Entretien avec Laurent Munerot

« Nous pensons que les laboratoires ont un rôle à jouer sur l’information des patients »

L’Union nationale patronale des prothésistes dentaires (UNPPD) va communiquer auprès du grand public pour faire connaître la profession de
prothésiste dentaire et expliquer ce qu’est une prothèse de qualité.

Par Agnès Taupin, publié le 27 janvier 2020

Entretien avec Laurent Munerot

Quels vont être les effets de la mise en place du Reste à charge zéro en 2020 pour les prothésistes ?

Laurent Munerot, président de l’UNPPD : Avec le développement du 100 % santé au 1er janvier 2020, même s’il peut y avoir des différences d’activité entre les laboratoires, nous n’avons pas senti une grosse baisse d’activité lors des derniers mois de 2019, comme on aurait pu le penser.

Des mutuelles expliquent à leurs adhérents que grâce à leurs chirurgiens-dentistes partenaires ils auront accès à des « tarifs négociés » sur les prothèses dentaires. Craigniez-vous que cette baisse se répercute sur l’activité des prothésistes ?


L.M. : La prothèse de qualité n’est pas toujours un argument pour les mutuelles qui se basent sur les prix. Nous devons démontrer la qualité du travail que l’on produit, sa pérennité et le fait qu’il réponde aux attentes du patient. D’autre part, une pression existe déjà sur les laboratoires de prothèse à travers les tarifs que propose l’importation.

Certains patients renoncent à se faire soigner, ou à s’engager dans un traitement dentaire, pour des raisons financières. Pensez-vous que l’instauration du Reste à charge zéro puisse faire revenir ces patients dans les cabinets dentaires et donc se concrétiser par une hausse du volume de prothèses ?

L.M. : Certainement, il pourrait y avoir un effet, mais les prochains mois nous le diront. La question se pose également de savoir comment les praticiens dans leur cabinet recevront les patients qui veulent absolument un traitement avec Zéro reste à charge. Nous pensons que les laboratoires ont un rôle à jouer également sur l’information des patients pour expliquer ce qu’est une prothèse bien faite. Dans les prochaines semaines, nous allons communiquer auprès du grand public pour faire connaître la profession de prothésiste dentaire mais surtout pour présenter ce qu’est une prothèse de qualité et qui répond aux attentes de confort et de sécurité du patient.

Avec le panier de soins aux « tarifs maîtrisés », un patient souhaitant une couronne céramique en zircone sur une molaire bénéficiera d’un tarif plafonné. Que pensez-vous de cette mesure ?

L.M. : Nous regrettons que les prothésistes dentaires n’aient pas été invités à participer aux discussions sur la nouvelle convention. Si cela avait été le cas, nous aurions donné notre avis sur la qualité des prestations et le choix des matériaux. À présent que cette nouvelle convention a été signée, nous allons réaliser le meilleur travail possible et proposer les meilleures solutions, au praticien et au patient, en fonction des demandes. Nous avons nos tarifs de fabrication de prothèse, la qualité de celles-ci. Mais ce n’est pas nous qui choisirons pour le patient le panier qu’il doit prendre, ou la prothèse qu’il doit réaliser. Nous fabriquons un dispositif médical sur mesure et nous voulons qu’il corresponde à ce qu’attendent le praticien et le patient. Ce que l’on peut regretter, c’est que l’on cherche, par rapport aux tarifs imposés par la CCAM, à influencer les prix des prothésistes et dans ce cas-là cela peut avoir un impact sur la qualité. Les laboratoires peuvent faire de très beaux dispositifs médicaux sur mesure, très efficaces, mais cela a un coût sous lequel ils ne peuvent descendre.

Pensez-vous que la pression sur les prix va être plus importante en 2020 ?

L.M. : Cela a déjà commencé en 2019, du fait du plafonnement des tarifs des prothèses, avant même la mise en place du Zéro reste à charge.

Quel est le développement du flux numérique dans les laboratoires ?

L.M. : Le flux numérique fait partie de notre quotidien. Selon notre dernière enquête de branche en 2018, basée sur les bilans fi nanciers des prothésistes, 73 % des laboratoires sont équipés en solutions numériques, soit une hausse de 17 % en un an. Étant donné l’augmentation très importante des investissements dans les laboratoires, le chiffre devrait s’élever entre 90 et 95 % pour 2019. La CCAM actuelle donne une grande part aux prothèses fixées usinées. Les laboratoires vont donc forcément suivre le marché et ce que vont demander les praticiens et seront obligés de s’équiper. Les laboratoires qui ne le feraient pas ont encore des marchés de niches ou réalisent des prothèses amovibles qui ne sont pas encore tout à fait numérisées, mais cela va changer dans les années qui viennent.