Prise de décision en endodontie
L'attitude clinique de l'omnipraticien dépend de plusieurs facteurs. La prise de décision et le choix thérapeutique en endodontie doivent être guidés par une approche globale.

L’endodontie permet d’optimiser la préservation dentaire. Le traitement vise à éviter la contamination du canal radiculaire ou à éliminer une infection déjà en place. Diagnostic, prise de décision et mise en œuvre technique vont influencer les résultats. L’omnipraticien est fréquemment amené à effectuer des actes endodontiques. Cependant, dans des situations complexes, il a parfois intérêt à adresser vers un confrère spécialisé, équipé d’un plateau technique. Comment orienter les décisions thérapeutiques dans cette discipline ? Réponses avec des endodontistes exclusifs.
Démarche diagnostique
Discipline conservatrice et technique, l’endodontie nécessite le respect de certaines étapes. Face à un patient qui consulte pour une douleur, « il existe une démarche diagnostique systématique. Elle consiste à obtenir des informations sur l’état médical, écouter les doléances du patient, puis examiner l’ensemble de la bouche pour identifier la dent causale, à l’aide de tests (thermique, électrique, percussion). Il faut ensuite tenter de reproduire les symptômes décrits. La radiographie n’est pas réalisée d’emblée mais sert à confirmer la cause », explique le Pr Pierre Machtou, premier endodontiste exclusif en France. « La difficulté réside davantage dans l’établissement du diagnostic que dans la décision de traitement », ajoute le praticien et professeur des universités. L’arbre décisionnel se révèle être un excellent outil pour guider le praticien. Selon le type de douleur (provoquée ou spontanée), la sensibilité à la percussion, la vitalité pulpaire ou l’évaluation de la nécrose ainsi que la présence radiographique d’une lésion apicale, un plan de traitement optimisé peut être établi. L’utilisation du formulaire d’évaluation de la difficulté, réalisé par l’association américaine d’endodontie (AAE), constitue une aide précieuse. Il permet notamment à l’omnipraticien de déterminer s’il peut prendre en charge lui-même le patient ou s’il est préférable de l’orienter vers un endodontiste expérimenté. « L’omnipraticien doit savoir jusqu’où il peut aller et ne pas hésiter à adresser vers quelqu’un de plus performant dans la discipline », indique le Pr Machtou.
Communiquer avec le patient
Malgré le respect des étapes précédentes, le praticien se trouve parfois confronté à des situations délicates. « La plupart des problématiques sont gérables. Mais la suspicion d’une fêlure représente la principale prise de risque. Le scanner ou CBCT ne garantit pas toujours un diagnostic certain. Dans ce cas, il faut savoir communiquer avec le patient sur notre incertitude : lui proposer un traitement conservateur, sans garantie, ou une extraction. L’expertise du clinicien va guider le patient », rapporte le Dr Juliette Lombardo, endodontiste exclusive à Paris. « La fatigue psychologique et physique du patient, le temps dont il dispose, l’investissement financier qu’il est prêt à faire, vont influencer la décision de traitement. Même pour les situations avec un bon pronostic, il est important que le patient adhère au traitement. Les cas doivent être traités dans leur globalité (tropisme du patient, âge, degré d’urgence, capacité du patient à accepter un potentiel échec de traitement) », précise la praticienne. La consultation permet d’établir un pronostic sur la dent, souvent très bon. Mais la qualité de la communication entre le dentiste et l’endodontiste est également déterminante pour la réussite du traitement. « Il n’existe pas de recommandations strictes sur la façon de gérer les cas cliniques. Pour un omnipraticien il semble toutefois essentiel de se former à la gestion de la préservation de la vitalité pulpaire », ajoute le Dr Lombardo.
Décision thérapeutique
La formation du praticien, son expérience, son appétence pour certains soins peuvent aussi influencer la décision thérapeutique. « Le bagage technique (formation et matériel à disposition), les années d’expérience mais aussi la capacité à être bien entouré, ont un impact sur la décision endodontique », déclare le Dr Paul-Marie Oliva, endodontiste exclusif à Lyon. Côté matériel, « l’omnipraticien a tout intérêt à posséder un cone beam ainsi qu’une sonde parodontale en plastique pour affiner son analyse, notamment s’il suspecte une fracture radiculaire », précise le praticien. Pour le Dr Oliva, le travail en équipe prime : « Nous échangeons constamment au sein du cabinet mais aussi en allant à la rencontre d’endodontistes situés dans d’autres villes et ayant des pratiques variées. La confrontation des points de vue permet de progresser. Les débats principaux reposent sur les choix entre conservation ou extraction, et entre retraitement orthograde ou chirurgie endodontique ». La remise en question quotidienne des décisions, couplée à l’expérience acquise au fil des années, amène chacun à se rapprocher de l’excellence. « Les omnipraticiens ont tout intérêt à échanger entre eux. Cependant, avoir une relation de confiance avec des confrères endodontistes, leur permet d’obtenir une réponse rapide, de débloquer une situation ou d’avoir un avis sur le pronostic d’une dent. Chaque praticien devrait avoir l’humilité de demander un avis », conclut le Dr Oliva.
Pratiquer des actes d’endodontie nécessite un diagnostic précis, avec le respect d’étapes clairement établies et la prise en compte du gradient thérapeutique. Cette discipline doit aussi appréhender le patient dans sa globalité sans se limiter à l’aspect dentaire. La formation, l’expérience, le partage entre praticiens, l’émulation et les remises en question permettent de faire des choix pertinents et éclairés, afin d’offrir le meilleur service rendu.