Philippe Pommarède demande " un contrôle des centres dentaires sur la qualité des soins "

Le président de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes se déclare vigilant concernant les " dérives actuelles sur les créations de nouveaux centres dits associatifs ".

Par Agnès Taupin, publié le 23 juillet 2021

Philippe Pommarède demande ” un contrôle des centres dentaires sur la qualité des soins “

Dentoscope : Vous venez d’être élu président de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, quelles questions sont pour vous une priorité ?

Dr Philippe Pommarède : Tout d’abord, la continuité au regard de ce qui a été entrepris par l’équipe précédente et la finalisation de ce qui était en cours et n’a pu être mené à terme en raison de la crise de la Covid-19. Parmi nos priorités figure celle d’obtenir un changement des textes concernant les ouvertures et le fonctionnement des centres de santé dits “non vertueux” qui sont censés ne pas faire de bénéfices. Nous sommes tout à fait favorables aux centres de type dispensaires, la Croix-Rouge par exemple, qui remplissent un rôle social. Cependant nous sommes vigilants par rapport aux dérives actuelles sur les créations de nouveaux centres dits associatifs. Il faut que le législateur donne les moyens aux ARS en ce qui concerne les demandes d’ouverture, en association avec le conseil national et les conseils départementaux de l’Ordre, ce qui serait une bonne voie. Il faudrait aussi, par la voie législative, permettre un contrôle de ces centres dentaires, après leur ouverture, sur la façon dont ils fonctionnent : qualité des soins, organisation. Les responsables politiques prennent conscience de ce problème et mon prédécesseur, Serge Fournier, avait déjà noué des contacts fructueux au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée et du Sénat.

Une autre priorité concerne la délivrance de certains diplômes européens à des étudiants européens et français. Il existe des diplômes de facultés privées de pays européens qui ne sont pas à la hauteur de ce qui devrait y être enseigné. Mais le conseil national de l’Ordre n’a pas le pouvoir de s’opposer aux diplômes délivrés par les facultés étrangères. La commission européenne est très vigilante à ce sujet et le conseil d’État également. Cela prendra du temps, mais je suis partisan d’une harmonisation du niveau de l’enseignement entre les facultés européennes. Selon moi, il faut arriver à obtenir une certification des facultés européennes. Si certaines facultés n’étaient pas certifiées, leur diplôme ne pourrait pas alors être reconnu.

 

Une nouvelle vague pandémique se profile. La sortie de crise passe-t-elle par la vaccination ?

P.P: Tous ceux qui sont en contact avec des patients devront être vaccinés. Nous avons signé le 7 juillet, au ministère de la Santé, avec un engagement solennel, l’obligation de vaccination des professionnels de santé et des accompagnants. À la fin du mois de juin, chez les libéraux, les médecins, pharmaciens, le taux de vaccination se situait autour de 80 % ; par extrapolation, on peut estimer que c’est le même taux chez les chirurgiens-dentistes. L’intérêt de la santé publique passe par le fait que tous les professionnels de santé soient vaccinés afin de ne pas être un risque pour leur patient mais aussi de se prémunir.

 

Des représentants de la profession réclament l’encadrement des pratiques des chirurgiens-dentistes salariés par les organismes complémentaires d’assurances maladies en tant que consultants. L’indépendance des chirurgiens-dentistes ou le secret médical sont-ils parfois menacés selon vous ?

P.P: Le secret médical n’est que la propriété du patient. Juridiquement, c’est lui qui en est propriétaire. Le chirurgien-dentiste est seulement dépositaire du secret médical et doit être garant de sa conservation et ne pas le trahir. Il est possible de respecter ce secret médical, dans la mesure où il passe par le patient. Cependant, ce n’est pas au praticien d’un organisme de complémentaire santé de s’immiscer dans le plan de traitement du chirurgien-dentiste traitant et à ce sujet il convient d’être extrêmement vigilant.

 

Êtes-vous favorable à la modification du code de déontologie concernant les salariés des centres dentaires dits associatifs ?

P.P: Il y a d’une part les centres dentaires dits associatifs non vertueux et les salariés qui y travaillent. Le chirurgien-dentiste qui travaille dans ces centres dentaires est soumis à notre code de déontologie à titre individuel. Il doit se soumettre aux règles du code de la santé publique et l’Ordre doit obtenir communication du contrat qui le lie au centre de santé. Le problème est plus complexe au regard de l’obligation de ne pas pratiquer sa profession comme un commerce. Si le praticien, à titre individuel, contrevient à cette obligation, il est possible d’agir à son encontre. Ce qui est plus difficile, c’est lorsque le centre de santé lui-même fait de la publicité. Jusqu’à présent on obtenait rarement satisfaction, mais les choses changent depuis un an, avec un certain nombre de décisions de justice favorables. Quand on parvient à prouver que les salariés d’un centre de santé pratiquent leur profession comme un commerce, on peut obtenir des condamnations de ces praticiens, dès lors ils sont poursuivis à titre individuel.

 

Quelles seraient les solutions pour pallier le manque de chirurgiens-dentistes, notamment dans les zones rurales ?

P.P: Nous n’avons pas de solution miracle, dans la mesure où les praticiens ont une liberté d’installation. Selon le rapport du Pr Touzé, il est nécessaire d’augmenter le nombre de praticiens à l’issue de la première et de la troisième année. D’après ce système, le nombre d’étudiants admis à continuer en chirurgie dentaire augmenterait de 14 % sur 5 ans. Cette hausse va être accompagnée de la création d’antennes hospitalo-universitaires dans des déserts dits médicaux. Éventuellement, cette augmentation peut passer par la création de nouvelles facultés. En augmentant le nombre d’antennes, le but est d’essayer de fidéliser les étudiants dans les régions où ils ont obtenu leur diplôme. En effet, d’après nos statistiques, 80 % des praticiens s’installent près de la zone de leur faculté.