Pour fixer des pierres dans leurs dents, les Mayas utilisaient un ciment protecteur de caries

On connait désormais la composition du "ciment" qui fixait les pierres dans les dents des Mayas. Ce dernier a des propriétés hygiéniques et antibactériennes réputées.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 30 mai 2022

Pour fixer des pierres dans leurs dents, les Mayas utilisaient un ciment protecteur de caries

Avec leurs bijoux dans les dents, les rappeurs n’ont rien en inventé. Des milliers d’années avant eux, les Mayas des plaines (l’équivalent actuel du Guatemala, du Belize et du Mexique) arboraient déjà des sourires étincelants avec des pierres colorées sur le devant de leurs dents. Pendant la période classique (200 à 900 avant J.-C.), les dentistes de l’époque perçaient des trous dans l’émail et la dentine, posaient les pierres et appliquaient un scellant. Le plus souvent, cette pratique avait lieu dans le cadre d’un rite de passage à l’âge adulte. Selon une étude parue le 19 mai dans la revue Journal of Archaeological Science, cette pratique était réalisée dans le plus grand respect de l’hygiène buccale. En effet, les scientifiques mettent en avant les propriétés hygiéniques du ciment permettant de fixer les pierres aux dents. Ce dernier, dont on a longtemps ignoré la nature, est principalement composé de goudron de pin aux caractéristiques antibactériennes réputées.

Pour leur étude, Gloria Hernández Bolio, biochimiste au Centre de recherche et d’études avancées de l’Institut national polytechnique du Mexique, et ses collègues ont analysé huit dents déterrées dans des sites funéraires mayas de la période classique. Dans près de la moitié des dents modifiées, les incrustations de pierre étaient encore intactes. Dans les ciments, les chercheurs ont découvert 150 molécules organiques communes aux résines végétales. Ces dernières ont été utilisées pour leurs propriétés hydrofuges et collantes depuis l’Antiquité. Ici, les analyses ont montré que les mastics pouvaient être séparés en quatre groupes en fonction de leur emplacement. Ainsi, les praticiens avaient chacun leur propre recette.  “Chaque ingrédient a une tâche spécifique”, analyse Gloria Hernández Bolio.

 

Eviter de potentiels effets indésirables

 

La plupart des échantillons comprenaient des ingrédients trouvés dans les pins capables de combattre les bactéries à l’origine des caries dentaires. Deux dents présentaient des traces de sclaréolide, un composé présent dans les plantes Salvia aux propriétés antibactériennes et antifongiques. Il est aujourd’hui utilisé comme fixateur d’arômes dans l’industrie du parfum. Les « ciments » de la région extérieure éloignée de Copán, près de la frontière du Honduras et du Guatemala actuels, contenaient quant à eux des huiles essentielles de plantes de menthe dont les composants peuvent avoir des effets anti-inflammatoires.

D’après Gloria Hernández Bolio, dont le grand-père est Yucatec, un groupe appartenant à la civilisation maya historique, les Mayas d’aujourd’hui utilisent toujours ces plantes à des fins médicinales. Il est donc probable que les anciens aient été conscients de leurs effets.

Ainsi, en plus d’être compétents, les dentistes mayas savaient aussi savaient aussi “comment éviter les effets secondaires indésirables potentiels”, tels que les infections ou autres problèmes dentaires après l’incrustation de pierres, explique Cristina Verdugo, anthropologue de l’université de Californie à Santa Cruz. Selon elle, cette étude nous éclaire enfin sur comment ces pierres étaient fixées. Joel Irish, anthropologue dentaire à la Liverpool John Moores University aimerait toutefois avoir plus de preuves concernant les propriétés antiseptiques et thérapeutiques.

 

D’excellentes habitudes bucco-dentaires

 

Les résultats de cette étude n’ont toutefois pas surpris les scientifiques. De précédentes recherches avaient déjà mis en lumière les excellentes habitudes bucco-dentaires des Mayas. Ces derniers avaient notamment pour usage de se limer les dents et d’arracher les cariées. L’analyse présente confirme donc une nouvelle fois “le haut degré de sophistication de la pratique dentaire des anciens Mayas”.

Et la coauteure Vera Tiesler, bioarchéologue à l’Université autonome du Yucatán, d’évoquer Janaab’ Pakal, roi maya de Palenque, mort en 683 de notre ère à 80 ans avec presque toutes ses dents et aucun signe de carie. Mais chez les Mayas, prendre soin de sa santé buccale n’était pas l’apanage des riches : les dents extraites par les archéologues n’appartiennent pas à l’élite. “Au contraire, un large éventail de la société maya a bénéficié de l’expertise des individus qui fabriquaient ces ciments. ”