Vapoter trente minutes suffirait à augmenter le stress oxydatif cellulaire

Selon une nouvelle étude américaine, une séance de trente minutes de vapotage augmenterait le niveau de stress oxydatif cellulaire. Ce qui, à terme, pourrait entraîner des maladies cardiovasculaires, pulmonaires ou des cancers. 

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 24 août 2021

Vapoter trente minutes suffirait à augmenter le stress oxydatif cellulaire

Les vapoteurs se targuent que la cigarette électronique soit moins néfaste que la cigarette classique. De nombreux pneumologues, dont le très médiatique Pr Bertrand Dautzenberg, assurent en effet qu’elle est beaucoup moins dangereuse et addictogène que le tabac. Elle serait toutefois loin d’être exempte de complications. Plusieurs études ont déjà fait état de conséquences négatives au niveau pulmonaire et cardiovasculaire. Des associations ont même été identifiées entre vapoter et le troubles de la concentration chez les jeunes.

D’autant plus pour les personnes ayant commencé avant 14 ans. Aujourd’hui, une nouvelle étude s’intéresse à l’impact de vapoter sur les non-fumeurs et les résultats sont plutôt inquiétants. D’après ces travaux parus dans la revue JAMA Pediatrics, seulement 30 minutes de vapotage pourraient affecter durablement le niveau de stress oxydatif cellulaire, même chez les personnes jeunes et en bonne santé, pouvant ainsi, à terme, augmenter le risque de développer des maladies cardiovasculaires, pulmonaires ou des cancers.

Pour en arriver à cette conclusion, 32 personnes âgées de 21 à 33 ans ont été divisées en trois groupes : non-fumeurs, fumeurs réguliers de cigarettes classiques et vapoteurs réguliers. Les chercheurs ont collecté un échantillon de cellules immunitaires de chacun d’entre eux, avant et après une séance de vapotage de trente minutes. Après quoi, ils ont demandé aux participants de vapoter “pour de faux”, soit en éteignant l’appareil, soit en inspirant dans une paille vide.

Résultats : chez les non-fumeurs, les niveaux de stress oxydatif étaient deux à quatre fois plus élevés après la séance de vapotage qu’auparavant. L’augmentation du stress oxydatif se produit quand l’organisme présente un déséquilibre entre les radicaux libres (des molécules pouvant endommager les cellules) et les antioxydants qui les combattent. “Nous avons été surpris par la gravité que peut avoir une seule séance de vapotage sur des jeunes en bonne santé, explique l’auteur principal de l’étude, le Dr Holly Middlekauff, professeur de cardiologie et de physiologie à la David Geffen School of Medicine de l’UCLA (université de Californie à Los Angeles, Etats-Unis). Cette brève session de vapotage n’était pas différente de ce qu’ils peuvent vivre lors d’une fête et les effets sont dramatiques.”

Le vapotage gagne du terrain chez les jeunes

Concernant les fumeurs, cette demi-heure n’a en revanche rien changé. Cela pourrait être dû au fait que leurs niveaux de stress oxydatif étaient déjà hauts. “Bien qu’il y ait une croyance selon laquelle les cigarettes électroniques sont plus sûres que le tabac, ces résultats montrent clairement et définitivement qu’il n’y a pas de niveau de vapotage sûr, alerte donc Holly Middlekauff. Les résultats sont clairs, sans ambiguïté et préoccupants.”

“Avec le temps, ce déséquilibre peut jouer un rôle important dans l’apparition de certaines maladies, notamment les maladies cardiovasculaires, pulmonaires et neurologiques, ainsi que le cancer”, estime-t-elle. Reste à comprendre ce qui entraîne exactement les changements dans les niveaux de stress oxydatif (que ce soit pour les éléments nicotinés ou non nicotinés des e-cigarettes). Des recherches futures sont prévues par Middlekauff et son équipe pour approfondir la question.

Les résultats de cette étude sont d’autant plus inquiétants que la cigarette électronique est de plus en plus populaire chez les adolescents et les jeunes adultes. Alors qu’elle avait à l’origine pour but d’aider les fumeurs à se sevrer, elle attire de plus en plus de nouveaux consommateurs qui n’auraient jamais consommé de tabac sinon.

D’après un sondage réalisé en 2019 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), si on a récemment remarqué un recul de la consommation du tabac chez les jeunes (le taux d’expérimentation est passé de 61 % en 2015 à 53 % en 2018), le vapotage gagne du terrain. En effet, un peu plus de la moitié des lycéens ont expérimenté la cigarette électronique en 2018 contre un tiers en 2015. Pire encore : en 2018, 9,8 % des lycéens déclaraient avoir déjà vapoté avant même d’avoir fumé alors qu’ils n’étaient que 3,7 % en 2015. Enfin, parmi les jeunes fumant des deux façons, plus d’un sur dix avait commencé à vapoter avant de consommer du tabac de façon classique.

Quand l’OMS monte au créneau

Les résultats de l’étude actuelle tombent alors même que l’OMS a appelé fin juillet à une meilleure réglementation de la cigarette électronique. “La nicotine est très addictive et les inhalateurs électroniques de nicotine sont dangereux et doivent être mieux réglementés”, a interpellé Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’organisation onusienne à la suite d’un rapport réalisé avec Bloomberg Philanthropies. Le dossier inquiétait d’autant plus qu’il notait que les cibles des fabricants ces produits étaient principalement les enfants et les adolescents. “Alors que les ventes de cigarettes reculent, les entreprises du tabac ont agressivement promu de nouveaux produits comme les cigarettes électroniques ou les produits à base de tabac chauffé et ont démarché les gouvernements pour qu’ils limitent leur réglementation, a alors accusé Michael Bloomberg, ancien maire de New York City. Leur but est simple : rendre une nouvelle génération accro à la nicotine et nous ne pouvons pas les laisser faire.”

Selon le rapport, 32 pays interdisent la vente des inhalateurs électroniques de nicotine et 79 ont adopté une mesure au moins pour limiter leur usage, comme l’interdiction de la publicité par exemple. Cependant, 84 pays n’ont aucune restriction contre ces produits. Pour l’OMS, là où la cigarette électronique est autorisée, “les gouvernements devraient adopter des mesures adéquates pour protéger leur population du danger de ces inhalateurs électroniques de nicotine, et empêcher que les enfants, les adolescents et d’autres groupes vulnérables ne les utilisent”. Car, après une baisse importante de la consommation de tabac dans de nombreux pays, il faut à tout prix empêcher de “renormaliser” l’acte de fumer en société, alerte l’OMS.

Rudïger Krech, directeur pour la promotion de la santé de l’agence reconnaît toutefois que réglementer le secteur est loin d’être facile, ces produits étant très divers et évoluant très rapidement. “C’est l’une des manières dont les fabricants subvertissent et minent les mesures de contrôle”, concède-t-il. Et l’organisation de rappeler que le tabagisme tue huit millions de personnes par an, dont un million du tabagisme passif.