Historiquement, la conception et fabriÂcation assistées par ordinateur (CFAO) était présente dans l’univers dentaire sous deux formes :
- l’empreinte numérique intra-orale associée à la conception et la fabrication au sein du cabinet par usinage des resÂtaurations prothétiques (système Cerec),
- 2- la numérisation des modèles en plâtre par le laboratoire sur des scanners de table associée à des logiciels de concepÂtion (Nobelprocera, 3Shape, Dentalwings, Exocad…). La production venait ensuite par techniques conventionnelles, usinage et un peu plus récemment, impression 3D.
Ces deux formes étaient destinées à la réÂalisation des restaurations prothétiques.
En parallèle de cela, Nobelbiocare proÂposa en 2005 la première solution de chirurgie guidée Nobelguide destinée aux praticiens exerçant l’implantoloÂgie. Ces trois univers étaient cloisonÂnés et ne semblaient jamais pouvoir se rejoindre. Avec l’arrivée de nouveaux scanners intra-oraux dans les années 2010, I-Tero (Align Technology) Lava- Cos (3M) ou Trios (3Shape), une nouvelle organisation de travail entre le cabinet et le laboratoire apparaît [1]. Le cloiÂsonnement des univers s’effondre, ofÂfrant au cabinet la possibilité de réaliser des empreintes numériques sans obliÂgation de produire lui-même la proÂthèse. Via des flux numériques sécuÂrisés et des logiciels dédiés, le cabinet envoie par Internet, à son laboratoire habituel, ses empreintes numériques destinées à la production de prothèse. Aujourd’hui, avec le développement de l’empreinte numérique, s’organise un « full digital workflow » ou « flux numérique total », engendrant une nouvelle organisation dans la relation cabinet-laboratoire intégrant la proÂduction de prothèse, la chirurgie guiÂdée, l’orthodontie ; (Fig.1)…

Fig.1 : Le « flux numérique total » engendre une nouvelle organisation dans la relation cabinet-laboratoire intégrant la production de prothèse, la chirurgie guidée, l’orthodontie.
Si nous nous concentrons sur la proÂduction de prothèse, les flux de travail s’organisent de trois manières :
- La CFAO indirecte avec numéÂrisation du modèle en plâtre par un scanner de table puis concepÂtion et fabrication de la prothèse, le tout, par le laboratoire ; (Fig.2).
- La CFAO directe avec numérisation de la bouche du patient par empreinte opÂtique, conception puis fabrication de la prothèse au sein du cabinet ; (Fig.3).
- La CFAO semi-directe avec numéÂrisation de la bouche du patient par empreinte optique puis envoi du fiÂchier au laboratoire pour concepÂtion et fabrication de la prothèse.
Fig.2 : La CFAO indirecte avec numérisation du modèle en plâtre par un scanner de table puis conception et fabrication de la prothèse, le tout, par le laboratoire. Fig.3 : La CFAO directe avec numérisation de la bouche du patient par empreinte optique, conception puis fabrication de la prothèse au sein du cabinet.
Même si, à ce jour, le flux majoritaire reste celui de la CFAO indirecte, l’emÂpreinte optique tend à prendre une place de plus en plus importante, limiÂtant ainsi le cumul des imprécisions [2-3] ; (Fig.4). Récemment, les acteurs de l’industrie proposant des solutions habituellement destinées au laboraÂtoire de prothèse se sont rapprochés du cabinet dentaire. L’univers de la producÂtion de prothèse au sein du cabinet s’est donc à son tour ouvert, proposant un décloisonnement total des flux de travail aux praticiens et prothésistes. Au gré des situations cliniques, le praticien peut aujourd’hui choisir de produire lui-même sa prothèse, déléguer à son laboratoire lorsque cela le nécessite voire même sur un même patient, mixer les deux flux de travail. Voyons cela au travers de trois cas cliniques.

Fig.4 : Tableau récapitulatif des flux numériques de production de prothèse.
Cas clinique n°1 en cfao directe : réalisation de trois couronnes unitaires 15, 46 et 47
Motif de consultation et anamnèse
Un patient de 51 ans se présente au cabinet avec trois couronnes céramo-métalliques présentant des infiltraÂtions nécessitant leur remplacement. Les couronnes définitives sont dépoÂsées et les retraitements endodontiquesréalisés. Des reconstitutions corono-radiculaires par composite et tenons fibrés et une reprise des préparations périphériques sont exécutées ; (Fig.5, 6).
Fig.5, 6 : Reconstitutionscorono-radiculaires par compositeet tenons fibrés et reprise des préparations périphériques.
Étape de prised’empreinte numérique
Nous pouvons maintenant réaliser l’empreinte pour la réalisation des couÂronnes céramo-céramiques collées. Nous utilisons pour cela le scanner inÂtra-oral Trios 3 (3Shape) ; (Fig.7b). Trois empreintes sont nécessaires, les préÂparations au maxillaire inférieur, le maxillaire supérieur et enfin le mordu d’occlusion en position d’intercuspiÂdie maximale ; (Fig.7). Nous utilisonsl’option de prise de teinte afin de confirÂmer notre choix déterminé cliniqueÂment ; (Fig.8). Différents teintiers sont référencés dans le logiciel. Nous avons sélectionné, pour être en accord avec notre pratique clinique, les teintiers Vita Classic et 3D Master.
Fig.7a : Trois empreintes sontnécessaires, les préparations aumaxillaire inférieur, le maxillairesupérieur et enfin le mordu d’occlusionen position d’intercuspidie maximale. Fig.7b : Réalisation de l’empreintepour la confection des couronnescéramo-céramiques collées avec le scanner intra-oral Trios 3 (3Shape).

Fig.8 : Nous utilisons l’option de prise de teinte afin de confirmer notre choix déterminé cliniquement.
Étape de modélisation des restaurations
Une fois les empreintes numériques réalisées, le logiciel de modélisation Design Studio (3Shape) prend immédiaÂtement le relais, ce logiciel étant préÂsent sur l’unité de scannage. Muni des nombreuses fonctionnalités simpliÂfiant la conception des restaurations ; (Fig.9), le design des trois couronnes périphériques est réalisé en moins de dix minutes ; (Fig.10).
Fig.9, 10 : Muni des nombreuses fonctionnalités simplifiant la conception des restaurations ; le design des trois couronnes périphériques est réalisé en moins de dix minutes.
Étape d’usinage des restaurations
Les trois fichiers numériques conteÂnant les informations de design des couronnes sont envoyés directement par wifi à l’usineuse (4W Dg Shape). Nous choisissons d’usiner des blocs Emax Cad (Ivoclar Vivadent) LT D2 ce, en corrélation avec la teinte clinique ; (Fig.11).

Fig.11 : Nous choisissons d’usiner des blocs Emax Cad (Ivoclar Vivadent) LT D2, ce en corrélation avec la teinte clinique.
Étape de caractérisation
Après usinage, une caractérisation et cuisson par four céramique sont nécesÂsaires pour obtenir le rendu coloriméÂtrique et donc l’intégration clinique opÂtimale. Nous choisissons un maquillage en deux temps :
- 1- application du maquillageet première cuisson,
- 2- application de la glasure etdeuxième cuisson ; (Fig.12).

Étape d’assemblage
L’assemblage est réalisé de manière conventionnelle, sous champ opéraÂtoire, avec la technique MR2 et colle duale (etching, adhese universal et variolinkesthetic teinte warm d’Ivoclar Vivadent). Aprèsdépose de la digue, nous pouvons constaÂter une intégration esthétique et foncÂtionnelle satisfaisante, la gencive devant reprendre sa place par la suite autourdes préparations 46 et 47 (Fig.13, 14).
Cas clinique n°2réalisé en cfao semi-directe réhabilitations supérieure et inférieure mixtes adjointe et conjointe
Motif de consultation et anamnèse
Une patiente de 63 ans uniquement insatisfaite de son sourire, désire le réhabiliter ; (Fig.15). L’examen clinique révèle de nombreuses restaurations à revoir ainsi qu’une modification fonctionnelle gloÂbale, prérequis indispensable à la réhabilitation esthéÂtique antérieure [4]. Cette patiente ne présente pas de dysfonction articulaire. Des projets esthétiques et foncÂtionnels préalables permettent de déterminer les moÂdifications des secteurs antérieurs et postérieurs [5].Un assainissement global et préparatoire est réalisé, associé à une augmentation de dimension verticale [6]. L’ensemble de ce projet est validé cliniquement, que ce soit pour l’esthétique et la fonction, par la réalisation de prothèses provisoires. La patiente souhaite avoir recours à une temporisation financière par prothèse amovible. Des implants seront réalisés dans un deuÂxième temps au maxillaire supérieur. Voyons mainteÂnant comment nous réalisons les prothèses conjointes d’usage ainsi que la prothèse amovible.

Étape de réalisation dela prothèse conjointe
Nous réalisons dans un premier temps des empreintes numériques des maxillaires supérieur, inférieur eten intercuspidie maximale ; (Fig.16). Ces empreintes ont deux objectifs :
- • fournir au laboratoire le design du bridge provisoire du maxillaire supérieur validé cliniquement afin qu’il soit reproduit fidèlement lors de la réalisation du bridge d’usage,
- • fournir au laboratoire la relation intermaxilÂlaire précise validée cliniquement.

Nous réalisons une copie numérique de ces empreintes par simple duplication du fichier. Nous effectuons dans un deuxième temps, à partir de cette copie, l’empreinte numérique des préparations. La position d’intercuspiÂdie maximale ayant été verrouillé numériquement auparavant, cette information n’est pas perdue lors du scannage des préparations ; (Fig.17). Le bridge d’usage reproduit de manière précise le bridge provisoire que ce soit en esthétique et en fonction ; (Fig.18) et peut être ainsi scellé. De nouvelles empreintes numériques sont maintenant réalisées pour la réalisation des proÂthèses d’usage mandibulaires ; (Fig.19). Ces restauraÂtions étant stratifiées, un modèle par impression 3D est nécessaire ; (Fig.20).
Étape de réalisation de la prothèse adjointe
Les prothèses d’usage des maxillaires supérieur et inÂférieur sont scellées et équilibrées. Nous réalisons trois empreintes numériques, le maxillaire supérieur, le maxillaire inférieur et les maxillaires en position d’intercuspidie maximale ; (Fig.21). Le laÂboratoire conçoit le châssis directement sur l’empreinte numérique du maxilÂlaire supérieur ; (Fig.22, 23).
Toutefois, à ce jour, le montage des dents et les réÂsines des selles sont produits de manière conventionnelle. Notons tout de même qu’aucun arc facial, ni cire d’occlusion, ne sont nécessaires compte tenu de la précision de l’enregistrement numéÂrique de la relation inter-maxillaire. Le stellite d’usage peut ainsi être posé dès le rendez-vous suivant ; (Fig.24), perÂmettant de ce fait un gain de temps cliÂnique considérable. Fort est de constater que la réalisation de ces réhabilitations mixtes s’en trouve grandement facilitée d’intercuspidie maximale ; (Fig.21). Le laÂboratoire conçoit le châssis directement sur l’empreinte numérique du maxilÂlaire supérieur ; (Fig.22, 23). Toutefois, à ce jour, le montage des dents et les réÂsines des selles sont produits de manière conventionnelle. Notons tout de même qu’aucun arc facial, ni cire d’occlusion, ne sont nécessaires compte tenu de la précision de l’enregistrement numéÂrique de la relation inter-maxillaire. Le stellite d’usage peut ainsi être posé dès le rendez-vous suivant ; (Fig.24), perÂmettant de ce fait un gain de temps cliÂnique considérable. Fort est de constater que la réalisation de ces réhabilitations mixtes s’en trouve grandement facilitée.


Réalisation du secteurpostérieur par CFAO directe : couronnes unitaires 36, 37 et transvissée sur implant en 35
La conception des couronnes au sein du cabinet est réalisée par CFAO directe ; (Fig.26 à 30b).


Réalisation du secteurantérieur par CFAO semi-directe : facettes de 15 à 25
L’empreinte numérique des préparaÂtions pour facettes est réalisée ; (Fig.33). La modélisation des facettes est réaliÂsée en full anatomy pour maquillage oucut-back pour stratification ; (Fig.35).
Conclusion
Longtemps restreinte au flux chairside de conception et d’usinage de la prothèse au sein du cabinet, la dentisterie digitale s’ouvre aujourd’hui et permet de confier la production de prothèse à son laboraÂtoire. En effet, même si les fonctionnaÂlités proposées par les outils dédiés au cabinet repoussent actuellement les posÂsibilités de réalisations de prothèse, il ne faut pas perdre de vue que bon nombre de situations cliniques relèvent de la comÂpétence du prothésiste et de son laboÂratoire. Ainsi se dessinent les contours d’une nouvelle relation cabinet-laboraÂtoire, dentistes-prothésistes autour de la prothèse grâce aux outils digitaux.
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