Lapin à la moutarde

Si les pots de moutarde ont disparu des linéaires des supermarchés, les « lapins » à la sauce éponyme prolifèrent de plus en plus dans les cabinets médicaux et paramédicaux.

Par le Dr Serge Deschaux, publié le 06 août 2022

Lapin à la moutarde

Le fléau endémique des rendez-vous manqués (28 millions par an*) se solde par une perte moyenne de six heures de temps médical, par mois et par médecin. L’ubérisation consumériste de la prise de rendez-vous sur les plateformes aboutit à ce qu’un Français sur six et un jeune sur trois avouent avoir déjà posé un lapin à leur médecin, dentiste ou kiné **. Au lieu d’assainir ce « marché », le principe pourtant vertueux de ces services en ligne aboutit à le pervertir davantage. On en arrive à prendre plusieurs rendez-vous pour un même motif chez plusieurs praticiens, en honorant le premier disponible et en oubliant d’annuler les autres, faute de temps sans doute… Nombre de consommateurs du samedi soir pratiquent de même avec les restaurateurs (n’affichant pas que du lapin à la carte…).

Agir

Le Dr Braun, ministre de la Santé tout neuf, serait bien avisé d’ajouter une ligne à sa liste de 41 courses déjà prérédigée et approuvée dans l’urgence d’une situation hautement dégradée. Le temps médical et paramédical des soignants de ville, est tout aussi précieux pour que les autorités envisagent de le « sanctuariser » avant d’espérer une quelconque synergie avec l’hôpital.

Un rendez-vous non honoré c’est une perte de chance pour un autre patient dont la prise en charge sera fatalement différée. L’individualisme exacerbé compromet gravement la sécurité sanitaire de la société.

Communiquer

La lutte contre ce fléau sociétal mérite largement que l’on s’y attaque déjà par une vaste campagne de communication. Aux services du ministère et organisations fédérées des soignants libéraux d’enrichir la « boîte à outils d’urgence ». Un message médiatique (avec slogan percutant) est à concevoir immédiatement pour que les Français comprennent « aimablement » que le non-respect de la rare disponibilité des professionnels sape tout espoir de rétablissement d’un système de santé efficient.

Les « lapins, sauce à la grimace » sont devenus véritablement indigestes !

*URPS Franche-Comté (2013)

**Baromètre « Carnet de santé » Odoxa