De l’ADN humain extrait d’un pendentif en dent du Paléolithique

Les dents ont toujours aidé les scientifiques à identifier les individus. Récemment, une équipe de chercheurs a utilisé une nouvelle méthode pour obtenir l’ADN d’une femme à partir d’une dent ancrée dans un pendentif datant de 20 000 ans. Leur étude, parue le 3 mai dans la revue Nature, fait état de la première démonstration génétique directe de l’identité d’un individu à travers un simple objet.

Ce dernier fut trouvé dans la grotte de Denisova, dans le Sud de la Sibérie. Celle-ci fut occupée par différentes espèces d’hominidés pendant plus de 300 000 ans. Pour préserver l’objet et isoler l’ADN, une équipe de recherche internationale dirigée par l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig, en Allemagne, a développé une nouvelle méthode non destructive qui a permis de reconstituer le profil de la femme ayant porté le pendentif ainsi que le cerf dont la dent a été prélevée.

Elle a testé l’influence de divers produits chimiques et développé une méthode non destructive à base de bains dans une solution saline de plus en plus chaude. Elena Essel, l’auteure principal de l’étude, déclare : « On pourrait dire que nous avons créé une machine à laver pour les artefacts anciens dans notre laboratoire propre. En lavant les artefacts à des températures allant jusqu’à 90 °C, nous sommes capables d’extraire l’ADN des eaux de lavage, tout en gardant les artefacts intacts. »

« La quantité d’ADN humain était extraordinaire »

Après avoir été isolé, le matériel génétique a été séquencé à d’autres ADN anciens d’humains et de cervidés. Résultats : le pendentif date de 19 000 à 25 000 ans et la dent appartenait à un wapiti. Alors que le matériel génétique d’un animal est stocké plus profondément dans les pores de ses os et de ses dents, les pendentifs, en contact avec les cellules de la peau, les sueurs et autres fluides corporels, sont plus aptes à conserver l’ADN de la personne qui les a portés.

« La structure de surface des artefacts osseux et dentaires paléolithiques fournit des informations importantes sur leur production et leur utilisation. Par conséquent, la préservation de l’intégrité des artefacts, y compris les microstructures à leur surface, était une priorité absolue », explique Marie Soressi, une archéologue de l’Université de Leiden qui a supervisé le travail avec Matthias Meyer, un généticien de Max Planck, explique dans un communiqué.

« La quantité d’ADN humain récupérée du pendentif était extraordinaire, presque comme si nous avions échantillonné une dent humaine », renchérit Elena Essel. Étant donné le nombre de chromosomes X, l’analyse de l’ADN nucléaire du bijou laisse à penser qu’il a été fabriqué et utilisé ou porté par une femme Homo Sapiens. Cette dernière était par ailleurs étroitement liée à des “Anciens Nord-Eurasiens”. Ces êtres, qui vivaient à peu près à la même époque, avaient jusque là été localisés à l’est de la Sibérie.

Des précautions indispensables

« En résumé, nos travaux soulignent que les artefacts fabriqués à partir d’os ou de dents constituent une source d’ADN humain ancien jusqu’ici inexploitée, qui peut donner des indications sur l’ascendance et le sexe biologique des individus qui ont manipulé, porté ou porté ces objets dans un passé très lointain. La méthode non destructive d’extraction de l’ADN décrite ici permet une libération progressive de cet ADN, ce qui permet de distinguer l’ADN qui a pénétré profondément dans un objet au cours de sa fabrication ou de son utilisation de l’ADN qui peut provenir des sédiments environnants. En outre, la récupération de l’ADN humain et de celui de la faune a permis deux estimations génétiques indépendantes de son âge », notent les chercheurs dans leur papier.

Mais si cette méthode est novatrice, elle n’est pas imparable. En effet, l’ADN moderne peut facilement contaminer un objet, ce qui peut brouiller les pistes. Qui plus est, l’extraction d’ADN prend beaucoup de temps et nécessite une technologie de pointe, dans un laboratoire spécialisé.

En conclusion, « d’autres travaux sont nécessaires pour déterminer la fréquence à laquelle l’ADN humain peut être récupéré à partir d’artefacts osseux du Paléolithique. La contamination superficielle de l’ADN pouvant entraver ces analyses, nous conseillons vivement aux archéologues d’appliquer des protocoles visant à minimiser les manipulations pendant et après les fouilles. Si cela est fait, il pourrait devenir possible de combiner systématiquement les analyses génétiques et culturelles pour étudier l’utilisation des artefacts du Pléistocène et mettre en évidence une éventuelle spécialisation des tâches par des individus d’un sexe biologique ou d’une ascendance génétique particulière ».