Peroxyde de carbamide : un danger pour l'émail selon une nouvelle étude 

Selon une récente étude canadienne, les gels au peroxyde de carbamide réduiraient drastiquement la teneur en protéine de l'émail dentaire. 

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 23 août 2021

Peroxyde de carbamide : un danger pour l’émail selon une nouvelle étude 

S’appliquer du détachant gomme magique sur les dents, mélanger du safran avec de l’huile de coco pour faire du dentifrice… ces derniers mois, sur les réseaux sociaux, des conseils pour se blanchir les dents plus loufoques les uns que les autres ont circulé, au grand dam des professionnels de santé. Mais, même des agents de blanchiment des dents courants au peroxyde de carbamide seraient dangereux, alertent des scientifiques dans une étude récemment publiée dans la revue Nature Scientific Reports.

Dans le passé, Laurent Bozec, professeur associé à la faculté de médecine dentaire de l’université de Toronto (Canada) avait étudié l’utilisation du peroxyde d’hydrogène dans le traitement des canaux radiculaires. Il avait alors constaté que ce produit endommageait localement le collagène. Cela l’avait ensuite conduit à étudier comment le peroxyde pénètre à travers l’émail et la dentine pour atteindre la pulpe dentaire.

Dans l’étude actuelle, les chercheurs ont utilisé une chambre de perfusion dentinaire interne pour effectuer les mesures. Ils ont alors découvert qu’une concentration de 10 % de peroxyde de carbamide sur les dents pouvait suffire à réduire de 50 % la teneur en protéines de l’émail. Un chiffre inquiétant quand on sait qu’il est possible de trouver un gel de peroxyde de carbamide à 35% sur le Net.

“Nous avons toujours été intéressés par l’effet du blanchiment des dents à base de peroxyde sur la structure dentaire et son lien avec la sensibilité”, explique Laurent Bozec qui a dirigé l’étude. “Ici, nous voulions mieux comprendre l’impact sur l’émail lui-même et dans les profondeurs de la pulpe”.

Trouver le bon compromis

Les chercheurs ont découvert que la perte de la teneur en protéines de l’émail permettait à l’agent blanchissant de mieux pénétrer à l’intérieur de la dent, ce qui peut engendrer une plus grande mortalité des cellules de la pulpe dentaire. Exposées à des concentrations de peroxyde de carbamide d’environ 35%, elles mourraient.

“De nombreux produits de blanchiment des dents à domicile présentent une concentration élevée de gel de peroxyde – par exemple, 35 % – et pourtant, on sait peu de choses sur ce qu’il fait à l’intérieur de nos dents, s’inquiète Laurent Bozec. Nous pensons qu’il s’agit de la première étude de ce type à montrer les effets toxiques de l’utilisation d’un agent de blanchiment des dents. Nous espérons que les gens opteront pour une concentration plus faible de peroxyde s’ils décident d’utiliser un produit de blanchiment des dents, car ils sont beaucoup moins nocifs pour les dents.”

Cette étude démontre pourtant la nécessité d’un compromis entre les concentrations de peroxyde utilisées, le temps d’exposition, les résultats souhaités et les effets secondaires. Cette solution devrait être testée in vitro avant sa mise sur le marché, recommandent les chercheurs qui encouragent les praticiens à informer leurs patients de l’impact de ces procédures sur leur santé bucco-dentaire.

“Il est possible d’utiliser un agent de libération de peroxyde sans peroxyde ou un agent de libération de peroxyde contrôlé qui ne causera pas les mêmes dommages, conclut Laurent Bozec. Je pense que c’est l’avenir du blanchiment des dents.”

Une perte d’élasticité

En 2009, une étude américaine avait déjà alerté contre les dangers des produits blanchissants contenant 9, 10 ou 14% de peroxyde d’hydrogène ou 22 % de peroxyde de carbamide. Les travaux comparaient cinq traitements sous forme de bandelettes ou de gel appliqué à l’aide de gouttières. Outre l’affaiblissement de l’émail, ils avaient également révélé que, selon le type de produit, les dents perdaient 6 à 9% de leur élasticité.