Tabac chauffé : Philip Morris condamné pour "publicité illégale"
Le 3 décembre, la justice a condamné la filiale française de Philip Morris à payer 75 000 euros d'amende pour "publicité illégale" pour son dispositif de tabac à chauffer. Philip Morris France et Philip Morris Products (filiale suisse) devront également verser 50 000 euros de dommages et intérêts et 5 000 euros de frais de justice à deux associations de lutte contre le tabac.
La justice a tranché. Le cigarettier Philip Morris était accusé par le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Demain sera non-fumeur (DNF), deux associations de lutte contre le tabagisme, pour avoir mis en avant la moindre nocivité de son dispositif de tabac chauffé IQOS. Et elles ont gagné. Le 3 décembre, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la filiale française de Philip Morris à payer 75 000 euros d’amende pour “publicité illégale”. Philip Morris France et Philip Morris Products (filiale suisse) devront également verser 50 000 euros de dommages et intérêts et 5 000 euros de frais de justice à chacune des deux associations . Dans ses publicités, la marque vantait un produit « moins nocif » que les cigarettes classiques sans qu’aucune étude indépendante ne le prouve. Pour rappel, Philip Morris international était présent au Congrès de l’ADF qui s’est tenu du 23 au 28 novembre 2021 où il a présenté ses innovations et les résultats d’études montrant soi-disant les avantages du tabac chauffé par rapport à la cigarette traditionnelle.
Les appareils IQOS fonctionnent avec des recharges de tabac mélangé à de la glycérine. Ils fonctionnent grâce à une technologie de chauffe à haute température sans combustion. Ces dispositifs sont commercialisés depuis 2017. Philip Morris assure que son produit est moins nocif que des cigarettes classiques car il n’entraîne pas la formation de goudron. “L’IQOS n’est pas un produit de tabac”, a ainsi argumenté Me Astrid Mignon Colombet, représentante du cigarettier, devant la 31è chambre le 23 septembre. D’après elle, il y a une différence entre l’appareil électronique et ses recharges. La publicité évoquait l’appareil et non pas les sticks de tabac. Par conséquent, elle n’était pas soumise à la réglementation relative aux produits du tabac, arguait-elle.
Aujourd’hui, face à la décision de la justice, Jeanne Pollès, présidente de Philip Morris France, envisage de faire appel. « Nous maintenons que les allégations soulevées par le CNCT sont sans fondement. Nous espérons que l’issue finale de l’affaire reconnaîtra la légalité de nos pratiques commerciales (pour) notre produit alternatif qui chauffe le tabac au lieu de le brûler », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Un “coup d’arrêt” à la promotion d’un dispositif qui décolle
Mais pour les associations, qui réclamaient à l’origine 1,73 million d’euros de dommages et intérêts pour « préjudice subi du fait de l’attente portée à la lutte contre le tabagisme », « c’est l’échec de toute une stratégie industrielle ». Hugo Lévy, avocat du CNT, s’est notamment félicité que les juges ne « soient pas tombés dans le panneau » des arguments du cigarettier tandis que Gérard Andureau, président de DNF espère que cette décision mette un « coup d’arrêt » à la promotion du dispositif. Car ci celui-ci est encore peu connu en France, il était en train décoller grâce à la « puissance publicitaire » de Philip Morris, assure-t-il.
Outre le fabricant, le CNCT poursuivait aussi le reportage « IQOS : la cigarette moins nocive de Philip Morris », diffusé en mars 2017 sur BFM Business. Le tribunal correctionnel a administré une amende de 50 000 euros avec sursis à NextInteractive (groupe NextRadioTV).
Outre Philip Morris, de plus en plus de marque proposent ce type de systèmes. Ce derniers se présentent sous la forme de stylos où l’on intègre des recharges de tabac. D’après Philip Morris, des données scientifiques auraient permis de constater que le tabac chauffé pouvait contribuer à la réduction de certains risques pour la santé bucco-dentaire par rapport à la cigarette classique. Il réduirait d’environ 95% en moyenne les niveaux de substances nocives par rapport à la fumée de cigarette. Par ailleurs, la décoloration des dents et résines dentaires exposées à l’aérosol de tabac à chauffer serait moindre par rapport à celle de la cigarette, tout comme l’impact sur le parodonte (cytotoxicité et inflammation). Mais pour l’Organisation Mondiale de la Santé, combustion ou pas, le tabac contient des substances cancérogènes.