La cavité buccale est un environnement dynamique où s’accumulent constamment des micro-organismes incrustés dans une matrice polymérique extracellulaire qui adhèrent à la surface des dents ou à toute matière dure et perméable [1]. Au sein du biofilm, les micro-organismes interagissent par détection du quorum, un peu comme lorsque nous nous saluons, échangeons des conseils ou des cadeaux de Noël avec le voisinage. Cet « échange amical » entre micro-organismes pourrait grandement accroître leur virulence et leur antibio résistance, comparativement à une existence isolée à l’état planctonique. C’est pourquoi l’élimination mécanique reste le traitement de base des pathologies causées par le biofilm, telles que les caries, la gingivite ou la parodontite.
La plaque dentaire se traduit par un biofilm réel, et son existence peut être démontrée aux patients en utilisant des produits révélateurs ; (Fig.1). La possibilité qu’il se calcifie et forme du tartre rend plus difficile son élimination, et rend d’autant plus importante son éradication le plus rapidement possible. L’élimination de la plaque sous-gingivale est traditionnellement réalisée avec un détartreur ultrasonique ou des instruments manuels, tandis qu’on utilise des cupules en caoutchouc associées à des pâtes à polir pour la plaque supra-gingivale. Les particules abrasives incorporées aux pâtes à polir sont généralement la pierre ponce, l’oxyde d’aluminium, le carbure de silicium, le grenat, le feldspath, le silicate de zirconium, l’émeri, la perlite, etc. Ces modes de traitement traditionnel ont montré leur efficacité dans l’élimination de la plaque et la restauration d’une bonne santé buccale pour les patients. Cependant, une perte importante de substance dentaire dure et l’inconfort du patient pendant le traitement sont préoccupants. Ces deux facteurs pourraient influer sur les rendez-vous de rappel lors d’un traitement parodontal. Ainsi, des recherches approfondies et des innovations technologiques ont été menées ces dernières années afin de trouver une approche plus novatrice pour éliminer le biofilm.

Fig.1 : L’existence de la plaque dentaire peut être démontrée aux patients en utilisant des produits révélateurs.
Dispositifs d’aéropolissage
Principes de base
Le concept de base de l’aéropolissage n’a rien de nouveau. En effet, la première fois qu’il a été introduit sur le marché...
dentaire, c’était en 1945, dans le cadre de la préparation du soin des caries [2]. Les dispositifs modernes d’aéropolissage utilisent de l’air et de l’eau pressurisée pour obtenir un jet contrôlé de poudre passant par l’embout d’une pièce à main. On y trouve généralement deux orifices, l’air et la poudre passant par l’orifice intérieur et l’eau, par l’orifice extérieur [3] ; (Fig.2). Ce jet est dirigé vers la surface de la dent pour éliminer les tâches, la plaque dentaire et les autres dépôts mous.

La possibilité d’associer air, eau et poudre pour retirer les substances de la surface traitée dépend de plusieurs facteurs que l’on peut grossièrement classer comme suit : facteurs hydropneumatiques, facteurs liés aux substances abrasives et facteurs liés à l’utilisateur [4].
Facteurs hydropneumatiques :
- quantité d’eau,
- pression de l’air.
Facteurs liés aux substances abrasives :
- masse de poudre émise,
- taille des particules,
- forme des particules,
- dureté des particules.
Facteurs liés à l’utilisateur :
- distance entre l’embout et la surface traitée,
- angulation de l’embout,
- durée d’utilisation des instruments.
Plus la pression de l’air est élevée, plus l’élimination des substances est efficace. Des particules plus grosses, des bords plus angulés et une plus grande dureté sur l’échelle de Mohs donneront une abrasivité plus importante.
Les tableaux ci-contre (tableaux 1, 2, 3)illustrent la dureté sur l’échelle de Mohs de différents matériaux utilisés dans le polissage, en comparaison avec la dureté des structures dentaires et des matériaux de restauration. Les matériaux habituellement utilisés comme agents de polissage, tels que la pierre ponce, le carbure de silicium, l’émeri, le silicate de zirconium, etc. sont plus hauts sur l’échelle de Mohs que les structures dentaires et les matériaux de restauration. Un usage prolongé peut entraîner :
- une suppression irréversible de l’émail, de la dentine et du cément,
- une érosion et une rugosité des matériaux de restauration, et ainsi favoriser la fixation de la plaque à long terme.

La poudre à base de bicarbonate de sodium(ex. : Poudre Air-Flow Classic EMS)est utilisée sur le marché depuis les années 1980. Elle est non toxique, soluble dans l’eau, bien qu’on y ajoute souvent jusqu’à 0,8 % d’oxyde de silicium ou duphosphate tricalcique pour leur effet hydrophobique, une caractéristique importante pour maintenir le flux de poudre lorsqu’elle est mélangée à l’eau. Elle est généralement utilisée pour l’élimination des tâches et de la plaque supra-gingivale sur un émail intact, car elle est sans risque et efficace, et ne cause pas de perte de substance ou d’altération de la surface cliniquement significative [5]. En effet, il a été démontré qu’avec un aéropolissage au bicarbonate de sodium, l’élimination des tâches et de la plaque supra-gingivale prend trois fois moins de temps qu’avec des instruments manuels ou des cupules en caoutchouc et une pâte de polir[6]. Cependant, la poudre de bicarbonate de sodium ne doit pas être utilisée pour l’élimination de la plaque sous-gingivale. Des résultats expérimentaux ont démontré une perte considérable de substance au niveau de la racine lorsqu’elle est dirigée vers la surface d’une racine dénudée [7]. De plus, des cas d’érosion épithéliale sévère ont été rapportés lorsqu’elle est dirigée vers les tissus mous [8]. C’est pourquoi l’utilisation du bicarbonate de sodium pour l’élimination de la plaque sous-gingivale doit toujours être évitée.
La poudre de glycine (ex. : Poudre Perio EMS) est apparue sur le marché au milieu des années 2 000 pour pallier les limites cliniques du bicarbonate de sodium. Elle permet d’éliminer la plaque sous-gingivale en traumatisant le moins possible la surface de la racine et les tissus mous. La glycine est un acide aminé non-essentiel et un composant important de la plupart des polypeptides. Elle est également souvent utilisée dans l’industrie alimentaire comme exhausteur de goût en raison de son goût légèrement sucré. Les particules de la poudre de glycine utilisée pour l’aéropolissage ont en général une taille inférieure à 25 μm, soit 4 fois moins que les particules traditionnelles de bicarbonate de sodium, c’est pourquoi elle est moins abrasive.
La poudre d’érythritol (Poudre Plus EMS) a été lancée en2013.L’idée était de créer une poudre associant les caractéristiques des poudres à base de bicarbonate de sodium et celles des poudres à base de glycine, à savoir supprimer les tâches en supra et sous-gingival sans endommager les tissus durs et mous. L’érythritol est un substitut du sucre (polyol)généralement utilisé comme additif alimentaire. C’est actuellement la poudre d’aéropolissage dont la taille des particules est la plus faible sur le marché (14 μm). Bien que l’impact par particule soit extrêmement faible en raison de leur taille réduite, la haute densité du flux de poudre lui permet de retirer les tâches modérées. L’image 3 illustre l’élimination des tâches avec la poudre d’érythritol sur la surface d’un oeuf de caille ; (Fig.3).

Indications
Résumé des indications de l’aéropolissage
Indications primaires :
- élimination du biofilm en supra-gingival (poudres à base de bicarbonate de sodium, de glycine ou d’érythritol) et en sous-gingival (poudre à base de glycine ou d’érythritol),
- élimination des tâches – en particulier sur des dents mal alignées et les zones interproximales,
- maintenance implantaire.
Autres domaines d’application :
- nettoyage de la surface dentaire avant la pose de bagues orthodontiques, ainsi qu’autour des bagues orthodontiques au cours des rendez-vous de suivi,
- nettoyage avant traitement de blanchiment,
- nettoyage avant application d’un scellant de fissures,
- nettoyage avant pose d’une prothèse telle qu’inlay, onlay, couronne, bridge collé,
- nettoyage avant application de fluorure.
Preuves cliniques et consensus
Dans le monde moderne de la dentisterie factuelle, aucun produit ne peut résister à l’épreuve du temps si l’efficacité clinique, les bénéfices et la sûreté perçus ne sont pas étayés par des données issues de la recherche. De nombreuses études ont été menées au fil des années pour démontrer l’utilisation de la technique d’aéropolissage comme mode de traitement moderne et fiable pour éliminer le biofilm, et les résultats ont été pour la plupart positifs.
Dans un essai clinique par quadrant buccal distinct réalisé auprès de patients suivant un traitement parodontal de soutien, le traitement des poches d’une profondeur de 5 à 8 mm a été réalisé soit avec une instrumentation ultrasonique, soit avec un dispositif d’aéropolissage avec des embouts sous-gingivaux spéciaux ; (Fig.4)et une poudre à base de glycine [9]. Les deux modes de traitement ont permis de diminuer significativement la profondeur des poches et le saignement lors du sondage au bout de deux mois. Ils n’ont révélé aucune différence significative en termes de résultat. En revanche, en termes de confort pour le patient, les résultats ne sont pas identiques. En effet, les patients ont perçu le traitement par aéropolissage plus confortable que celui par ultrasons.

Lors d’une étude in vitro récente sur l’utilisation de la poudre d’érythritol, quatre traitements différents ont été comparés pour mesurer leur efficacité en sous-gingival sur l’élimination et la reformation du biofilm, l’altération des surfaces, de la substance dentaire et de l’attachement des fibroblastes du ligament parodontal [10]. À l’aide d’un modèle expérimental reproduisant une poche parodontale, on a comparé l’utilisation de curettes manuelles, le détartrage par ultrasons et l’aéropolissage sous-gingival avec la poudre d’érythritol avec ou sans chlorhexidine ; (Fig.5). Les résultats de cette expérience ont montré une réduction bactérienne plus importante lors du traitement par aéropolissage avec la poudre à base d’érythritol et chlorhexidine, une perte de substance dentaire plus élevée avec les curettes manuelles, une surface significativement plus rugueuse lors de l’utilisation de curettes et Lors d’une étude in vitro récente sur l’utilisation de la poudre d’érythritol, quatre traitements différents ont été comparés pour mesurer leur efficacité en sous-gingival sur l’élimination et la reformation du biofilm, l’altération des surfaces, de la substance dentaire et de l’attachement des fibroblastes du ligament parodontal [10]. À l’aide d’un modèle expérimental reproduisantunepoche parodontale, on a comparé l’utilisation de curettes manuelles, le détartrage par ultrasons et l’aéropolissage sous-gingival avec la poudre d’érythritol avec ou sans chlorhexidine ; (Fig.5). Les résultats de cette expérience ont montré une réduction bactérienne plus importante lors du traitement par aéropolissage avec la poudre à base d’érythritol et chlorhexidine, une perte de substance dentaire plus élevée avec les curettes manuelles, une surface significativement plus rugueuse lors de l’utilisation de curettes et ultrasons, et un meilleur attachement des fibroblastes du ligament parodontal avec le traitement par ultrasons et par aéropolissage avec la poudre à base d’érythritol.

D’après les résultats de plusieurs études, voici le consensus dégagé lors du 7e congrès EuroPerio[11] :
- les dispositifs d’aéropolissage ont démontré leur efficacité dans l’élimination du biofilm et des tâches supra- et sous-gingivales,
- les indications pour l’utilisation de dispositifs d’aéropolissage ont été étendues à l’aéropolissage en sous-gingival,
- le développement de poudres peu abrasives à base de glycine et de dispositifs dotés d’embouts sous-gingivaux permet un meilleur accès aux zonessous-gingivales et interdentaires,
- les dépôts minéraux (tartre) doivent être éliminés par des instruments électriques ou manuels.
Un protocole innovant
Guided Biofilm Therapy
Avec le lancement de sa poudre à base d’érythritol, EMSa développé un nouveau protocole pour la prophylaxieprofessionnelle, appelé Guided BiofilmTherapy (GBT). Ce dernier a été récemment introduit dans la Swiss DentalAcademy (Centre de formation EMS). Le protocole classique d’élimination de dépôts durs et mous qui doit commencer parun traitement avec des instruments àmain, se poursuivre avec un appareil à ultrasons pour se terminer avec un polissage classique (instruments rotatifs, cupules, brosses, pâtes à polir)est toujours largement répandu dans la médecine dentaire.
Avec le nouveau protocole GBT, après un diagnostic individuel des dents, des tissus mous et des muqueuses, un révélateur de plaque sera utilisé afin de motiver le patient à améliorer son hygiène dentaire et identifier les zones où il a des difficultés à accéder ; (Fig.6).

Une fois cette mise en évidence de la plaque et la motivation du patient réalisées, un véritable nettoyage en profondeur commence. L’élimination dubiofilm et de la plaque supra et sous-gingivale sera réalisée par aéropolissage à l’aide de Poudre Plus EMS à base d’érythritol ; (Fig.7 et 8).
Cette étape offre une meilleure visibilité pour la détection du tartre et des caries et réduit l’utilisation des ultrasons qui sont utilisés seulement là où cela est nécessaire ; (Fig.9). Ainsi, en réduisant l’étape de détartrage avec les ultrasons, le confort du patient est amélioré. Un second contrôle de plaque avec un révélateur peut être effectué après le traitement pour montrer au patient que le biofilm a bien été éliminé et aussi lui faire comprendre tout l’intérêt de ce protocole.

des caries et réduit l’utilisation des ultrasons qui sont utilisés seulement là où cela est nécessaire.
Conclusions et orientation future
D’après les preuves actuelles, l’utilisation d’un dispositif d’aéropolissage avec la poudre appropriée a certainement ouvert de nouveaux horizons dans la dentisterie préventive. Avec une efficacité clinique bien rodée et un confort lors de l’élimination du biofilm sur des dents naturelles, ses indications se sont également élargies aux soins de prévention des implants et à la prise en charge de la péri-implantite. Grâce à une connaissance renforcée et à une formation adéquate des professionnels de la santé bucco-dentaire à l’utilisation des dispositifs d’aéropolissage, de meilleurs soins dentaires, en particulier des mesures préventives, pourront être proposés au public dans les années à venir.
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