Portrait : « Tous les enfants m’appellent Khadinosaure »

« Ce que je pourrais conseiller à une jeune assistante dentaire qui démarre, ça serait de faire ce métier par amour et non par nécessité. » Pourtant, quand Khadi Berr, 57 ans, s’est lancée dans la profession en 1987, c’était plutôt par hasard. Alors étudiante en Deug d’anglais en région parisienne, « il fallait absolument que je subvienne à mes besoins financièrement. J’ai su qu’ils recherchaient quelqu’un au centre médical de santé de Colombes, où j’habitais. J’ai candidaté. Ils m’ont prise ».

Séduite par l’aspect relationnel du métier, elle se lance. S’ensuivent dix ans en tant qu’assistante dans le centre. Puis dix-huit en tant que responsable du service dentaire où elle s’occupe alors de quatre cabinets. « Ce fut une expérience extrêmement formatrice que je n’oublierai jamais. Travailler avec plusieurs dentistes, de différents âges et différentes cultures, c’était très enrichissant. Sans compter que comme nous travaillions dans une zone prioritaire, les patients eux-mêmes venaient d’horizons très variés. Nous avons vécu des moments uniques dans une super ambiance. Je suis d’ailleurs toujours amie avec les dentistes que je vois encore aujourd’hui », raconte-t-elle, affectionnant un souvenir en particulier. Celui d’une patiente qui « nous préparait chaque vendredi un couscous pour le déjeuner et comme on voulait prendre plus de temps on disait aux patients que nous étions en réunion de travail ».

Mais, en 2015, le service ferme. Loin de se laisser abattre pour autant, Khadi a une idée : elle propose à la ville de Colombes « un projet de service qui a été accepté ». Elle devient alors la référente en prévention bucco-dentaire dans toutes les crèches et écoles de la commune. « Les enfants sont très réceptifs, c’est super. » Attendrie, elle poursuit : « Ils m’appellent tous Khadinosaure à cause de mes petites peluches que je prends avec moi lors des ateliers pour leur montrer comment brosser les dents. »

Une association qui marche du tonnerre

Un jour, à un salon, « la mutuelle des fonctionnaires, la MNDCT, m’a vue à mon stand avec mes doudous, cela les a intéressés et ils m’ont demandé d’intervenir en tant que consultante ». C’est ainsi qu’en 2018, naît l’association M’T Quenottes. « Avec mon association, je travaille partout où on me demande. Je sillonne tout le territoire. Vendredi, j’étais à Marne-la-Vallée. Tous les mercredis, je suis au centre de loisirs de Puteaux. J’interviens aussi dans les crèches privées du 92 mais je ne vais plus en province car avec mes trois caisses c’est trop lourd. »

Aujourd’hui, « mon association fonctionne tellement bien que je dois refuser du travail. J’en suis très fière. Je vais certainement embaucher une assistante pour pallier les demandes », se réjouit Khadi qui a déjà une idée bien précise en tête de celle qui pourrait la seconder. « L’année dernière, à la JNAD, une assistante s’est présentée à mon stand. Elle avait entendu parler de moi et, sur le point de partir à la retraite, avait envie de s’engager dans une activité de ce genre. Elle vit dans le coin et c’est un profil sympa car c’est une femme disponible maintenant », avance celle qui est membre du comité d’organisation de la Journée nationale des assistantes.

« Com’, mailing, achats, programmation… mon rôle est d’organiser au mieux la Journée ». Journée à laquelle, elle tient un stand chaque année. « Je veux montrer aux assistantes que la vie ne se limite pas au travail en cabinet. Après un certain âge ce n’est plus possible. » Mais en 2023, le thème étant « Les soins et l’enfant », on lui a demandé d’animer un atelier sur le sujet. « J’ai appelé l’école la plus proche des salons de l’Aveyron où se déroule l’évènement. Deux classes de grandes sections de maternelle sont venues dès le matin. C’était très sympa. »

Quid du statut d’assistante de niveau 2 ?

Très impliquée et hyperactive, Khadi est également membre de la Commission scientifique interprofessionnelle (CSI) de l’agence des DPC. « Nous sommes 42 dans la commission où se trouvent tous les paramédicaux inscrits dans le Code de la santé. Nous donnons un avis favorable ou défavorable à des formations proposées aux professionnels de santé. » Ainsi, elle a été amenée à travailler sur le statut d’AMBD, plus communément appelé statut d’assistante de niveau 2, dont la création vient d’être validée par le Sénat.

« Jusque-là, on ne nous avait pas trop associés à la discussion mais récemment, je suis allée en réunion avec la ministre déléguée et j’espère que cela se décantera bientôt. À l’heure actuelle, nous nous occupons de l’organisation de la JNAD mais dès que ça sera terminé, on travaillera à fond sur ce sujet », explique Khadi.

Membre de la commission scientifique interprofessionnelle du DPC mais aussi secrétaire générale et trésorière de l’Union fédérale des assistants dentaires (Ufad) ! Vous l’aurez compris, Khadi ne chôme pas. Aujourd’hui, son objectif principal est « de développer M’T Quenottes dans toute la France avec une assistante par ville. Mais il faudra qu’elle procède exactement comme moi pour respecter l’ADN de l’association ». Car, quand l’heure de la retraite sonnera, avant de quitter la profession pour un repos bien mérité, Khadi aimerait être sûre de laisser son bébé « entre de bonnes mains ».

M’T Quenottes, c’est quoi exactement ?

L’association anime des séances de prévention et de sensibilisation auprès du grand public, des tout-petits aux seniors. Chez les petits, l’objectif est de découvrir l’univers du cabinet dentaire pour dédramatiser et mieux aborder les habitudes à prendre. Armée de peluches animaux « toutes douces » aux grandes dents, Khadi Berr montre aux enfants comment les brosser. Après quoi, les maternelles ou écoliers sont amenés à ramener chez eux des fiches spécialement conçues pour eux, ainsi qu’un kit de brossage. Dans les Ehpad, Khadi dispense des conseils sur l’entretien des prothèses dentaires, ainsi que des conseils pour avoir une bonne hygiène bucco-dentaire, évitant ainsi les ennuis liés à la fragilisation des dents des seniors. M’T Quenottes propose par ailleurs des formations aux aidants et aux auxiliaires de vie.