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Osez le débriefing avec votre prothésiste !

Dans l’ombre de vos restaurations prothétiques, il y a le travail d’un artisan qui sculpte la prothèse. S’il y a un défaut dans le travail rendu, cela signifie des complications, une occlusion qui ne se fait pas, un espace interdentaire trop large ou une prothèse qui ne s’adapte pas sur l’axe de l’implant. En cas de malfaçons, il y a parfois la tentation de passer un coup de téléphone pour exprimer – fort – son mécontentement. Certains bottent en touche et laissent l’assistante gérer ou renvoient un mail factuel pour demander que le travail soit refait. D’autres optent pour une autre attitude, celle de considérer ce défaut du travail rendu comme un accident, qu’il faut traiter bien sûr mais qui ne mérite pas d’agresser son partenaire ou de lui en tenir rigueur. Vous en conviendrez, c’est la meilleure attitude. Il est en revanche utile de réfléchir à organiser des débriefings afin d’analyser les erreurs et d’améliorer les pratiques. Mais cela n’est possible que si vous avez su instaurer une relation agréable avec votre prothésiste. Voici 7 conseils pour vous accompagner.

1 -Accordez de la considération au travail du prothésiste

« Réaliser une prothèse c’est un travail sur-mesure qui nécessite l’expertise du chirurgien-dentiste et aussi celle du prothésiste, fait remarquer Arthur Zarakolu du laboratoire AZM situé à Paris. Nous sommes là pour aider le praticien à trouver la solution la plus adaptée pour le patient. Pour cela avant même de parler débriefing, il est utile que le praticien ait une connaissance de notre travail, des techniques, de notre équipement. » À l’heure où la culture qualité s’invite dans toutes les sphères de la santé, il va de soi qu’une démarche d’amélioration des pratiques ne peut ignorer le partenaire essentiel qu’est le prothésiste dentaire. Votre prothésiste n’est pas un simple fournisseur. Accorder de la considération à son travail est un préalable pour entreprendre un véritable travail d’équipe.

2- Cherchez la solution, pas la faute

« En début de carrière, je reconnais que j’avais tendance à mettre la faute sur le prothésiste en cas de problème, reconnaît Guillaume Gérard, chirurgien-dentiste à Nueil-les-Aubiers (Deux-Sèvres). On sort de la fac en étant persuadés qu’on est les meilleurs alors qu’en fait, à l’intérieur de soi, on est stressé. On veut bien faire et on a peur de mal faire, et pour se protéger, on reporte la faute sur l’autre. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise techniquement et beaucoup plus humble, je me rends compte de mes propres limites, l’erreur est humaine. Faire une empreinte c’est extrêmement délicat et fabriquer une prothèse l’est tout autant. Je travaille avec un jeune prothésiste passionné et nous avons des échanges téléphoniques quasi quotidiens. Notre préoccupation est de faire du bon travail ensemble. » Être capable de discuter dans un respect mutuel est la meilleure solution pour obtenir une prothèse solide, belle et bien dimensionnée, en tenant compte des contraintes de chacun. « Je sais que les prothésistes avec lesquels je travaille, sont bien rodés avec ma manière de travailler, et seraient même capable de corriger un petit défaut sur une empreinte, si cela se présente, témoigne Martin Grosrichard, chirurgien-dentiste à Puteaux (Hauts-de-Seine). De mon côté, s’il y a un défaut sur une prothèse que je reçois, je n’appelle même pas le laboratoire, je refais une empreinte, cela me paraît normal. »

3- Communiquez et faites confiance

Encouragez votre prothésiste à vous dire les axes d’amélioration qu’il souhaiterait de votre part, car, il n’ose pas vous les dire spontanément de peur de vous froisser et de vous perdre comme client. « Nous n’avons pas de relation contractuelle avec les chirurgiens-dentistes, cela crée inévitablement une forme de servitude, estime Sébastien Charmeux, prothésiste à Étampes (Essonne). Dans mon cas, comme je me suis spécialisé en dentisterie numérique et en chirurgie guidée pour l’implantologie, cela rééquilibre la relation, je me sens davantage dans un rapport d’égalité avec mes clients qui viennent chercher un savoir-faire spécifique. » Pour parvenir à une véritable communication, il faut donc qu’une confiance réciproque se soit établie. « Les échanges avec les chirurgiens-dentistes me permettent de faire des choix sur les matériaux ou sur mes investissements en équipement, confie Franck Liebman, prothésiste dentaire à Voellerdingen (Bas-Rhin). J’ai changé de matériau pour fabriquer les stellites, suite à la remarque d’un praticien qui le trouvait trop dur. Plus récemment, un client voulait faire de l’alignement pour adultes, c’est suite à sa venue au laboratoire que nous avons réfléchi à nous équiper l’un et l’autre avec logiciel et caméra optique compatibles. » La proximité facilite la communication. « Les praticiens avec lesquels nous travaillons, mon père et moi, habitent à moins de 30 km de notre laboratoire et nous effectuons nous-mêmes les livraisons, poursuit Franck Liebmann. Si besoin, nous pouvons donner un avis sur place. » Inversement, Édouard Lequertier, chirurgien-dentiste à Caen (Calvados) n’hésite pas à s’arrêter le soir dans son laboratoire : « C’est sur ma route, alors si j’ai un cas complexe, je prends conseil. »

4- Rendez visite aux laboratoires

Prenez le temps de rendre visite à votre prothésiste. Sur le plan humain, c’est lui consacrer une vraie attention. Sur le plan technique, en découvrant son environnement et son équipement, c’est évaluer sa manière de travailler, connaître les difficultés rencontrées et comprendre les délais.

« Je me souviens d’un praticien très sympathique qui a attendu d’être à la retraite pour venir au laboratoire, il s’est exclamé “Ah, c’est ça un four à céramique ?” ajoute Arthur Zarakolu. Pourquoi n’était-il pas venu plus tôt ? » Certes, trouver un créneau dans vos plannings de rendez-vous blindés n’est pas simple. Mais, avouez-le, vous n’y avez pas forcément pensé et vous n’y voyez pas un intérêt immédiat. Essayez un instant de réfléchir à votre pratique, ne serait-il pas intéressant de mieux connaître les méthodes de fabrication pour être plus efficient en bouche… d’autant que vos métiers respectifs évoluent continuellement intégrant un flux numérique de la prise d’empreinte à l’usinage en passant par la modélisation. « Je rends visite au laboratoire Moulin deux fois par an et j’y consacre une demi-journée, expose Valentin Garyga, chirurgien-dentiste à Lyon. Je fais le point avec les patrons, puis je passe de poste de travail en poste de travail. J’ai mon diplôme seulement depuis cinq ans et je trouve que c’est une manière de s’améliorer. Cela m’amène à modifier légèrement mes préparations de dents par exemple. Grâce à cette relation privilégiée, le laboratoire a accepté de former un technicien à la fabrication de prothèses en or que j’utilise pour les personnes qui présentent une importante usure des dents. »

5- Consultez votre prothésiste en amont des travaux

Avoir une démarche qualité, c’est aussi anticiper les difficultés. Et la fiche labo par coursier interposé ne suffit pas à créer un échange… « Je travaille avec plus d’une quinzaine de praticiens et la moitié d’entre eux me contactent directement, chacun a son moyen de communication de prédilection, mail, SMS, messenger, Whats’App pour une question ou l’envoi de photos », indique Marc Tillocher, du laboratoire Filigrane à Strasbourg. Le recours à la photographie est un bon moyen pour faciliter le travail de votre prothésiste. Les clichés du visage sont importants pour les grandes réhabilitations prothétiques, alors que les photos plus précises sont nécessaires lors de restaurations esthétiques unitaires. Les photos sont aussi très utiles pour la prise de teinte, à condition de respecter des paramètres comme le cadrage, la luminosité et surtout la bonne position des dents du teintier, avec le plus de références possibles.

« Pour les cas complexes, les chirurgiens-dentistes nous sollicitent pour valider leur plan de traitement, continue Marc Tillocher. Dernièrement, un praticien est venu sur place avec une patiente qui voulait refaire toute sa bouche et nous avons discuté ensemble des traitements à prévoir dans une très bonne qualité relationnelle. »

L’arrivée du flux numérique invite laboratoires et praticiens à échanger en amont car les nouvelles technologies demandent des compétences particulières de part et d’autre, des transferts de données grâce à des équipements compatibles et l’utilisation de pièces de marques données. « Les fiches labo ne sont pas toujours assez détaillées, nous pouvons avoir des problèmes pour récupérer un fichier numérique ou bien il suffit d’une erreur de référence pour retarder une prise en charge patient. Si l’assistante se trompe et note RT au lieu de RB, on se retrouve avec un mauvais diamètre d’implant », explique Arthur Zarakolu du laboratoire AZM.

6- Inscrivez les assistantes dentaires dans la démarche

Les assistantes dentaires sont aux premières loges, ce sont elles qui envoient les empreintes, répondent au téléphone. Pourquoi ne pas les associer à cette démarche d’amélioration des relations avec les prothésistes ? Cela signifie les former, leur proposer de vous accompagner en visite dans votre laboratoire. Plus elles connaîtront le métier du prothésiste, plus elles seront sensibilisées aux contraintes sur les délais par exemple. Pour éviter des déconvenues en matière de délais, prévenez vos patients. Rappelez-leur que la réalisation d’une prothèse c’est du sur-mesure et qu’il peut y avoir des imprévus.

7- Osez programmer des débriefings !

Le débriefing ne fait pas encore partie de votre culture et pourtant c’est un outil intéressant pour tirer les enseignements utiles d’une expérience et être plus performant. Le débriefing à chaud entre deux rendez-vous ou à la pause de midi permet de ne pas oublier les infos et de parfois rattraper une situation, en veillant bien sûr à ce que l’échange soit constructif et ne vire pas au règlement de compte. Le débriefing régulier reste à inventer. On pourrait tout à fait imaginer que vous programmiez une réunion mensuelle où vous faites le point avec votre laboratoire, tout comme vous organisez des réunions avec vos assistantes. Cela peut se faire par téléphone ou bien c’est l’occasion d’inviter votre partenaire dans votre cabinet. Pour préparer cette réunion, pourquoi ne pas tenir un cahier des anomalies où vous listerez les problèmes rencontrés ? Ce sera aussi l’occasion d’améliorer une connaissance partagée, de réfléchir aux équipements que vous avez et aux matériaux que vous utilisez. Pensez aussi à remercier votre partenaire qui est plus souvent appelé pour des reproches que pour des félicitations. Même s’il vous semble normal que le prothésiste vous remette une belle couronne, conforme à votre commande, à la coupe et la teinte parfaite, n’oubliez pas que c’est un artisan. La reconnaissance du travail bien fait, c’est une source puissante de motivation.