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Angleterre : des soins bucco-dentaires pour les femmes victimes de violences domestiques

À Playmouth, dans le sud-ouest de l’Angleterre, un programme bucco-dentaire a été mis en place pour venir en aide aux victimes de violences domestiques.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 19 décembre 2022

Angleterre : des soins bucco-dentaires pour les femmes victimes de violences domestiques

Près d’un quart des femmes ont déjà été victimes de violence domestiques dans le monde. Tels sont les inquiétants chiffres de la plus large enquête jamais réalisée sur les violences faites aux femmes, parue en février 2022 dans la revue britannique The Lancet. En Angleterre et au Pays de Galles, 5 % des adultes (6,9 % de femmes et 3 % d’hommes) âgés de 16 ans et plus auraient par ailleurs subi des violences domestiques au cours de l’année se terminant en mars 2022. Un adulte sur cinq (10,4 millions) aurait souffert de ce phénomène depuis l’âge de 16 ans. Bien souvent, l’une des manifestations les plus visibles et durables de ces violences est un sourire ravagé. Blessure lourde de conséquences puisqu’elle peut avoir un impact sur la santé bucco-dentaire de manière durable, affecter la vie sociale et professionnelle en diminuant au passage dramatiquement l’estime de soi. C’est pourquoi, à Playmouth, dans le sud-ouest de l’Angleterre, un programme bucco-dentaire a été mis en place pour venir en aide aux victimes de violences domestiques.

À l’origine, Karen Burn, responsable de l’équipe dentaire de proximité, avait organisé une formation sur la santé pour les résidentes d’un centre de réhabilitation pour femmes à Playmouth. « Elle a identifié un réel besoin en dentisterie opératoire », raconte la dentiste Elizabeth Murphy, aujourd’hui responsable clinique du service, à Dentistery.co.uk Au quotidien, la praticienne est assistée de deux infirmières spécialisées en dentisterie, Rebecca Hurle et Hayley Bowden. Les opérations sont supervisées par Lisa Griffiths, éducatrice clinique et infirmière dentaire.

« Personne n’est à l’abri d’un tel évènement dans sa vie »

Les résidents restent dans le centre pendant environ 14 semaines. Ils sont adressés à l’équipe dentaire pour une évaluation et l’assistante Hannah Cann les accompagne à leur rendez-vous.

« J’ai la chance incroyable de travailler avec des professionnels talentueux et dévoués. Au sein de notre service, nous sommes également en mesure d’orienter les patients vers Ayisha Davies-House, le chirurgien buccal du PDSE (Peninsula Dental Social Enterprise, prestataire de services de l’université de Plymouth qui travaille avec l’organisation caritative Trevi pour offrir des traitements dentaires aux femmes victimes de violences domestiques), s’ils ont besoin d’un traitement, comme l’extraction de dents de sagesse. »

« Notre objectif est de les rendre aussi aptes que possible sur le plan dentaire avant qu’elles ne quittent le centre et ne rentrent chez eux, ailleurs dans le pays. Nous avons réussi à réaliser les traitements dentaires les plus longs, comme les prothèses, malgré les contraintes de temps, parce que nous avons consacré du temps à ce service, explique le Dr Murphy. Très souvent, le plan de traitement implique l’extraction des dents et la pose de prothèses, ce qui peut être difficile pour les jeunes femmes. C’est à nous de faire en sorte qu’il n’y ait pas de honte associée à leur traitement dentaire. Nous sommes là pour les aider et leur fournir ce dont elles ont besoin pour restaurer et maintenir leur santé bucco-dentaire. Personne n’est à l’abri d’un tel événement dans sa vie. »

Un service bientôt dédié aux « travailleuses de la rue » ?

Le service est autofinancé par le PDSE. Forte de son succès, Elizabeth Murphy prévoit désormais d’étendre ces soins aux « travailleuses de la rue ». Avec l’aide de Martha Paisi, « responsable de la recherche au PDSE, très active dans le soutien aux groupes vulnérables de Plymouth » et de Lisa Griffiths et Abigail Nelder, de l’équipe de soins dentaires de proximité, elle travaille désormais à déterminer « l’ampleur et le type de besoins » de ces femmes. « Pour certaines, leurs dents sont un obstacle qui les empêche d’avoir confiance en elles et d’accéder au soutien dont elles ont besoin pour ne plus travailler dans la rue. »

Pour conclure, la praticienne déclare se sentir « vraiment chanceuse d’avoir trouvé une organisation qui soutient ce type de travail ». « C’est parfois très difficile. Mais c’est incroyablement gratifiant. Dans de nombreux cas, les dents des patients peuvent être un obstacle à leur guérison ou un élément déclencheur de leur traumatisme. »

La place de l’équipe dentaire dans la détection des violences

En France, une femme décède à la suite de violences au sein du couple tous les trois jours.  « Dans la patientèle au cabinet dentaire, un chirurgien-dentiste voit potentiellement deux femmes victimes par jour. Par ailleurs, le visage, la bouche et les dents sont souvent les premières cibles visibles des agresseurs. 70% des coups sont portés au visage », indique le SFCD (Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes) sur son site.

C’est pourquoi, l’équipe dentaire est l’un des maillons de la chaîne non négligeable pour déceler ces violences. Mais encore faut-il que la victime se rende chez un praticien. Car les soins bucco-dentaires sont très peu pris en charge par l’Assurance maladie, rappelle le syndicat qui, fin mars, a fait trois propositions sur le sujet.

Il encourage notamment le déblocage d’un fonds spécifique pour permettre le remboursement à 100 % des frais thérapeutiques et corporels, y compris dentaires. Il suggère également un dispositif de solidarité nationale pour prendre en charge intégralement des soins médicaux similaires à ceux accordés aux victimes de terrorisme et des aléas thérapeutiques, sans avance de frais. Parmi eux, des soins bucco-dentaires et des consultations de suivi psychologique et/ou psychiatrique. Enfin, le SFCD milite en faveur de l’instauration d’un « certificat de séquelles » qui permettrait de lister les dommages subis par la victime. Ce document serait rédigé par le chirurgien-dentiste et à disposition de la victime qui pourrait s’en servir pour faire valoir ses droits au remboursement.