Numérique : protéger son cabinet face aux menaces actuelles

La transformation numérique des cabinets dentaires ouvre de nouvelles perspectives mais aussi de sérieuses failles, que les praticiens ne peuvent plus se permettre d'ignorer.

Par Rémy Pascal, publié le 18 juin 2025

Numérique : protéger son cabinet face aux menaces actuelles

La numérisation des cabinets connaît une accélération sans précédent, apportant une efficacité accrue, une optimisation des processus internes et une gestion améliorée des soins et des données patients. Cette transformation numérique permet aux praticiens de faciliter le partage d’informations avec les laboratoires dentaires et les autres professionnels de santé. Cependant, ce virage numérique expose également à des risques majeurs en matière de cybersécurité rendant impérative la maîtrise des bonnes pratiques et l’adoption d’outils spécifiques pour sécuriser leur activité.

Menaces informatiques : quelles réalités ?

Les cabinets sont aujourd’hui particulièrement exposés à plusieurs formes d’attaques informatiques. Peu importe leur taille ou leur capacité potentielle à délivrer d’importantes rançons. Citons ici notamment les principales.

Ransomwares (rançongiciels) : ces logiciels malveillants bloquent l’accès aux données et exigent le paiement d’une rançon. Les cabinets dentaires, détenteurs de données sensibles de santé, sont des cibles privilégiées en raison de l’urgence de récupérer rapidement leurs données.

Phishing (hameçonnage) : de faux e-mails imitant des organismes de santé ou administratifs visent à tromper les praticiens ou leur personnel afin d’obtenir des informations sensibles ou des accès aux systèmes informatiques. Ces attaques ciblent souvent des périodes d’intense activité, où la vigilance est moindre.

Piratage et vol de données patients : les données personnelles et médicales des patients, particulièrement recherchées, alimentent des activités frauduleuses ou sont revendues sur le marché noir à des fins d’usurpation d’identité.

Vulnérabilité des objets connectés : caméras intraorales, scanners numériques, imprimantes 3D et logiciels de gestion des dossiers patients peuvent être vulnérables, offrant aux cybercriminels un point d’entrée privilégié dans le réseau informatique du cabinet.

Quand le risque devient concret

En 2022, un cabinet situé à Pessac, près de Bordeaux a été victime d’une attaque informatique. L’ensemble des données a été crypté. Impuissants et dans l’impossibilité de continuer à travailler, après dix jours d’impasse, les deux praticiens se sont résolus à céder. Ils ont payé les sommes réclamées par les cyberpirates. Le coût a dépassé plusieurs milliers d’euros, sans compter la perte d’activité directe. Ces deux professionnels girondins n’ont pas été les seules victimes de cette attaque. Une dizaine d’autres cabinets dentaires de l’agglomération ont été ciblés de la même façon. Et la plupart s’est résolue à payer. De quelques milliers à 15 000 euros selon les cas.

En 2024, un cabinet dentaire parisien a subi une fuite massive de données patients à la suite d’une attaque par phishing ayant compromis les accès au logiciel métier. L’incident, qui concernait plus de 500 dossiers patients a entraîné une communication obligatoire auprès de tous les patients affectés, impactant gravement la réputation du cabinet.

Conséquences juridiques et financières : un enjeu crucial

La violation de données patients peut engendrer des conséquences lourdes, tant financières que juridiques. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose aux cabinets une sécurisation stricte des informations de santé. En cas de manquement, la CNIL peut infliger des sanctions pouvant atteindre jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel du cabinet. Outre les conséquences financières immédiates, les praticiens s’exposent également à des actions judiciaires de la part des patients lésés et à des pertes économiques indirectes liées à la détérioration de leur image professionnelle.

Parole d’expert

Vincent Laury, informaticien, CEO de Land Dentiste.

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« Le métier de dentiste a beaucoup évolué ces dix dernières années. Celui d’informaticien aussi. Là où, autrefois, notre rôle se limitait à la maintenance du parc informatique, il faut désormais anticiper les cyberattaques. Cela passe, entre autres, par l’installation de pare-feux, d’anti-ransomwares, d’antivirus, et par une sécurisation rigoureuse des flux entrants et sortants. Les sauvegardes supervisées et sécurisées deviennent également indispensables. Trop de praticiens pensent encore que les attaques n’arrivent qu’aux autres, qu’ils sont “ trop petits ” ou que leur chiffre d’affaires n’attise aucune convoitise. C’est une erreur : les cyberattaques sont aléatoires et frappent sans distinction. Du jour au lendemain, imaginez ne plus avoir accès à vos agendas, fiches patients, imageries… Bref, à l’ensemble des données vitales de votre cabinet. Les logiciels en mode SaaS, hébergés sur le cloud, offrent une alternative intéressante : ils permettent au praticien de déléguer la gestion de la sécurité et de la sauvegarde des données. Mais cette délégation ne dispense pas de vigilance : il est essentiel de s’assurer que l’éditeur dispose d’une politique de cybersécurité robuste et de procédures de sauvegarde éprouvées. Car même ces prestataires peuvent être ciblés. Enfin, si les données sont bien hébergées sur des serveurs agréés HDS, leur protection reste, légalement, de la responsabilité exclusive du chirurgien-dentiste. En cas d’incident, cette architecture cloud permet néanmoins une reprise d’activité bien plus rapide. »