Savoir détecter la démotivation de ses employés

Si la démotivation reste un processus relativement complexe, le salarié concerné donne toutefois souvent des signaux d’alerte avant d’arriver au stade final du désengagement. Mode d’emploi pour reconnaître ces signes qui ne trompent pas.

Par la rédaction, publié le 01 mars 2016

Savoir détecter la démotivation de ses employés

Une étude effectuée par Gallup sur plus de 100 000 employés montre que le nombre d’accidents du travail est 62 % plus élevé chez les collaborateurs les moins engagés… Cité dans l’ouvrage La motivation, une compétence qui se développe de Zwi Segal et Yves Duron, la démotivation a aussi un coût : « Si pour l’économie américaine Gallup a estimé le coût du désengagement à 500 milliards de dollars, on pourrait (par extrapolation) estimer le coût du désengagement pour l’économie française à 52 milliards d’euros ». Dans le détail, et plus parlant pour nos petites structures : « Selon le Human Capital Institute2, le “retour sur salaire” d’un collaborateur activement engagé est de 120 % (pour chaque euro de salaire, le collaborateur apporte une valeur ajoutée de 1,20 euro); celui d’un collaborateur moyennement engagé est de 100 % (pas de valeur ajoutée); tandis que celui d’un collaborateur activement désengagé est de 60 % (pour chaque euro de salaire, l’entreprise perd 40 centimes d’euro). »

Les cabinets dentaires : une chance pour les RH

C’est une chance ! Nous travaillons avec nos équipes dans un même cabinet, quotidiennement. Cette unité de temps et de lieu nous permet d’être redoutablement efficaces pour sentir le pouls de notre équipe, sous réserve de lui accorder de l’attention. Être capable de détecter les signes avant-coureurs de démotivation de l’un de ses collaborateurs avant que cet état d’esprit négatif ne s’installe chez lui et ne nuise à sa performance professionnelle est l’une des missions du chirurgien-dentiste manager soucieux de la bonne marche de son cabinet.

Éviter que le malaise ne se propage

Le contact quotidien qui s’établit entre le chirurgien-dentiste manager et son équipe lui permet en effet de déceler les signes précurseurs d’un « malaise social » dès sa naissance… et de prévenir ainsi sa généralisation à l’ensemble de l’équipe. Plus le manager est attentif à l’apparition de la démotivation de son employé, plus il lui sera aisé de redresser la situation avant qu’elle ne s’aggrave et ne lui échappe totalement. En soutenant le collaborateur qui manifeste les premiers signes d’essoufflement, le manager évite la détérioration du climat social, ce qui est capital pour les éventuels autres salariés que pour le cabinet.

Pourquoi cela ne va plus ?

Les raisons du désintérêt d’un salarié pour son poste sont bien évidemment multiples. Elles peuvent être en relation avec le travail lui-même (il appartient alors au manager d’apporter une forme de variété à la fiche de poste ou encore « un sens » à la mission) ou être propres au salarié concerné (désir de changement, erreur d’orientation professionnelle, manque de reconnaissance, frustration…). Dans tous les cas, la politique de l’autruche est clairement à proscrire pour éviter l’enlisement : le manager doit prendre la situation en main et s’informer des raisons probables de cette attitude désinvolte de la part de son collaborateur.

Signal 01 : une baisse inopinée de la productivité

Premier signal qui doit mettre la puce à l’oreille de l’employeur : la baisse de productivité. Elle survient sans raison apparente et soudainement. C’est par exemple une assistante qui a besoin de plus de temps pour accomplir les mêmes tâches qu’avant (elle nettoyait une salle de soin en moins de 10 minutes et a désormais besoin de plus d’un quart d’heure). Un collaborateur qui allonge la durée de ses rendez-vous (ou les baisse !) sans pour autant réaliser plus d’actes. Selon la nature du poste, cela peut se manifester de différentes façons… elle peut s’exprimer par un manque d’initiative ou de participation, d’allant chez un salarié qui auparavant était impliqué dans la vie du cabinet. Attention car le désenchantement puis le désengagement qui en découle se révèlent très contagieux et peuvent rapidement se transmettre aux autres membres de l’équipe, voire à tous ! « Christiane   en avait clairement marre d’être assistante administrative, raconte Samantha, 35 ans, assistante clinique d’un cabinet de groupe du sud de la France. Notre patron le Dr Albert n’a pas tout de suite mesuré la profondeur de son mal-être en poste. Nous non plus du reste. Après les matinées passées sous une chape de plomb, se sont enchaînées les pauses à rallonge à râler après tous les dysfonctionnements (réels ou supposés) du cabinet. C’était des commentaires acrimonieux chaque fois qu’elle raccrochait le téléphone, les soupirs… Notre patron lui a proposé de prendre de nouvelles responsabilités pensant qu’elle s’ennuyait dans son poste, mais elle a refusé. Elle a fini par se mettre en maladie puis a démissionné. Nous ne nous sommes rendu compte de la toxicité de sa démotivation qu’une fois qu’elle a quitté le cabinet. Comme si nous regardions à nouveau le cabinet avec des lunettes roses ! Les répercussions étaient dangereuses pour le cabinet dans sa globalité, nous souhaitions toutes partir pour ne plus subir cette ambiance ! »

Signal 02 : un repli sur soi

C’est un signe précurseur également très révélateur de la perte de motivation où l’assistante va se couper du reste de l’équipe pour limiter au maximum les échanges avec son praticien ou ses collègues. Elle ne va plus s’investir dans une équipe qu’elle est en train de « quitter » du moins symboliquement. Cécile, 24 ans, assistante clinique du cabinet de groupe et collègue de Samantha poursuit : « Traditionnellement nous profitions de la livraison des tickets restaurant en début de mois pour se faire un déjeuner en dehors du cabinet, toutes ensemble. C’était notre rituel du premier mercredi de chaque mois où nous avons une pause plus longue et c’était aussi une fête ! Le premier mois, Christiane a expliqué qu’elle ne pouvait pas venir pour aller récupérer un colis à La Poste, puis le mois suivant le choix du restaurant ne lui convenait plus, nous avons finalement arrêté ces déjeuners qui tout d’un coup devenaient compliqués à organiser. Pour ne pas l’exclure complètement, nous avons fini par ne plus passer de moment de convivialité… pour une seule personne qui ne voulait plus que cela se passe bien. Alors que nous étions huit assistantes en tout ! »

Signal n° 03 : les comportements limites

Il faut comprendre par comportements limites, ces attitudes équivoques inhabituellement soumises voire agressives, de la part du collaborateur qui se démotive. Des remarques revendicatives ou tournées à la dérision ne doivent pas être prises pour du défoulement ou de l’humour, surtout si cela ne rentre pas dans les habitudes comportementales du salarié. Le changement d’attitude peut aussi se concrétiser par un silence inhabituel ou par de la dérision (exprimée verbalement ou en langage corporel) : faites attention à ne pas mésinterpréter ces signes, le premier n’est pas forcément de la réflexion posée ni le second de l’humour caustique. Cela peut être le signe d’un moral en berne. Lors d’une séance de briefing matinale (ou lors de toute réunion), un silence ostentatoire ne doit pas être pris pour une adhésion totale de la part du salarié. Bien au contraire, il peut s’agir d’un signe évident de désengagement dans la mesure où le collaborateur ne se sent plus impliqué par les décisions prises par son manager. Il convient d’être particulièrement attentif sur les sujets qui les touchent directement.

Signal n° 04 : plus de projection

Le désengagement de l’assistante se perçoit à la fois dans l’exercice quotidien du métier, mais aussi dans la manière dont l’assistante se projette dans le futur : si une assistante est absente lorsqu’on évoque devant elle le passage au numérique, ou un changement d’horaire, cela doit alerter.

Signal 05 : de moins en moins présente et de moins en moins ponctuelle

Lorsque le signal n° 04 s’allume, le manager a pris généralement la mesure du dysfonctionnement… Cela « se voit » d’avantage : il s’agit de l’absentéisme ou de retards à répétition. Ce sont les grands classiques de la manifestation de la démotivation.

Tous motivés !

Pour terminer de se convaincre de l’avantage de la motivation sur le désengagement, rappelons que les salariés engagés sont plus heureux au travail (86 % contre 11 % pour les autres) ; ils prennent trois fois moins d’arrêts maladie que les autres ; ils sont de bons ambassadeurs du cabinet (67 % contre 3 %) ; ils sont fiers de leur travail (86 % contre 2 %) ; ils sont proches des clients (70 % contre 17 %) ; ils sont innovants (59 % contre 3 %); ils ont un retour sur salaire plus élevé (120 % contre 60 %)3. Il serait donc bien dommage de se passer de la motivation de nos équipes !