« Les dentistes, particulièrement exposés »

Membre du comité scientifique de la mission nationale Primo qui promeut la surveillance et prévention des Infections associées aux soins (IAS) en soins de ville, le Dr Serge Deschaux a réagi dès le début de la crise du Coronavirus. Solutions l’a interrogé le 23 mars dernier, au début du confinement, au sujet des mesures barrières en cabinet dentaire.

Par la rédaction, publié le 20 avril 2020

« Les dentistes, particulièrement exposés »

Quel est le référentiel pour les chirurgiens-dentistes face aux IAS ?

En termes de document référence, la bible de la profession est un document de l’ADF intitulé « Grille technique d’évaluation pour la prévention des infections associées aux soins », rédigée par la commission des dispositifs médicaux. La dernière édition date de 2015 et nous sommes justement en train de la remettre à jour. Les chirurgiens-dentistes doivent s’y référer lorsqu’ils ont des questions puisqu’il y a tout de même 75 items passés en revue. Ce document devrait être dans tous les cabinets, non seulement pour les chirurgiens-dentistes, mais également pour les assistantes. Car elles sont exposées à des degrés divers : à l’accueil, en salle de stérilisation, et surtout au fauteuil dans un travail à quatre mains exposées autant que le praticien aux aérosols dégagés par les porte-instruments dynamiques.

Comment adapter les mesures barrières pour la profession ?

Depuis longtemps, les dentistes sont considérés comme les champions des mesures d’hygiène et d’asepsie du fait de leur pratique. Mais, je le répète, ils sont les plus exposés ! Or le risque est aujourd’hui beaucoup plus présent car nous sommes confrontés à un virus pour lequel nous n’avons pas encore d’antidote. En période de pandémie, il est donc plus que temps de passer au masque FFP2 et de se raser la barbe. Tout praticien ou assistante au fauteuil(1) qui n’a pas de masque FFP2 – ce masque qui représente une protection filtrante beaucoup plus sûre – dans la zone de soins, prend des risques inconsidérés pour lui-même, ses équipes et sa famille !

Les lunettes de protection sont, elles aussi, importantes, car les muqueuses oculaires sont une porte d’entrée idéales pour le Covid-19. Les lunettes de vue ne sont pas suffisantes, je parle là de lunettes recouvrantes de style visière, même si elle peut vite être brouillée par les projections. On ajoutera des gants, une surblouse et une charlotte Chacun choisira ce qui lui correspond le mieux et selon ce qu’il trouvera et/ou ce qu’on lui fournira, sachant que l’on vise la meilleure protection possible.

Nous pouvons encore monter d’un cran en préconisant l’usage de la digue et un bain de bouche à la povidone avant chaque soin plus virucide que la chlorhexidine. Cela diminue la charge virale dans la bouche du patient si bien que les projections seront moins contaminantes pour le praticien et son personnel.

Je perçois, enfin, quelques soucis au niveau du linge professionnel. Il faut faire très attention lors de son transport. Un simple lavage à 60° suffit mais les lavages doivent se faire dans des cycles bien à part du linge familial. En milieu humide, le Covid-19 a une durée de vie allant jusqu’à neuf heures, mais ce virus n’est pas encore très bien connu et nous allons sûrement lui trouver d’autres propriétés scélérates.

(1) En cette période de pandémie, la plupart des assistantes dentaires sont désengagées. Ce sont des binômes de praticiens qui assurent les urgences selon une organisation dictée par les conseils départementaux de l’Ordre.

H.D.