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L'eau, une ressource vitale mais non inépuisable !

Il est possible de maîtriser sa consommation au quotidien par des éco-achats et des écogestes.

Dr Philippe Moock, publié le 26 janvier 2022

L’eau, une ressource vitale mais non inépuisable !

« L’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie », disait Antoine de Saint-Exupéry sur ce symbole de notre origine, élément primordial de notre vie et du monde animal et végétal. L’eau sur terre se compose de 97,5 % d’eau salée, contenue dans les océans et de 2,5 % d’eau douce, au niveau des lacs, rivières, glaciers, nappes phréatiques…

Au cabinet, c’est un élément essentiel lors des soins dentaires. Du rinçage buccal du patient (post-mordançage…) à l’utilisation de l’instrumentation dynamique, des inserts ultrasonores à l’aéropolisseur, en passant par les étapes de la stérilisation (autoclave, thermolaveur), jusqu’au lavage des mains, sans oublier la préparation (dilution) de produits désinfectants. En ce qui concerne l’eau issue de l’unit dentaire, elle est utilisée au contact des muqueuses, des vaisseaux sanguins (gencive et pulpe notamment), voire de l’os (alvéolectomie). Elle peut donc être source d’infections associées aux soins si sa qualité microbiologique n’est pas maîtrisée. Nous traiterons deux aspects d’une démarche durable au cabinet dentaire ; il s’agit de :

  •  maîtriser sa consommation d’eau par des écogestes,
  •  prévenir tout risque en santé environnementale par des exigences sur sa qualité.

© Getty Images/iStockphoto – Mara Duchetti.

Maîtriser la consommation au quotidien par des éco-achats et des écogestes

Suivez vos consommations sans tenir compte des factures intermédiaires estimées, mais bien de la facture annuelle relevée. En cas de doute, relevez vous-même des éléments comparatifs sur votre compteur.

Installez des systèmes hydro-économes, peu chers, efficaces dans le cadre d’une réduction de la consommation sans de gros travaux. Une chasse double-flux aux toilettes libère par le petit bouton une quantité d’eau suffisante pour évacuer un petit besoin (environ 50 % d’économie en eau). Un mousseur hydro-économe (10 €) sur chaque robinet permet de réduire la quantité d’eau (30 à 60 % ) par insufflation de l’air dans l’eau. En adoptant des robinets équipés de mitigeurs thermostatiques facilitant le réglage de la température, vous limitez votre consommation de 10 à 30 % [1]. Plus onéreux, un lave-mains à commande électronique peut compléter les options.

Traitez vos mains de manière durable en préférant entre chaque patient une friction hydro-alcoolique (végétale) pour des actes non chirurgicaux à un lavage systématique des mains eau/savon, fort consommateur d’eau. Utilisez des gants non poudrés facilitant cette démarche.

Choisissez des équipements plus sobres en eau que ce soit pour les systèmes d’aspiration, l’autoclave, le thermolaveur… des fabricants intègrent des systèmes économes en eau. Lisez les brochures techniques avant tout achat et demandez des informations complémentaires le cas échéant. Quelques exemples : WH propose sur ses autoclaves des cycles sur mesure ; la technologie Eco Dry+ adapte la durée du séchage au volume de la charge, réduisant la consommation d’énergie et prolongeant la durée de vie des instruments. Melag et son thermodésinfecteur AquaBoost garantit un nettoyage amélioré des instruments jusqu’à 44 %, pour une consommation d’eau identique.

Lavez à 60°C vos blouses et calots réutilisables à pleine charge pour rentabiliser au maximum l’eau nécessaire à un cycle de lavage. La touche demi-charge réduit le volume d’eau de 20 %, mais une machine pleine nous semble préférable à deux demi-charges. L’utilisation d’un programme Éco amène le risque d’avoir un lavage moins performant, incompatible au cabinet.

L’entretien (filtres…) usuel des équipements est facteur de bonne marche et de limitation des consommations. Traquez les fuites d’eau :  relevez votre compteur en quittant le cabinet puis à votre retour le lendemain ; le chiffre affiché doit être le même. Un seul robinet qui goutte équivaut à une perte de 5 l d’eau/h, soit 120 l/jour. Un simple changement de joint (1 €) devient un acte éco-responsable. De même, une chasse d’eau défectueuse peut entraîner près de 1 000 l d’eau potable perdus par jour !

Soyez pro-actif en conseillant à vos patients un brossage efficace en coupant le robinet. Supprimez éventuellement le crachoir.

Adoptez certains écogestes pour diminuer les déchets dus aux contenants de l’eau. Fabriquez votre eau déminéralisée et raccordez le système à l’autoclave. Remplacez les bouteilles d’eau en PET par des gourdes pour l’équipe du cabinet.

Des exigences sur le maintien de la qualité de l’eau des units dentaires

Les seules obligations du circuit de distribution de l’eau au cabinet concernent la nécessité d’emploi d’eau potable, une température n’excédant pas 60°C aux points de puisage pour éviter les brûlures, ainsi qu’une évacuation des eaux usées du cabinet dentaire satisfaisante dont la récupération des déchets d’amalgames dentaires humides. De par sa conception (tubulures et interconnexions), l’unit dentaire favorise une stagnation de l’eau avec formation de biofilm (agglomérat de micro-organismes en contact d’une surface) et prolifération d’une flore hydrique à risque pathogène. Il y a donc un risque d’exposition aux micro-organismes présents dans l’eau des units, ce par ingestion directe de l’eau (patient), contact cutané ou muqueux et inhalation d’aérosols contaminés (patient et équipe soignante) [2]. En effet, en alimentant les instruments et en expulsant les déchets, l’eau représente un véhicule de transmission des infections.

C’est pour ces raisons que même pour une activité omnipratique, un traitement du circuit hydrique de votre unit est fortement recommandé.

Le dernier ADF nous a permis d’échanger avec les fabricants sur deux types de solutions sur le marché à recommander. Il en ressort que quel que soit votre choix, un traitement de « choc » initial est nécessaire : il permet d’éliminer tout biofilm et autres éléments pathogènes encore présents.

Traitements physiques (ou physico-chimiques)

Dürr propose le système Hygowater, association de filtres et d’une oxydation créant naturellement l’acide hypochloreux, désinfectant puissant, (sans nocivité à cette concentration) à partir des sels présents dans l’eau. Ce système peut être associé à une installation existante. Planmeca mise pour ses fauteuils sur un système de filtre performant de marque BWT, et courant 2022, sur un système incluant filtres et création naturelle d’acide hypochloreux.

Traitements chimiques

Du côté des solutions chimiques, citons Airel Quetin et son système éprouvé IGN-Calbénium (EDTA) et Komet avec son système compatible à tous les units (Alpron, Bilpron). Autres solutions chimiques : Oxygenal6 de Kavo (H2O2, ions Ag), la cartouche Dentapure HuFriedy (iode élémentaire), les tablettes ICX Adec (Nitrate d’Ag, percarbonate de Sodium).

Avant tout choix raisonné, échangez avec votre installateur sur la dureté de l’eau de votre quartier, votre organisation (avec ou sans intervention humaine), sur des formulations respecteuses, et surtout sur l’existence d’évaluations scientifiques rigoureuses. Quel que soit le système validé, il est crucial de respecter chaque matin une purge des cordons, ainsi qu’un contrôle de l’eau hebdomadaire (bandelette) et une maintenance régulière pour conserver une qualité constante, gage de votre sécurité sanitaire.

Notre avenir

Réduire sa consommation d’eau (qui n’est pas une ressource inépuisable) tout en maintenant sa qualité sont des critères de développement durable de votre cabinet. À terme, il me paraît pertinent, en collaboration avec les fabricants, de pouvoir calculer l’empreinte eau [3] (volume d’eau nécessaire à la production de produits et de services, y compris l’eau utilisée dans les chaînes d’approvisionnement) de nos dispositifs médicaux (instruments, matériaux…) et produits de prévention buccale, dans une démarche d’écoconception durable de nos soins, tout comme on parle d’empreinte carbone d’un cabinet.

En attendant, des données (empreinte eau) existent déjà sur des calculateurs en ligne [4, 5] pour votre consommation domestique (alimentaire…) et vous permettent si vous le souhaitez d’ajuster votre consommation personnelle. Ainsi, pour produire un kilo de riz, il faut au total 3 000 l d’eau (pour faire pousser les plants, mais également pour les laver, les transporter), 700 l d’eau pour 1 kg de pommes et près de 15 000 l pour la production d’1 kg de bœuf.

[1] Source ADEME 2021. [2] Guide d’installation des cabinets dentaires, dossier ADF 2017. [3] Centre d’information sur l’eau. [4] empreinteh2o.com. [5] waterfootprint.org.

Auteur 

Dr Philippe MOOCK

Fondateur du site www.ecopraticien.fr

contact@ecopraticien.fr