Le premier implant dentaire au monde chevillé par l'os de la mâchoire

La start-up française Z3DLAB a conçu un implant innovant dont la flexibilité est proche de l'os cortical. Entretien avec le co-fondateur de l'entreprise d'impression 3D.

Propos recueillis par Agnès Taupin., publié le 26 mai 2021

Le premier implant dentaire au monde chevillé par l’os de la mâchoire

Dentoscope : Quels produits conçoit Z3DLAB, outre son implant dentaire ?

Jean-Jacques Fouchet : Z3DLab est spécialisée dans la fabrication additive. Nous fournissons des matériaux pour des medtech et pour l’industrie, pour différentes applications. Nous avons deux matrices de produits, l’une en titane pur, et une matrice en titane et alliage composée d’aluminium et de vanadium. Dans ces deux matrices, on va ajouter d’autres alliages, entre autres des nano-céramiques. Le premier se nomme ZTI Powder et l’autre ZTI Med. Ce sont des matériaux particulièrement résistants à la fatigue.

Pourquoi avoir ajouté des alliages en zircone dans le titane pour votre implant dentaire DNA ?

Pour apporter des propriétés que l’on ne trouve pas dans le titane. La zircone apporte une certaine souplesse et élasticité au titane.

Comment votre implant dentaire a-t-il été reçu ?

Nous avons présenté cet implant à de nombreux chirurgiens-dentistes dans le monde entier, des key opinion leaders qui ont trouvé qu’il était révolutionnaire. Le matériau est une chose, mais on ne révolutionne pas un implant seulement avec un matériau. On a rendu cet implant poreux de façon à ce que le sang pénètre à l’intérieur, pour que les ostéoblastes s’y développent. L’os va donc se développer à l’intérieur de l’implant, de façon à lui permettre d’être ancré à la mâchoire. C’est le premier implant au monde qui est chevillé, par l’os de la mâchoire lui-même, comme peut l’être une racine. La structure de design de l’implant est donc révolutionnaire. Nous avons fait réaliser des tests pour vérifier que l’os se développait bien à l’intérieur de l’implant. Avec notre artifice de design, on a augmenté presque de 300 % l’ostéointégration.

Il y a un mouvement fondamental dans la vie qui est celui de compression et d’expansion. C’est le cas par exemple pour la pupille de l’œil pour l’ajustement de la vue. Quand on pose un implant et une couronne, on propage des forces qui ne sont pas négligeables. Il faut donc aller vers des implants qui sont plus flexibles et qui propagent mieux les forces grâce au design et aux matériaux.

Quelles sont les voies de commercialisation de votre implant ?

Cet implant a été créé en 2015. Nous avons obtenu des financements pour réaliser les premiers prototypes en 2017 et en 2019 il a été breveté dans le monde entier et testé in vivo. Le procédé de production est l’additif qui a l’avantage de pouvoir se produire partout dans le monde. Nous sommes à l’heure actuelle à la recherche d’investisseurs pour pouvoir le commercialiser dans le monde entier. Toute une gamme d’implants est prête. La prochaine étape est l’obtention de l’agrément CE et FDA. Beaucoup de praticiens dans le monde (Inde, Corée, France…) dans des laboratoires d’universités ou dans des cliniques, attendent de pouvoir faire des essais avec cet implant. Nous cherchons donc des investisseurs intéressés par notre licence.

On voit se développer une implantologie tout céramique, matériau particulièrement bio-compatible. Qu’en pensez-vous ?

La céramique est un peu plus biocompatible, mais cela n’est pas significatif. Selon moi, cela ne justifie pas un implant complet qui est en fait beaucoup plus dur. D’où vient la péri-implantite ? Du fait que les forces transférées dans la mâchoire ne sont pas absorbées. Si l’os est constamment sollicité et ne peut jamais vraiment se cicatriser, il y a des risques de péri-implantite. Les cellules qui sont autour de l’implant n’ont plus la même dynamique de compression-expansion. Celles qui sont en contact direct avec l’implant vont donc mourir au bout d’un certain temps. D’ailleurs c’est le cas aussi d’un électron qui n’est pas à une orbite constante, il y a une compression-expansion du fait des échanges entre cet atome et son nuage électronique avec ce qui l’entoure. Par contre, dans le cas d’un matériau biocompatible qui possède l’élasticité qui est celle de la dynamique de l’environnement dans lequel on le met, si on le rend poreux comme dans l’état naturel, on va pouvoir coloniser de l’os.

 


Trois questions à…


Dr Jacques Fain, chirurgien-réparateur, stomatologiste, ancien directeur du service de chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital Bicêtre, collaborateur de Z3DLAB.

Dentoscope : Quelles sont les caractéristiques de cet implant ?

Dr Jacques Fain : J’ai apporté mon expérience de cinq brevets dans le domaine avec l’assistance publique dans la conception de cet implant. C’est une conception en collaboration avec plusieurs spécialistes de la construction additive. Notre implant a l’avantage d’avoir une pénétration profonde de l’os à l’intérieur de l’implant qui est monobloc. Le design externe de l’implant est le fruit d’un travail commun entre implantologues cliniciens et métallurgistes ; et les cliniciens ont prévalu. Le design interne, lui, et sa traduction en surface, la spire, sont essentiellement dus aux métallurgistes, corrigés par les cliniciens.

Quel est son aspect innovant ?

Le verrouillage d’un implant par un pont osseux empruntant un tunnel prévu dans l’implant est chose ancienne ; la colonisation de l’ensemble d’une structure poreuse, non. Cette colonisation a été mise en évidence par une étude menée conjointement avec le LNE de Paris et le BAM de Berlin. Le taux de colonisation des espaces non métalliques est, à 8 semaines, de 84 % pour des pores de 900 µ. Rappelons que l’immobilisation classique d’un implant dentaire avant sa mise en charge est de 12 semaines. Une autre étude, avec les mêmes partenaires, est en cours et semble donner les mêmes résultats pour des lattis plus importants.

Quel est l’intérêt de ce matériau pour l’implantologie ?

La technique de fabrication additive autorise la réalisation en monobloc des structures complexes de l’implant ; d’où une solidité supérieure et un coût moindre que certains implants sur le marché.

En ce qui concerne le matériau, TiZr a comme avantage de posséder un indice de Young qui sommairement traduit la souplesse du matériau, proche de celui de l’os compact cortical : 35 contre 15 à 25. Pour référence, le TA6V 23, communément employé, a un indice de Young de 115. Cette proximité diminue le stress osseux, en autorisant une certaine propagation du choc, et donc les risques de descellement.

Pareillement, cette souplesse permet en elle-même un amortissement vis-à-vis des chocs encaissés par l’implant et sa couronne dentaire, au cours de la mastication ou de la déglutition, chocs qui sont également un facteur de descellement. Autre avantage du TiZr, l’aluminium et le vanadium en ont été exclus. Or ces deux métaux sont discutés pour leurs effets toxiques. Ce qui concerne ce matériau au sujet des implants dentaires est valable pour toute espèce de prothèse orthopédique. Des tests sont en cours afin d’établir un dossier pour l’autorisation de mise sur le marché européen.