Réactions a la charte de l'UNPS
La charte de l’Union Nationale des Professionnels de Santé énonce un engagement en 12 points envers les patients qui nous consultent.
Cette déclinaison pourrait paraître triviale ou inutile de par la préexistence du code de déontologie et du code des bonnes pratiques de soins.
Elle met au moins en exergue l’intérêt de réaffirmer certaines valeurs au regard d’un déclin (ou pour le moins une dégradation) des relations praticiens/patients, à l’instar peut-être de l’évolution des rapports sociétaux en général…
J’ai recueilli à ce sujet les impressions intéressantes de praticiens en devenir d’une part et de praticiens expérimentés par ailleurs ; au-delà du ressenti général, je leur ai demandé d’argumenter sur un point de leur choix de cette charte. J’ai retenu et vous propose ci-dessous les témoignages les plus impliqués.
Sophia PELLEGRINO
Trésorière de l’UNECD (Union National des Etudiants en Chirurgie Dentaire) Etudiante en 4e année d’odontologie à la faculté de Marseille
Point n° 6 de la charte UNPS
Développer la prévention au cœur de son exercice
Au lendemain des élections européennes pendant lesquelles les questions de santé dont les politiques de prévention étaient des problématiques majeures, le constat n’est pas étonnant : nous pouvons faire mieux pour améliorer la prévention et ses moyens de communication, son intégration dans les études et dans la pratique du chirurgien-dentiste.
Le travail sur la prévention bucco-dentaire est, à l’heure actuelle, un sujet de préoccupation de nombreuses instances, on pourra citer l’UFSBD (Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire), la ACFF (Alliance for a Cavity-Free Future) au niveau international, l’ADEE (Association for Dental Education in Europe) dont le thème de son congrès d’août 2019 à Berlin est “Equipping our students to be dentists of the future” (Préparer nos étudiants à être les dentistes de demain), cette liste étant non exhaustive.
Dans la charte d’engagement des professionnels de santé libéraux de l’UNPS (Union Nationale de Professionnels de Santé), un point a particulièrement attiré l’attention de l’UNECD (Union Nationale des étudiants en Chirurgie Dentaire) et nous a interpellé : “le professionnel de Santé s’engage à développer la prévention au cœur de son exercice”. Quelle satisfaction que de voir graver dans le marbre un tel engagement !
La prévention est au cœur des préoccupations de l’UNECD. Les étudiants s’engagent régulièrement dans des projets de prévention bucco-dentaire, à l’instar de Gardez le Sourire qui a permis à plus de 25 000 étudiants d’être sensibilisés aux recommandations d’hygiène bucco-dentaire sur leur campus grâce aux bénévoles étudiants en odontologie. D’autres participent à l‘Hôpital des Nounours pour rassurer les jeunes enfants sur le monde de l’hôpital, avec tous les autres étudiants en Santé.
Certains étudiants franchissent même le pas d’exporter leurs compétences afin de réaliser de la prévention dans des pays en développement, et prennent sur leur temps et sur leur argent pour défendre cette cause qui leur est chère. C’est ainsi que depuis plusieurs années les initiatives étudiantes fleurissent dans le domaine de la solidarité Internationale : Maroc, Népal, Pérou, Sénégal pour ne citer que ces pays.
A l’Université aussi la prévention rentre dans les mœurs. C’est ainsi que depuis la mise en place du Service Sanitaire à la rentrée 2018, les étudiants en odontologie se déplacent, avec les étudiants des autres filières médicales et paramédicales, pour réaliser des actions de prévention ciblées auprès de populations à risques. Le travail en interdisciplinarité, sur des problématiques transversales permet non seulement de connaître les champs de compétences de chacun, mais aussi d’enrichir sa pratique professionnelle future.
Si ces initiatives vont dans le bon sens, le chemin à parcourir reste encore important. Les étudiants en chirurgie dentaire sont unanimes : Il faut aller plus loin !
Aujourd’hui, nous constatons une hétérogénéité dans notre formation, dans de nombreux domaines y compris la prévention. Nous demandons la création d’un référentiel national afin d’harmoniser nos pratiques. Si nous avons coutume de dire que l’Université façonne les praticiens de demain, il faut aujourd’hui renforcer la prévention, qui doit devenir une part majeure de nos enseignements.
La prévention est de plus en plus présente dans les pratiques professionnelles, notamment avec la nouvelle convention, mais le virage préventif que les étudiants souhaitent ne sera possible qu’avec un investissement majeur des pouvoirs publics. C’est aujourd’hui que nous devons nous montrer à la hauteur des enjeux de demain. La prise en charge des soins est un déterminant majeur dans l’acceptation de ces derniers par les patients et doit permettre au professionnel de santé de vivre de la prévention tout en la démocratisant le plus possible.
Nous demandons une juste rémunération des soins préventifs ainsi qu’un plus grand nombre d’actes pris en charge. Il nous semble par exemple invraisemblable que les soins parodontaux ne soient pas encore pris en charge et démocratisés au plus grand nombre. Nous plaidons pour passer d’un système de soin curatif à un système préventif !
La prévention au cabinet dentaire ne peut se réduire à la cariologie. Les dernières publications scientifiques tendent à prouver un lien étroit entre la santé orale et la santé globale plaçant donc le praticien en première ligne quant au dépistage et à la prévention de nombreuses pathologies dentaires, orales et systémiques. Il est évident que le chirurgien-dentiste ne pourra réussir seul dans la prise en charge globale de ses patients et devra donc travailler avec l’ensemble des professionnels de santé pour réussir le défi préventif qui s’impose à nous.
La mise en place par le gouvernement des Projets Territoriaux de Santé, via le plan “Ma Santé 2022” est une occasion unique de multiplier les actions de prévention. La profession se doit d’être partie prenante des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) afin d’amener la prévention au cœur des territoires.
C’est une véritable synergie entre les patients, les pouvoirs publics et les professionnels de santé qui doit être mise en place.
En 2001, le gouvernement français et l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (l’ANSES) à travers le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a lancé le slogan “Mangez 5 fruits et légumes par jour” qui est maintenant connus de tous. Ce programme nous a permis de constater à quel point la communication à travers les médias pouvait avoir une grande influence dans les pratiques alimentaires des individus. Nous demandons la mise en place d’un tel programme axé sur la santé orale.
Les pouvoirs publics doivent se saisir de cette problématique et en faire une priorité.
Les étudiants, volontairement utopistes, sont convaincus qu’il est possible de faire de la prévention la pierre angulaire de notre système de santé où le chirurgien-dentiste sera un maillon essentiel d’accompagnement des patients vers une meilleure santé globale.
Dès leurs premières années d’étude, les étudiants s‘engagent avec force et conviction sur cette thématique. Nous voulons que le système dans lequel ils évolueront en tant que professionnels de Santé poursuive sa mue afin de tendre toujours plus vers une population en bonne santé.
Bruno Delcombel
Docteur en chirurgie dentaire. C.E.S. Psychologie Médicale Générale.
Diplômé d’hypnose médicale et de psychothérapie éricksonienne, de l’institut Milton H. Erickson de Paris. Certifié par le docteur Jean Godin, psychiatre. Conférencier, formateur senior International. Préparateur mental E.N.C.
Point n° 5 de la charte UNPS
Le point numéro 5 de la charte peut sembler être une lapalissade.
En effet, à partir du moment où vous prêtez le serment d’Hippocrate pour l’obtention de votre doctorat en chirurgie dentaire ; tout semble dit.
Cependant (ô tempora ô mores !), il peut être important de préciser certaines choses…
Plus que jamais, il faut rappeler que la relation de l’équipe dentaire (patient, praticien, assistante) au fauteuil est inaliénable. C’est-à-dire qu’aucune administration, aucune mutuelle, aucune autre personne physique ne peuvent intervenir dans cette relation psychologique intime.
De plus, vouloir trop encadrer une profession administrativement au mieux diminue cet espace de liberté, au pire fait du chirurgien-dentiste une sorte de robot… Nous allons donc tout droit vers une déshumanisation de notre noble métier.
Maintenant, vouloir l’utopique « reste à charge zéro », c’est oublier la prise en charge psychologique avant, pendant et après les soins cliniques. La déresponsabilisation du patient n’est pas la solution, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions… Il est évident que le patient est le centre de la relation thérapeutique, mais le praticien doit pouvoir assurer cette prise en charge en toute indépendance.
Dans un métier, où la technologie progresse de jour en jour, la relation humaine sera d’autant plus fondamentale…
Par exemple, où sera la prise en charge psychologique dans une dentisterie touristique, voire exotique ?
Ainsi, la dentisterie du futur passera par l’exigence de la relation humaine, puis de la compétence technique, et non pas l’inverse !
Alors le praticien remplira pleinement son rôle, par exemple :
- Prise en charge de la douleur
- Traiter l’aspect comportemental en parodontologie
- Confort global en implantologie
- Suivi clinique au long cours
Pour conclure, nous dirons que le praticien du futur sera plutôt psychodontiste…