« La reprise est difficile car il faut faire face à toutes les urgences »

Pour Joël Zimmer, la gestion des rendez-vous et le port des moyens de protection tout au long de la journée sont les deux difficultés à gérer dans le cadre de la reprise des cabinets dentaires.

Par Agnès Taupin, publié le 25 mai 2020

« La reprise est difficile car il faut faire face à toutes les urgences »

Dentoscope : Quels sont pour vous les paramètres les plus difficiles à gérer dans la reprise actuellement dans votre cabinet ?

Dr Joël Zimmer : Le plus difficile pour ma part est de gérer les patients qui étaient en cours de traitement avant le confinement, tous ceux à qui nous avons répondu ou que nous avons orientés vers les cabinets qui assuraient les gardes pendant le confinement et, à présent, ceux qui veulent un rendez-vous. Pour ma part je compte environ 4 appels en moyenne par jour d’urgence, soit entre 10 et 15 par semaine. On a environ entre 60 et 80 patients à gérer assez urgemment.

Nous devons faire le questionnaire Covid en ligne afin de pouvoir donner le rendez-vous le plus adapté à chaque patient en fonction de son urgence et de ses pathologies (patients fragiles à risques). Il faut également trouver de la place à un maximum de personnes avec un agenda non extensible (temps de pause entre les patients). Enfin, il faut supporter le masque FFP2 et faire face à la chaleur (surblouse, charlotte, visière).

Pensez-vous que les moyens de protection actuels vous protègent suffisamment ?

Je pense que oui. Nous, chirurgiens-dentistes, sommes habitués à faire très attention à tout ce qui peut être infectieux. De plus, il faut faire respecter scrupuleusement le protocole aux patients, même s’ils arrivent masqués. N’ayant pas l’habitude du masque, ils se touchent souvent, et n’ont pas non plus l’habitude des mesures d’hygiène. Il suffit qu’ils ne touchent à rien.

J’ignore si le soir la fatigue provient de la reprise elle-même (se remettre dans le rythme) ou si elle vient de tout ce harnachement qui nous confine à l’intérieur d’un scaphandrier difficile à supporter (le masque nous prive d’oxygène et on le ressent le soir au niveau musculaire).

Du fait des mesures de protection et de désinfection, le nombre de patients que vous recevez par jour a été réduit dans quelle proportion ?

J’ai la chance d’avoir au sein de mon cabinet un fauteuil de soins courant et un fauteuil pour la chirurgie implantaire. Celle-ci n’étant pas mon activité principale, ce fauteuil, sur lequel je ne peux pas tout faire, s’est transformé en fauteuil de consultation et de prothèse adjointe et réparation, retouche. Donc il n’y a pas vraiment de baisse du nombre de patients. Pour ma part je ne pense pas qu’il faille voir beaucoup de patients avec finalement peu d’actes, mais plutôt peu de patients avec beaucoup d’actes et c’est là que nous sommes le plus rentable.

Les temps morts (les 20 minutes de temps de pause du fauteuil de soins où je ne peux pas recevoir de patient), je les consacre à rappeler des patients (liste d’attente faite par l’assistante issue du répondeur ou des mails), faire les devis et les envoyer par mail, faire parvenir les ordonnances. Je n’ai pas l’impression d’en faire moins. En fait, ce qui est le plus dommageable pour moi est la perte du côté humain.

Les patients sont-ils stressés dans ce contexte ?

Je pense que certains oui : c’est le résultat de la psychose engendrée par les médias et c’est là que notre côté humain doit prendre le dessus pour les rassurer en ayant des protocoles stricts.

Comment voyez-vous les mois à venir ?

Je pense que l’on va devoir vivre avec le Covid-19. Le début de la reprise est difficile car il faut faire face à toutes les urgences et aussi aux patients pré-confinement qui veulent que leur traitement avance. Il ne faut pas entrer nous-mêmes dans la psychose de la peur. On fait ce qu’on doit faire, on se protège du mieux qu’on le peut. Je ne sais pas si nous devrons utiliser ces EPI longtemps mais, pour ma part, je continuerai dans ma vie professionnelle et privée les gestes barrières. Nous sortirons peut-être de cette crise plus prudents !

Une adaptation de la convention dans ce contexte de crise vous paraît-il nécessaire ?

Pour ma part, je n’ai pas trop subi de dommages financiers. Par nature très prudent, j’ai su faire face à cette crise (je n’ai pas refusé non plus les aides au chômage partiel de mon assistante, les aides pour garde d’enfant, l’aide de la CARCDSF).

Je pense qu’on devrait pouvoir recevoir dans un premier temps une aide qu’on pourrait intituler “lutte contre la propagation du Covid-19” qui pourrait être une indemnité par patient. Et dans un deuxième temps stopper la mise en place de la convention comme elle doit se profiler en 2021. Enfin, dans un troisième temps, revoir à la hausse le RAC 0.