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Dr Nicolas Caillieux : « On n'innove bien que lorsqu'on résout un problème quotidien ! »

Études, prototype, tests : le praticien et inventeur décrit le cheminement de son innovation, de l'idée à sa commercialisation.

Propos recueillis par Agnès Taupin., publié le 19 mai 2021

Dr Nicolas Caillieux : « On n’innove bien que lorsqu’on résout un problème quotidien ! »
Dentoscope : Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre positionneur de seringue pour faciliter les anesthésies régionales mandibulaires ? Est-ce par goût pour l’innovation ou pour augmenter le taux de réussite de vos anesthésies ?

Dr Nicolas Caillieux : On n’innove bien que lorsqu’on résout un problème quotidien ! Comme quasiment tous mes confrères, je ne réussissais pas systématiquement mes anesthésies tronculaires, et cela était très frustrant, car cela tendait à me décrédibiliser auprès des patients. En dentisterie, tous les actes quotidiens sont prévisibles, calculés, étudiés. Tous… sauf l’anesthésie tronculaire ! J’avais donc le choix entre trouver une solution, ou chercher à contourner le problème via d’autres anesthésies, moins efficaces, moins longues. Donc j’ai cherché… par envie de bien faire et de donner une bonne impression à mes patients. Mais je ne suis pas un Géo Trouvetou dans l’âme.

Votre innovation s’appuie sur des repères extra-oraux. Comment avez-vous validé ceux-ci pour mettre au point votre système ?

J’ai réalisé une étude universitaire sur des centaines de coupes scanner de patients, pour étudier le cheminement du nerf alvéolaire inférieur, et je me suis bien vite rendu compte qu’il existait un moyen simple et fiable de l’approcher, de façon extra-orale en effet – et non pas par rapport au triangle muqueux que l’on m’avait enseigné. J’ai longuement étudié, sur des patients et des cadavres, la distance entre le bord postérieur de la branche mandibulaire et le foramen mandibulaire, ainsi que les angles permettant d’éviter les contacts osseux prématurés. J’ai évidemment sélectionné des patients de tous âges, de toutes morphologies.

C’est donc une approche statistique… J’ai dessiné un prototype que j’ai utilisé systématiquement, pendant des années, sur mes patients ; puis je l’ai envoyé à des dizaines de confrères. Autant dire que les points de repères ont été validés par des dizaines de milliers de patients, et – maintenant – des centaines de praticiens ! Bref : un peu de théorie au début, et beaucoup de pratique ensuite.

Avez-vous réalisé vous-même le design de votre angulateur pour anesthésie ?

J’ai réalisé le prototype moi-même, en déterminant les distances et les angles importants. Comme les chirurgiens-dentistes sont évidemment habiles de leurs mains, cela n’était pas très compliqué. Puis j’ai réalisé des impressions 3D, travaillé sur les différents éléments pour que la prise en main soit simplifiée. Évidemment, l’angulateur que nous commercialisons a été réalisé, à partir de mes plans, par une société experte des dispositifs médicaux.

Des confrères ont testé votre produit dans sa phase de mise au point. Quel a été ce retour d’expérience ?

Ils ont été – et ils sont toujours – absolument ravis. Ils trouvent cela presque magique, car ils peuvent réaliser ces Spyx en 30 secondes, et ils obtiennent le signe de Vincent parfois en 1 minute… J’avais suffisamment testé l’angulateur moi-même pour être sûr de mes repères : théoriquement, cela devait fonctionner à tous les coups. Les confrères ont essentiellement permis de valider que le bon fonctionnement ne dépendait pas de moi, et que la prise en main était simple. Par leurs commentaires, ils m’ont aidé à mettre au point une notice compréhensible, avec des photos suffisamment explicites. Grâce à cela, les utilisateurs sont à l’aise avec l’angulateur après deux ou trois patients.

Votre système a été finaliste du prix de l’innovation ADF. Cette distinction par vos pairs a-t-elle été importante ?

EZ-Block a en effet été finaliste du prix de l’innovation ADF en 2019. C’est très réconfortant, et cela nous a donné une belle visibilité, ce qui est essentiel pour les start-up !

Quelle place tient l’innovation en dentisterie ? Pourrait-elle être soutenue et développée plus qu’elle ne l’est actuellement ?

Il y a un besoin d’innovation permanent, car les patients sont souvent stressés : tout ce qui simplifie et accélère les soins, tout ce qui montre aux patients que la situation est sous contrôle, est extrêmement utile. En dentisterie, on touche à une foule de domaines : chimie, imagerie, biomatériaux… L’innovation provient souvent de groupes industriels car le coût de la R&D est vraiment élevé, surtout dans le monde médical. En France, le crédit d’impôt recherche apporte une aide précieuse. Alors ne nous plaignons pas trop !

Avez-vous d’autres projets d’innovations ?

Je vous disais qu’on innove bien que lorsqu’on résout un problème quotidien. Je n’ai pas d’autre problème pour le moment… Mais je reste à l’écoute de mes frustrations, et, qui sait… !