Covid-19 : la réponse trop tardive des cellules infectées

Les cellules cibles du SARS-CoV-2 dans les voies respiratoires produisent des molécules antivirales à la suite de l'infection, mais trop tardivement pour empêcher la réplication du virus, selon une étude.

Par Agnès Taupin, publié le 10 mars 2021

Covid-19 : la réponse trop tardive des cellules infectées

Que se passe-t-il au moment de l’infection par le coronavirus ? Les cellules infectées par le SARS-CoV-2 seraient incapables de stopper la réplication virale à cause d’un problème de “timing”. C’est le constat que dressent les chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’université de Montpellier à l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier. Ainsi, les cellules cibles du SARS-CoV-2 dans les voies respiratoires produisent des molécules antivirales suite à l’infection, mais trop tardivement pour empêcher la réplication du virus. Les résultats de cette étude sont publiés dans le Journal of Virology.

Ces travaux ont été menés par l’équipe de la chercheuse de l’Inserm Caroline Goujon qui travaille sur le coronavirus SARS-CoV-2 à l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (CNRS/université de Montpellier) au côté de son collègue Olivier Moncorgé. Les deux scientifiques collaborent sur plusieurs projets, dont l’un portant sur la réponse des cellules cibles au moment de l’infection. La connaissance des phases précoces de l’infection a pour but de comprendre comment le virus pénètre dans l’organisme et comment il peut être bloqué.

Recherche des interférons

Les scientifiques ont mis des cellules d’épithéliums respiratoires au contact du virus et analysé la multiplication de ce dernier dans les heures qui ont suivi. Ils ont d’autre part recherché la présence d’interférons, molécules antivirales naturellement produites par les cellules en cas d’infection. Ils ont constaté une augmentation rapide de la charge virale après 48 heures et une production importante de deux types d’interférons (type I et III) entre 48 et 72 heures après l’infection. La production de ces molécules est classiquement déclenchée par certaines protéines des cellules hôtes – dites protéines sentinelles – chargées de détecter la présence des virus.

Les chercheurs ont ensuite supprimé les gènes codants les principales protéines sentinelles avec la technique CRISPR-Cas9. Ils ont constaté que l’absence de l’un de ces gènes, MDA-5, empêchait la production des interférons. Cependant, ce phénomène n’avait pas d’impact sur la réplication virale. “Avec ou sans la production de ces interférons, qui ont pourtant pour but de contrecarrer le virus, la réplication virale avait lieu de la même manière dans notre modèle de cellules d’épithélium”, explique Caroline Goujon.

Pourtant, les travaux de l’équipe et de nombreux autres groupes montrent que la mise en contact des cellules cibles avec ces mêmes interférons dans les heures précédant l’infection réduit particulièrement la capacité du virus à se déployer, le taux de réplication étant divisé par dix au minimum.

L’activité antivirale des interférons n’est donc pas à remettre en cause contre le SARS-CoV-2. Leur inefficacité dans notre modèle est due à un problème de “timing”. Leur libération survient trop tard pour bloquer la réplication virale », affirme la chercheuse. Pour avoir un rôle protecteur et éviter la réplication virale, il semble important que leur production intervienne plus précocement.

Nous savons grâce à des études précédentes que les niveaux d’interférons naturels sont bas chez les patients souffrant de forme grave de Covid-19 par rapport à ceux présentant une pathologie moins sévère. Stimuler précocement la production d’interférons par l’organisme en activant la voie MDA-5 pourrait permettre de limiter le risque de développement de formes sévères chez certains patients », ajoute la chercheuse.

Des équipes de recherche ont d’ores et déjà commencé à étudier l’administration précoce d’interférons dans le cadre de plusieurs essais cliniques.