Le rôle des facteurs fonctionnels dans les malocclusions : mythe ou réalité ?

L'orthodontie fonctionnelle se concentre sur les causes sous-jacentes des malocclusions, souvent liées à des dysfonctions oromyofonctionelles ou des parafonctions.

Dr Olivier Setbon, publié le 05 mai 2025

Le rôle des facteurs fonctionnels dans les malocclusions : mythe ou réalité ?

D’un point de vue épidémiologique, Tausche et al a publié une étude en 2004, menée dans le cadre d’une enquête plus large sur 8768 enfants âgés de 6 à 17 ans. Elle a porté sur 1975 enfants de 6 à 8 ans afin d’évaluer la prévalence des malocclusions à l’aide de l’Index of Orthodontic Treatment Need (IOTN) durant la phase précoce de la denture mixte. Les résultats ont montré que les anomalies les plus fréquentes étaient une supraclusion et un surplomb augmenté de plus de 3,5 mm, affectant respectivement 46,2 % et 37,5 % des patients. Une béance antérieure a été observée chez 17,7 %, un inversé d’occlusion postérieure chez 8,2 %, et un inversé d’occlusion antérieure chez 3,2 % des enfants.

L’analyse du Dental Health Component de l’IOTN a révélé que 26,2 % des enfants nécessitaient un traitement orthodontique important ou très important. Ces malocclusions, notamment les inversés d’occlusion et le surplomb augmenté associé à des troubles myofonctionnels, justifient une prise en charge orthodontique précoce pour prévenir les perturbations de la croissance maxillo-mandibulaire et assurer un développement harmonieux des arcades dentaires.

L’orthodontie fonctionnelle se concentre sur les causes sous-jacentes des malocclusions, souvent liées à des dysfonctions oromyofonctionelles ou des parafonctions.

Les principaux facteurs influents

Ventilation buccale

Elle influence négativement le développement maxillo-facial, pouvant entraîner des malocclusions et des troubles de croissance cranio-faciale. Ainsi, pour Lyzy et al. (2021), la ventilation buccale modifie la croissance verticale et transversale du complexe cranio-facial. Elle est associée à une augmentation de la hauteur faciale antérieure et à une diminution de la distance inter-molaire maxillaire. Cependant, elle n’a pas d’influence sur les paramètres sagittaux. La libération des voies aériennes par adénoïdectomie favorise la normalisation des paramètres verticaux. Une vidéo très intéressante et didactique (Nouwen J. – 2018) : « La beauté se respire par le nez » permet à tout un chacun de comprendre les relations entre ventilation buccale et malocclusion.

Déglutition atypique

Elle exerce des pressions non physiologiques sur les arcades dentaires, contribuant aux désalignements et aux malocclusions. La déglutition atypique est un facteur clé dans l’étiologie des déséquilibres dento-faciaux et nécessite une prise en charge orthophonique ou kinésithérapique associée à l’orthodontie fonctionnelle.

Posture cervicale

Un déséquilibre postural peut impacter directement la position mandibulaire et entraîner des modifications structurelles de l’occlusion. Pour D’Attilio et al. (2005), les enfants présentant une classe squelettique II avaient une extension de la tête sur la colonne vertébrale plus prononcée par rapport aux enfants en classe I et III, suggérant une association entre la posture cervicale et la morphologie squelettique sagittale.

Approche pluridisciplinaire

Une approche globale et pluridisciplinaire est essentielle pour traiter efficacement ces déséquilibres. La collaboration entre ORL, kinésithérapeutes et orthophonistes est indispensable pour une prise en charge complète et efficace. L’objectif est de restaurer des fonctions oro-faciales équilibrées dès l’enfance, en intervenant sur l’ensemble des facteurs contribuant à la malocclusion.

L’enfant de 3 à 6 ans

Chez l’enfant de 3 à 6 ans, les examens complémentaires en orthodontie fonctionnelle sont principalement orientés vers l’évaluation de la croissance et l’identification précoce des dysmorphoses squelettiques. À cet âge, les examens radiographiques ne sont utilisés qu’exceptionnellement et avec précaution et uniquement en présence de signes évocateurs d’anomalies notamment pour rechercher des anomalies d’éruption ou bien en cas de suspicion d’agénésie dentaire. Une radiographie panoramique peut donc être indiquée mais c’est vraiment exceptionnel. Outre l’imagerie, les bilans complémentaires jouent un rôle clé dans l’évaluation des dysfonctions associées.

Le bilan ORL est essentiel chez les enfants présentant une ventilation buccale, des infections ORL répétées ou une hypertrophie des amygdales et des végétations, pouvant être à l’origine d’un trouble ventilatoire obstructif. La désensibilisation allergologique, également appelée immunothérapie spécifique (ITS), peut être initiée à partir de l’âge de 5 ans dans la majorité des cas. Cependant, l’âge exact dépend du type d’allergie, de la gravité des symptômes et de la capacité de l’enfant à coopérer avec le traitement. L’évaluation orthophonique est recommandée en présence d’une déglutition atypique, de troubles de l’articulation phonétique ou d’un positionnement lingual inadapté. Enfin, un bilan postural ou en kinésithérapie peut être envisagé si des déséquilibres musculo-squelettiques sont suspectés, en lien avec une posture corporelle altérée par une ventilation dysfonctionnelle.

Entre 6 et 10 ans

Entre 6 et 10 ans, la nécessité d’examens complémentaires devient plus fréquente, notamment pour affiner le diagnostic et orienter le choix thérapeutique. La radiographie panoramique est quasi systématique à cet âge afin d’analyser l’évolution des germes dentaires, d’évaluer l’espace disponible pour l’éruption et de dépister d’éventuelles anomalies de nombre ou de position. La téléradiographie de profil permet une analyse précise du développement squelettique et de la relation intermaxillaire, en particulier dans les cas de classe II division 1 nécessitant une correction fonctionnelle. L’exploration des fonctions oro-faciales repose toujours sur une approche pluridisciplinaire. Le bilan ORL reste primordial en présence d’une ventilation buccale persistante ou de troubles du sommeil (le questionnaire de Berlin permet ainsi de dépister les SAOS et d’orienter les patients), afin d’identifier une obstruction nasopharyngée pouvant compromettre le développement maxillaire. La désensibilisation allergologique est encore plus facile à cet âge. Ne pas hésiter à se mettre en rapport avec un allergologue pour faire un bilan. L’orthophoniste intervient dans la prise en charge des troubles de la déglutition et de la phonation, souvent associés à des malocclusions. Par ailleurs, un bilan en kinésithérapie posturale là aussi peut être indiqué pour corriger des déséquilibres musculo-squelettiques liés à une mauvaise ventilation ou une posture compensatrice notamment chez les enfants nés prématurés.

En conclusion, l’orthodontie fonctionnelle, en ciblant les causes profondes des déséquilibres, permet une prise en charge complète et préventive des malocclusions à travers une prise en charge orthodontique adaptée en fonction du profil de croissance de l’enfant. En s’appuyant sur des collaborations pluridisciplinaires et une intervention précoce, elle favorise des résultats stables et durables, tant sur le plan esthétique que fonctionnel.

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