Dans l’Eure, deux dentistes roumains victimes d’injures racistes plient bagage

À Pont-Audemer, dans l’Eure, deux dentistes roumains, régulièrement victimes d'insultes racistes, ont abandonné leur poste dans la maison médicale de cette petite commune de près de 9 000 habitants.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 04 juillet 2023

Dans l’Eure, deux dentistes roumains victimes d’injures racistes plient bagage

Sitôt arrivés, sitôt repartis. À Pont-Audemer, dans l’Eure, deux dentistes roumains ont abandonné leur poste moins d’un an après être s’être installés dans la maison médicale de cette petite commune de près de 9 000 habitants. En cause : les insultes racistes dont ils ont été victimes à maintes reprises, rapporte France Bleu Normandie le 21 juin. « Un immense gâchis », déplore auprès du média local le maire, Alexis Darmois, qui avait mis des mois à trouver des spécialistes. Selon des données de l’ONCD, en 2021, l’Eure comptait 34,7 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants, contre 58 en moyenne nationale.

Il y a moins d’un an, les deux praticiens quittent Rouen pour venir s’installer dans le nouveau pôle de santé de Pont-Audemer. Mais très vite, les insultes racistes et les « soucis administratifs » les submergent. On refuse de les payer, on les traite de « voleurs ». Pour tenter de faire face, ils apposent un autocollant « ne pas entrer sans autorisation » sur la porte de leur salle de soins. En vain. Fin juin, après avoir finalisé les dossiers en cours, ils plient bagage, au grand désespoir des habitants.

« Il était gentil, prévenant, ne faisait pas mal, c’est dommage. Quant au racisme, c’est désolant, tant que les soins sont là, c’est tout ce qu’on demande », témoigne un patient d’un des deux praticiens, aujourd’hui le bec dans l’eau.

« On est surchargés »

Car il n’y a que six dentistes à Pont-Audemer. Submergés, ils ne prennent pas de nouveaux patients et ont tous plus de 60 ans.  « J’ai déjà plus de 15 000 clients, quand les nouveaux dentistes sont arrivés, on a pu leur donner un peu de nos patients, mais là, on va devoir en refuser. On n’a que deux bras, on est surchargés », raconte Siradjoudine Zeinou, l’un des praticiens de la commune. « On est tous au-dessus de 60 ansOn va partir à la retraite. Donc là, ça m’inquiète. L’Eure est un désert médical depuis longtemps mais cela s’empire. La prochaine étape c’est d’aller jusqu’à Caen, Rouen ou Le Havre pour des soins… » Soit 50 minutes de voiture minimum.

Quant au maire de Pont-Audemer, qui a appelé les praticiens plusieurs fois pour les convaincre de l’attractivité de sa commune, il est désespéré. « C’était le fruit de dizaines et de dizaines d’heures de travail. Les voir quitter notre territoire parce qu’une minorité n’a rien trouvé de mieux à faire que de les insulter, ça nous laisse un sentiment de gâchis et de déception pour les centaines de patients qui le suivaient déjà. (…) Des gens refusaient de les payer parce qu’ils étaient Roumains et c’est absolument inacceptable. Et je comprends que chez ces dentistes, la lassitude ait fini par prendre le dessus sur l’amour de leur métier. »

Pour l’édile, il s’agit donc désormais de lutter contre ce racisme décomplexé, en faisant de la pédagogie bien sûr, mais aussi, en sanctionnant si besoin. Disant tirer « les conclusions de cet épisode » à France 3 Régions, il est aujourd’hui prêt à mieux encadrer d’éventuelles incivilités au sein de la maison médicale. Quitte à ce que les voyous ne puissent plus s’y faire soigner. « C’est certain que pour les prochains dentistes qui les remplaceront, il y aura une vigilance toute particulière à ce qu’ils soient bien accueillis sur notre territoire », insiste Alexis Darmois. Reste à savoir quand ça sera…