caillot sanguin (au centre).
Le suivi est réalisé à 3 mois, 6 mois, 20 mois et enfin 2 ans et 8 mois : la dent est asymptomatique et fonctionnelle. Nous pouvons observer la formation d’un point minéral au contact de l’épaisseur de Biodentine. L’édification radiculaire est terminée, et la lésion apicale a guéri (Fig.8). Le traitement orthodontique a débuté à 7 mois postopératoires et prendra fin dans 4 mois.
Fig.8 : Radiographie rétroalvéolaire et coupe sagittale CBCT du contrôle à 2 ans et 8 mois.
Conclusion
Avec un recul de presque vingt ans, la revitalisation fait désormais partie du spectre des traitements endodontiques. Elle montre d’excellents résultats en termes de résolution des symptômes et guérison apicale, similaires à l’apexification par bouchon apical (10). La revitalisation représente donc une alternative tout à fait viable à l’apexification, et est désormais recommandée en première intention par l’AAE depuis 2018.
Enfin, les caractéristiques de la lime XP-EndoFinisher lui permettent d’être particulièrement adaptée au traitement des canaux immatures, et notamment pour la revitalisation.
Auteurs
Dr Paul-Marie OLIVA
Cabinet dentaire ELA (Lyon), exercice limité à l’endodontie
DIU d’endodontie clinique de Nice
DESU endodontie de Marseille
Membre titulaire de la Société française d’endodontie
Membre certifié de la Société européenne d’endodontologie
Dr Baptiste RIVORY
Cabinet dentaire ELA (Lyon), exercice limité à l’endodontie
DIU d’endodontie clinique de Toulouse
DU d’hypnose appliquée aux sciences médicales et paramédicales de Toulouse
Membre titulaire de la Société française d’endodontie
Membre certifié de la société européenne d’endodontologie
Bibliographie
1. 2018AAE_Scope_of_Endo_Regenerative_Endodontics.pdf. Disponible sur le site :
www.aae.org/specialty/wp-content/uploads/sites/2/2018/07/2018AAE_Scope_of_Endo_Regenerative_Endodontics.pdf
2. Östby BN. The Role of the Blood Clot in Endodontic Therapy an Experimental Histologic Study. Acta Odontol Scand. 1 janv 1961;19(34):32353.
3. Galler KM, Krastl G, Simon S, Van Gorp G, Meschi N, Vahedi B, et al. European Society of Endodontology position statement: Revitalization procedures. Int Endod J. août 2016;49(8):71723.
4. Duggal M, Tong HJ, Al-Ansary M, Twati W, Day PF, Nazzal H. Interventions for the endodontic management of non-vital traumatised immature permanent anterior teeth in children and adolescents: a systematic review of the evidence and guidelines of the European Academy of Paediatric Dentistry. Eur Arch Paediatr Dent. 1 juin 2017;18(3):13951.
5. Sasanakul P, Ampornaramveth RS, Chivatxaranukul P. Influence of Adjuncts to Irrigation in the Disinfection of Large Root Canals. J Endod. 2019 Mar;45(3):332-337.
6. Dos Reis S, Cruz VM, Hungaro Duarte MA, da Silveira Bueno CE, Vivan RR, Pelegrine RA, Bruno KF, Kato AS. Volumetric Analysis of Irrigant Extrusion in Immature Teeth after Different Final Agitation Techniques. J Endod. 2020 May;46(5):682-687.
7. Moorrees CFA, Fanning EA, Hunt EE. Age Variation of Formation Stages for Ten Permanent Teeth. J Dent Res. 1963 Nov-Dec;42:1490502.
8. Almutairi W, Yassen GH, Aminoshariae A, Williams KA, Mickel A. Regenerative Endodontics: A Systematic Analysis of the Failed Cases. J Endod. 2019 May;45(5):567-577.
9. Chrepa V, Joon R, Austah O, Diogenes A, Hargreaves KM, Ezeldeen M, Ruparel NB. Clinical Outcomes of Immature Teeth Treated with Regenerative Endodontic Procedures-A San Antonio Study. J Endod. 2020 Aug;46(8):1074-1084.
10. Torabinejad M, Nosrat A, Verma P, Udochukwu O. Regenerative Endodontic Treatment or Mineral Trioxide Aggregate Apical Plug in Teeth with Necrotic Pulps and Open Apices: A Systematic Review and Meta-analysis. J Endod. 2017 Nov;43(11):1806-1820.