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Jusqu’où s’équiper en radiologie ?

1- Savoir raison garder

La radiologie est une technique permettant au moyen de rayons X d’obtenir des images des dents et des structures maxillaires afin d’évaluer l’état de la denture, de planifier et de contrôler les traitements, en complément de l’examen clinique. Face à des technologies toujours plus performantes, il peut être tentant de suréquiper votre cabinet, au moment de votre installation ou à l’occasion d’un transfert. Vous y êtes naturellement encouragés par votre envie de proposer à vos patients le meilleur accompagnement et aussi par les sollicitations des vendeurs de matériel médical. Avant de vous engager dans des investissements, il est primordial de vous interroger :

  • Quels sont les examens d’imagerie essentiels à ma pratique et utiles pour le patient ? La réponse est différente si je suis omnipraticien ou si je fais de l’orthodontie de manière exclusive par exemple.
  • Si je suis les indications – de plus en plus encadrées – de chaque examen, vais-je utiliser tel équipement en routine ou une à deux fois par semaine ? Cette fréquence prévisionnelle est-elle suffisante pour rentabiliser cet équipement ?
  • Comment vais-je m’organiser ? La réalisation d’une radio est un acte médical, je ne peux pas le déléguer à mon assistante dentaire.
  • Ai-je bien pris connaissance des risques encourus par le patient et des mesures de radioprotection propres à l’utilisation de chaque équipement ?

2- Se repérer parmi les systèmes de radiographie

Il existe quatre systèmes de radiographie dentaire sur le marché.

  • Les générateurs dentaires permettent de réaliser des clichés intra-oraux de petite taille, très précis d’une ou plusieurs dents. Ces clichés sont réalisés de manière conventionnelle (analogique) avec un film argentique qui devra être développé ou bien grâce à un capteur numérique.

– La radiographie rétro-alvéolaire ou périapicale montre la dent entière, de la couronne à son apex et permet de repérer une carie, de voir les traitements déjà réalisés.

– La radiographie rétro-coronaire ou bite-wing visualise un bloc de dents situées sur les deux arcades. Elle permet de dépister précocement les caries proximales, coronaires ou cervicales, les points de contact défectueux, de diagnostiquer des lésions parodontales et de visualiser un septum interdentaire.

– La radiographie occlusale permet de visualiser le palais et le plancher buccal et la position exacte de la dent. Elle est régulièrement utilisée chez l’enfant ou en cas de traumatisme.

Le système de radiographie panoramique permet de réaliser un cliché qui donne une vision globale des deux arcades, en vue de face afin de détecter des anomalies des dents et des os : dents surnuméraires, dents de sagesse, kystes, tumeurs, évaluation de la perte osseuse en cas de parodontite. Mais sa pertinence est réduite pour détecter les caries en raison d’un phénomène de déformation, du chevauchement des couronnes dentaires et d’artefacts.

Le système de radiographie céphalométrique, très utilisé en orthodontie, permet de prendre un cliché de la tête entière, de face ou de profil, afin de visualiser l’ensemble des structures de la face.

  • Le « cone beam », ou scanner CBCT (Cone Beam Computed Tomography), utilise un faisceau d’irradiation de forme conique et permet une reconstitution numérique en 3D des structures dentaires. C’est la technique de radiographie de référence en implantologie, utilisée également en endodontie, en bilan pré-chirugical, en cas de traumatisme ou de lésions tumorales.

Les systèmes de radiographie extra-oraux (panoramique, céphalométrique et cone beam) peuvent être combinés.

3- Choisir un système de radiographie intra-orale performant

Faites un diagnostic de votre unité de radiographie intra-orale dentaire, essentielle en omnipratique. Rien ne remplacera une rétro-alvéolaire ou une rétro-coronaire pour diagnostiquer une carie. Avec un budget raisonnable, vous pourrez investir dans un matériel plus moderne et plus performant. En fonction de l’espace disponible dans votre cabinet, vous pourrez choisir un générateur sur roulettes, mural ou portatif, la taille maximale du cliché souhaité et le type d’imagerie possible (digital, analogique ou les deux). Peut-être est-ce le moment de passer au numérique ? Dans ce cas, il vous faudra choisir entre deux types de capteurs à mettre en bouche (ils doivent être recouverts de protections plastiques car ils ne peuvent pas être stérilisés). Le capteur à numérisation directe se présente comme un petit boîtier, il est relié à l’ordinateur via un câble USB et permet de visualiser instantanément une image à l’écran. Le capteur à numérisation indirecte s’utilise comme un film rétro-alvéolaire classique, il doit être introduit dans un terminal de lecture, sa prise en main sera plus facile. Prenez le temps de vérifier que votre équipement informatique est bien compatible avec le logiciel d’imagerie numérique de votre nouveau système.

4- La radio panoramique oui, mais pas en routine

En France, l’exposition aux rayonnements ionisants à des fins médicales est en constante augmentation. Dans ce contexte, l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) a publié une note d’information en avril 2021 spécifiant que les radiographies panoramiques ne doivent pas être effectuées de façon systématique ou à des intervalles de temps réguliers, elles doivent être justifiées, et répondre aux indications suivantes.

  • Chez un patient qui présente un nombre important de lésions carieuses, de dents délabrées, d’anciennes reconstitutions, de pathologies périapicales suspectées, une maladie parodontale établie ou pour lequel il est probable que des extractions multiples soient nécessaires.
  • Lorsqu’une lésion osseuse ou une dent n’ayant pas fait son éruption ne peut être explorée de façon satisfaisante par une radiographie intrabuccale.
  • Pour l’examen des dents de sagesse avant une intervention chirurgicale. Mais il n’est pas recommandé de réaliser des radiographies panoramiques en routine si ces dents n’ont pas fait leur éruption.
  • Dans le cadre d’une évaluation orthodontique où il y a un besoin clinique de connaître l’état de la denture et la présence/absence de dents. Il est essentiel d’utiliser des critères cliniques pour sélectionner les patients plutôt que de réaliser un dépistage en routine.
  • Dans le cas de suspicion de fracture mandibulaire. Mais s’il existe des preuves cliniques d’une fracture osseuse, il est plus approprié d’adresser le patient à des spécialistes en mesure de réaliser sa prise en charge.
  • Selon le nombre et la localisation des implants à poser, avant la phase chirurgicale et après la phase prothétique. Ces clichés, bien que médicalement justifiés ne peuvent pas être présentés au remboursement par la Sécurité sociale. Certaines mutuelles cependant peuvent prendre en charge partiellement ce type de soins.

5- Si vous faites de l’implanto, adoptez le cone beam

Le cone beam suscite aujourd’hui un véritable engouement et supplante le scanner grâce à la résolution de ses images et à son irradiation moindre. Il existe différents appareillages selon la grandeur du champ d’exploration : petit à haute résolution (inférieur à 10 cm) orienté vers l’endodontie, et les moyens (entre 10 et 15 cm) et grands (supérieur à 15 cm) permettant une exploration rapide dans toutes les autres indications. Le cone beam est défini par la Haute autorité de santé (HAS) comme un examen de seconde intention dont la justification doit être argumentée dans le dossier médical. Il est indiqué pour :

  • un bilan péri-apical pré-chirurgical particulièrement dans la région maxillaire postérieure ou dans la région du foramen mentonnier ;
  • pour la recherche et la localisation d’un canal radiculaire supplémentaire ;
  • pour le bilan d’une pathologie radiculaire, type fracture, résorption interne et externe, péri-apicale ou latéro-radiculaire ;
  • pour un bilan préimplantaire et une estimation du volume osseux au niveau du site implantaire ;
  • lorsqu’on veut évaluer l’extension et les rapports des lésions tumorales des maxillaires.

Mais les conditions de prise en charge par l’Assurance maladie sont plus réduites : les actes liés à un bilan implantaire (sauf cas très spécifiques) sont facturables mais non remboursables. La question que vous devrez vous poser c’est : « Le jeu en vaut-il la chandelle s’il n’y a pas de retour sur investissement ? » Si vous avez les reins solides sur le plan financier, c’est le bénéfice en termes de confort de travail qui vous donnera envie d’acquérir un cone beam.

6- Prenez toujours des mesures de radioprotection

Les humains sont soumis à une irradiation naturelle provenant des éléments radioactifs de la Terre, estimée à trois microsieverts (μSv) par jour. Selon l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), les doses efficaces pour les examens radiologiques sont :

  • 1 à 8 μSv pour un cliché intra-buccal ;
  • 2 à 3 μSv pour une étude céphalométrique ;
  • 4 à 30 μSv pour une radio panoramique ;
  • quelques dizaines à quelques centaines de μSv pour un cone beam ;
  • quelques centaines à quelques milliers de μSv pour un scanner médical.

Étant donné les faibles doses d’irradiation, l’ISRN estime que le port du tablier plombé n’est pas justifié en radiologie dentaire hormis – principe de précaution – chez les femmes enceintes et chez les enfants subissant des examens répétés. Mais le meilleur moyen de réduire la dose reste d’éliminer les clichés inutiles, en appliquant le principe Alara (as low as reasonnably achievable) énoncé par la Commission internationale de protection radiologique : « Que toutes les expositions doivent être aussi basses qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre, compte tenu des facteurs économiques et sociaux. »

7- La radiologie est un formidable outil de communication

Proposer à vos patients les outils radiologiques les plus modernes facilite grandement la communication avec le patient. Il est plus efficace d’expliquer un diagnostic et un plan de traitement à partir d’une image sur un écran plutôt qu’à partir d’un schéma griffonné sur un bout de papier. Par ailleurs, les données viennent compléter les fiches destinées aux laboratoires de prothèse. En implantologie en particulier, le logiciel associé au cone beam permet de transmettre des informations très précises avec axe des implants et visualisation du projet prothétique.

Un guide pour sécuriser l’imagerie médicale au cabinet

« Assurance de la qualité en imagerie médicale mettant en œuvre des rayonnements ionisants – Radiologie dentaire », Philippe ROCHER, les dossiers de l’ADF, 2019, 5 €.
Avec ce guide, l’ADF décrit le système de qualité à mettre en œuvre conformément à l’article L.1333-19 du Code de la santé publique applicable au cabinet dentaire depuis le 1er juillet 2019 :

• Les actes de radiologie sont soumis à la justification du choix de l’acte, l’optimisation des doses délivrées aux patients et au rendu du résultat ;

• Les professionnels pratiquant la radiologie sont soumis à une obligation de formation relative à l’exercice pratique et à la protection des personnes exposées (renouvelable tous les dix ans).