power kampagne banner 990x122px

Les mesures barrières en cabinet dentaire

Serge Deschaux est chirurgien-dentiste libéral, ex-directeur de l’Observatoire national de la santé des chirurgiens-dentistes, coordonnateur auprès du Ministère des solidarités et de la santé pour les soins de ville, expert auprès de la HAS et de la Cour d'Appel de Rennes.

Par la rédaction, publié le 25 mars 2020

Les mesures barrières en cabinet dentaire

Enfin il est membre du comité scientifique de la mission nationale Primo qui s’occupe des Infections associées aux soins (IAS) et, à ce titre, nous détaille les mesures barrières que doivent respecter les chirurgiens-dentistes pour se protéger face au Covid-19.

Solutions Cabinet dentaire : Quel est le référentiel pour les chirurgiens-dentistes face aux IAS ?

Dr Deschaux : En termes de document référence, la bible de la profession est un document de l’ADF intitulé “Grille technique d’évaluation pour la prévention des infections associées aux soins“ rédigé par la commission des dispositifs médicaux. La dernière édition date de 2015 et nous sommes en train de la remettre à jour. Les chirurgiens-dentistes doivent s’y référer lorsqu’ils ont des questions puisqu’il y a tout de même 75 items passés en revue.

Ce document devrait être dans tous les cabinets, non seulement pour les chirurgiens-dentistes, mais également pour les assistantes. Car elles sont exposées à des degrés divers : à l’accueil, en salle de stérilisation, et surtout au fauteuil dans un travail à quatre mains exposées autant que le praticien aux aérosols dégagés par les porte-instruments dynamiques.

SCD : La fréquentation des cabinets dentaires a-t-elle diminuée depuis le confinement ?

S. D. : Le lundi 16 mars, le Conseil national de l’ordre a demandé de fermer les cabinets et de n’assurer que les actes urgents. Or, le virus est là depuis deux mois et les praticiens et leur personnel travaillaient au mieux avec des masques chirurgicaux normés. Il y a eu une brutale et très forte diminution de la fréquentation des cabinets dentaires, mais les praticiens qui assurent maintenant les urgences sont tout autant exposés. C’est une profession très fortement exposée. Les autorités ont mis longtemps avant de le comprendre. Il faudra revenir sur la visibilité de la médecine bucco-dentaire dans le système de santé !

SCD : Comment adapter les mesures barrières pour la profession ?

S. D. : Depuis longtemps, le chirurgien-dentiste est considéré comme le champion des mesures d’hygiène et d’asepsie du fait de sa pratique. Mais, comme je le répète, ils sont les plus exposés. Or le risque est aujourd’hui beaucoup plus présent car nous sommes confrontés à un virus pour lequel nous n’avons pas encore d’antidote. Les mesures barrière classiques sont donc selon moi insuffisantes et devraient être renforcées.
En période de pandémie, il est donc plus que temps de passer au masque FFP2, ce masque en kevlar qui représente une protection filtrante beaucoup plus sûre. Tout praticien ou assistante qui n’a pas de masque FFP2 dans la zone de soins, prend des risques inconsidérés pour lui-même, ses équipes et sa famille ! Les hommes veilleront à se raser.
Les lunettes de protection sont, elles aussi, importantes, car les muqueuses oculaires sont une porte d’entrée idéale pour le Covid-19. Les lunettes de vue ne sont pas suffisantes, je parle là de lunettes recouvrantes de style visière, même si elle peut vite être brouillée par les projections. On ajoutera gants, surblouse et charlotte. Chacun choisira ce qui lui correspond le mieux et selon ce qu’il trouvera et/ou ce qu’on lui fournira, sachant que que l’on vise à la meilleure protection possible.
Nous pouvons encore monter d’un cran en préconisant l’usage de la digue et un bain de bouche à la povidone avant chaque soin – plus virucide que la chlorhexidine. Cela diminue la charge virale dans la bouche du patient si bien que les projections seront moins contaminantes pour le praticien et son personnel *.
Je perçois, enfin, quelques soucis au niveau du linge professionnel lequel doit être transporté avec la plus grande prudence. Un simple lavage à 60° suffit mais les lavages doivent se faire dans des cycles bien à part du linge familial. En milieu humide, le Covid-19 a une durée de vie allant jusqu’à neuf heures, mais ce virus n’est pas encore très bien connu et nous allons sûrement lui trouver d’autres propriétés scélérates.

*En période de pandémie, la plupart des assistantes sont désengagées. Ce sont des binômes de praticiens qui assurent les urgences.

Propos recueillis par Hadrien Donnard