" Les libéraux en ont assez des agissements de ces centres dentaires "

Franck Mouminoux, président de l'Union Dentaire, se réjouit de la proposition de loi sur l'encadrement des centres dentaires adoptée par les députés, tout en craignant l'installation de nouveaux centres d'ici son entrée en vigueur. 

Propos recueillis par Agnès Taupin, publié le 09 décembre 2022

” Les libéraux en ont assez des agissements de ces centres dentaires “

Dentoscope : La proposition de loi sur l’encadrement des centres dentaires a été adoptée par les députés, le 30 novembre. Elle prévoit un agrément obligatoire de l’ARS pour l’ouverture d’un centre de santé dentaire. Est-ce pour vous une avancée importante ?

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Franck Mouminoux, président de l’Union Dentaire : On ne peut que se réjouir que soit à nouveau instauré un agrément pour qu’un centre dentaire puisse s’installer. Avec cette loi, l’ARS va donner son aval ou pas à l’ouverture d’un nouveau centre. On voudrait que les conseils de l’Ordre départementaux puissent avaliser les différents praticiens qui travaillent dans ces centres dentaires avec la copie de leur diplôme en les recevant pour des tests (de langue par exemple) afin de savoir s’ils sont en capacité d’exercer.
L’Union Dentaire avait fait au début de l’année dix propositions pour la régulation des centres dentaires. Parmi celles-ci figurait l’agrément auprès de l’ARS et la carte CPS à demander pour les praticiens qui travaillent dans ces centres. Chaque praticien doit être identifié via sa carte de professionnel de santé. Actuellement, la carte qui est utilisée pour télétransmettre les actes est celle du dirigeant du centre. Il est donc impossible pour les organismes de Sécurité sociale de savoir qui a réalisé les traitements, et donc de contrôler les actes des praticiens, comme c’est le cas pour les libéraux.

Nous avions aussi demandé un moratoire sur les installations en attendant l’instauration d’un projet de loi. Nous souhaitions également la mise en place d’un chirurgien-dentiste responsable de la qualité et de la sécurité.

Précisément cette loi prévoit l’identification des salariés de ces centres dentaires par leur numéro professionnel. Cela répond à l’une de vos propositions…

Nos propositions ont eu en effet un écho favorable, mais tous les syndicats ont demandé l’arrêt des dérives de ces centres. L’État va mettre des garde-fous qu’il aurait dû instaurer depuis dix ans. Plus de mille centres low cost sont désormais installés sur le territoire.

La problématique de la régulation des centres dentaires et de certaines dérives a-t-elle pu être taboue au sein de la profession ?

Non, les libéraux en ont assez des agissements de ces centres. À l’origine, ils avaient été d’ailleurs créés pour pallier un déficit de praticiens dans certaines zones. Or tous les centres low cost qui sont installés ou qui se créent ne s’établissent que dans des secteurs surdotés, alors que l’on manque cruellement de praticiens.

L’ARS pourrait-elle imposer l’installation de centres dentaires dans les zones sous-dotées ?

C’est une discussion qui va avoir lieu lors de la négociation de la prochaine convention dentaire. Un avenant sera alors discuté sur la démographie. La profession a demandé que les centres dentaires fassent partie de cet avenant.

Que pensez-vous globalement de cette loi sur l’encadrement des centres dentaires ?

Elle est tout à fait satisfaisante. Reste que d’ici son application, il ne faut pas qu’il y ait pléthore de centres dentaires qui soient créés. Nous espérons que cela ne soit pas le cas car ces centres aboutissent à une marchandisation de la profession. Ils font rentrer des marchands dans notre profession qui peuvent faire de la surmédicalisation. Les patrons de centres ne sont pas dentistes et ils peuvent néanmoins employer de nombreux praticiens, ce que ne peut faire un libéral. Si on autorisait les praticiens libéraux qui ne sont pas en Selarl à avoir un deuxième collaborateur, cela pourrait changer la donne en termes de démographie. Il faut aussi indiquer qu’il existe par ailleurs depuis des années des centres mutualistes qui ont toujours été très bien gérés.

La loi prévoit la création d’un comité réunissant des praticiens du centre pour améliorer la politique de qualité. Quelle serait la portée de ce comité ?

À partir du moment où, pour éviter les dérives, un chirurgien-dentiste référent fait partie de ce comité, avec par exemple un membre de l’ARS, on ne peut qu’y être favorable. Combien va-t-il falloir de scandales liés à des centres dentaires pour que ces dérives cessent ?

Le développement des centres dentaires, en dehors des dérives constatées, dit-il quelque chose de l’exercice de la profession sur le territoire ?

Nous savons que l’exercice en cabinet en solo est voué à disparaître. Aujourd’hui la tendance est au regroupement des cabinets et à l’exercice à plusieurs au sein d’une même structure. Les jeunes générations veulent une sécurisation de leur exercice qu’elles ne trouvent qu’en s’associant avec des confrères.