Halitose : quelle prise en charge en cabinet dentaire ?

L’halitose, définie comme une mauvaise haleine persistante, affecte près d’un tiers de la population et reflète le plus souvent une altération de la santé bucco-dentaire.

Par Violette Pelletier, publié le 22 août 2025

Halitose : quelle prise en charge en cabinet dentaire ?

Dans la majorité des cas, l’étiologie de l’halitose est d’origine buccale, liée à l’accumulation de plaque dentaire, aux affections des gencives ou à une hygiène insuffisante de la bouche. De manière moins fréquente, des causes extra-buccales, telles que le reflux gastro-œsophagien ou une infection par Helicobacter pylori, peuvent être impliquées. Le cabinet dentaire constitue le cadre privilégié pour un diagnostic précis et une prise en charge thérapeutique ciblée de l’halitose, la consultation avec le patient permettant de déterminer l’origine exacte et de proposer des interventions adaptées.

Les causes bucco-dentaires de l’halitose

L’hygiène buccale constitue le pilier de la prévention et du contrôle de l’halitose. Selon les études, près de 85 % des cas d’halitose trouvent leur origine dans la cavité buccale, essentiellement liés à l’accumulation de plaque dentaire et à la prolifération de bactéries anaérobies productrices de composés sulfures volatils (CSV). Le défaut d’hygiène bucco-dentaire, l’absence d’utilisation régulière du fil dentaire, le brossage incomplet des dents et de la langue, ou encore l’usage inadapté des bains de bouche, augmentent significativement la production de ces CSV responsables de l’odeur.

Les affections bucco-dentaires non traitées aggravent le phénomène : la présence de caries multiplie le risque d’halitose chronique, tandis que les maladies parodontales touchant les gencives sont impliquées dans 60 % à 80 % des cas d’halitose d’origine buccale. Les patients présentant ces affections bénéficient de traitements adaptés pour réduire la prolifération des bactéries et améliorer l’état de la bouche.

Chez les patients âgés, plusieurs facteurs spécifiques peuvent favoriser l’halitose. La polymédication, fréquente dans cette population, induit souvent une sécheresse buccale qui complique le maintien d’une hygiène efficace. À cela s’ajoutent des limitations fonctionnelles liées à des pathologies comme la polyarthrite rhumatoïde ou la maladie de Parkinson, qui réduisent la dextérité manuelle nécessaire au brossage et à l’utilisation du fil dentaire. Ces conditions créent un terrain propice à l’accumulation de plaque et à la production de composés sulfures volatils.

Quel lien entre halitose et Helicobacter pylori ?

Plusieurs travaux ont étudié l’association entre l’halitose et l’infection à H. pylori. Si l’origine buccale explique la majorité des cas, certaines formes persistantes d’halitose (halitosis) trouvent leur explication dans une origine digestive. L’infection à Helicobacter pylori, notamment lorsqu’elle induit une gastrite chronique ou un reflux gastro-œsophagien, favorise la présence de composés sulfures volatils dans l’air expiré. Une étude menée en 2006 par Hun Lee et Kho HS (Volatile sulfur compounds produced by Helicobacter pylori) a démontré que différentes souches de H. pylori produisent du sulfure d’hydrogène et du méthylmercaptan lorsqu’elles sont cultivées avec des acides aminés contenant du soufre, confirmant le rôle potentiel de la bactérie dans le développement de l’halitose. Le mécanisme exact reste débattu : certains auteurs incriminent un effet direct de la bactérie dans la bouche, d’autres soulignent plutôt une modification du microbiote gastro-intestinal.

La pertinence clinique réside dans la nécessité de distinguer une halitose d’origine buccale, liée à la plaque dentaire, aux affections parodontales ou aux gencives, d’une halitose associée à une infection par H. pylori. En cas de suspicion, la collaboration interdisciplinaire avec la gastro-entérologie s’avère essentielle afin de confirmer l’infection et d’initier des traitements adaptés. Cette approche intégrée optimise la prise en charge thérapeutique et permet d’éviter des soins bucco-dentaires répétés sans amélioration des symptômes.

Diagnostic et prise en charge de l’halitose en cabinet dentaire

Le diagnostic de l’halitose repose sur une approche structurée alliant anamnèse détaillée, examen clinique ciblé et, si nécessaire, examens complémentaires. L’anamnèse doit préciser la durée, la sévérité et la perception par l’entourage de l’halitose, ainsi que l’hygiène bucco-dentaire et l’exposition à des aliments potentiellement odorants. Il est essentiel de rechercher les symptômes de maladies causales extra-orales (sinusite, infections pulmonaires, reflux pharyngé), les facteurs prédisposants tels que la xérostomie ou le syndrome de Sjögren, ainsi que les habitudes de vie et la consommation médicamenteuse susceptibles de provoquer une sécheresse buccale. La consultation avec le patient permet également d’identifier des pathologies sous-jacentes favorisant l’halitose.

L’examen clinique comprend l’évaluation des signes vitaux, l’inspection du nez, de la cavité buccale et du pharynx, à la recherche d’infections, de parodontopathies, de lésions précancéreuses ou cancéreuses, et de signes de sécheresse salivaire. Le test de reniflement, simple mais révélateur, permet de différencier les étiologies orales, nasales ou systémiques, et le grattage de la face postérieure de la langue peut identifier la contribution bactérienne spécifique.

Les signes d’alerte tels que fièvre, écoulement purulent ou lésions buccales visibles nécessitent une évaluation approfondie et une orientation spécialisée. Dans la majorité des cas, l’halitose est d’origine buccale et peut être traitée efficacement par le dentiste par l’amélioration de l’hygiène, la gestion de la sécheresse buccale et la prise en charge des pathologies dentaires sous-jacentes. Les examens complémentaires (mesure du soufre volatile, chromatographie gazeuse ou tests chimiques sur prélèvement lingual) sont réservés aux situations complexes ou aux cabinets spécialisés.

Traitement de l’halitose

La prise en charge de l’halitose dépend de son origine. Pour l’halitose buccale, certaines études suggèrent que les probiotiques, tels que Lactobacillus salivarius, Lactobacillus reuteri, Streptococcus salivarius ou Weissella cibaria, peuvent améliorer temporairement la mauvaise haleine sur des périodes courtes d’environ quatre semaines, bien que les données restent limitées et hétérogènes. En revanche, les traitements médicamenteux sialogogues, comme l’anéthirithione, n’ont montré d’intérêt que dans les situations de sécheresse buccale.

Lorsque l’halitose trouve son origine dans des troubles digestifs ou des pathologies associées, le traitement est adapté à la cause sous-jacente. Dans le cadre des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), le soulagement des lésions buccales passe par des bains de bouche antiseptiques ou des corticostéroïdes topiques, tels que la bétaméthasone ou la pâte d’acétonide de triamcinolone, associés à des anesthésiques locaux si nécessaire. Pour la pyostomatite végétante, le contrôle de la maladie digestive constitue le levier principal de guérison, éventuellement complété par des corticostéroïdes systémiques, immunosuppresseurs ou biothérapies. Dans les cas de glossite atrophique, de chéilite ou de carences spécifiques, la supplémentation en fer, acide folique et vitamine B12 s’avère indispensable.

Chez les patients présentant une parodontite, le traitement dentaire de première intention combine détartrage supra-gingival, surfaçage radiculaire, antibiothérapie et chirurgie parodontale selon les besoins. L’impact des traitements systémiques sur la maladie parodontale reste néanmoins discuté. Globalement, l’amélioration de l’halitose passe par une approche ciblée et multidisciplinaire, centrée sur la correction des causes locales et digestives, afin d’éviter des interventions répétées inefficaces.

En résumé, l’halitose doit être considérée comme une entité clinique à part entière, dont la gestion repose avant tout sur une prise en charge rigoureuse en cabinet. L’examen bucco-dentaire systématique, le dépistage des affections parodontales, la détection de la plaque dentaire et des lésions carieuses, ainsi que le contrôle de l’hygiène quotidienne constituent les premières étapes indispensables.

Le cabinet représente l’espace privilégié pour associer diagnostic, traitements, suivi et sensibilisation des patients aux mesures préventives efficaces. Cette approche permet non seulement de réduire l’émission de composés sulfures volatils et d’améliorer la santé bucco-dentaire, mais aussi de traiter de manière ciblée toute infection liée à Hélicobacter pylori et de gérer efficacement les pathologies des gencives contribuant à l’halitosis.