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Parodontie et implantologie : les inséparables

1. Tissu mou et implantologie

L’objectif du traitement implantaire dans le secteur esthétique est de donner l’impression du vrai. L’intégration esthétique est la doléance principale du patient dans le secteur antérieur. La gestion du rose est donc indispensable pour un résultat optimal. Il est facile de décrire une récession gingivale autour d’une dent. En revanche, il est plus complexe de définir les déhiscences des tissus mous péri-implantaires car il faut prendre en considération également les dents adjacentes. Les critères esthétiques des tissus mous ont été listés dans le Pink esthetic score de Fürhauser et Belser. Les critères sont la position des papilles, la différence de couleur et de texture, la différence de position de la ligne muco-gingivale, la courbure cervicale, et enfin, la convexité « radiculaire ».

La stabilité de l’os péri-implantaire qui déterminera la longévité de l’implant et son succès clinique dépend, entre autres, de la présence d’un espace biologique péri-implantaire suffisant. Berglundh l’a mesuré à 3,8 mm. Celui-ci est décrit par l’ensemble des tissus mous compris entre le contact os-implant le plus coronaire et le rebord muqueux. Lisgarten le décrit en trois zones distinctes : l’épithélium sulculaire, l’épithélium de jonction et le tissu conjonctif. Les études montrent qu’une épaisseur de muqueuse péri-implantaire inférieure ou égale à 2 mm cause une perte osseuse dans le processus de formation de l’espace biologique. Il faut prendre en considération l’épaisseur de la muqueuse péri-implantaire dans sa composante horizontale (l’épaisseur vestibulaire) et la composante verticale (l’épaisseur crestale). Dans les deux situations l’épaisseur devra être supérieure à 2 mm.

La composante horizontale va contribuer à la préservation du volume osseux vestibulaire qui a tendance à se résorber. En effet si l’épaisseur de tissu conjonctif est importante, (biotype épais) il permettra d’obtenir une zone conjonctive saine non inflammatoire (et donc ferme) comprise entre deux infiltrats inflammatoires en regard de l’épithélium sulculaire (plaque) et l’épithélium oral externe (brossage, plaque). L’augmentation gingivale par greffe de tissu conjonctif dans cette zone permettra d’accroître le volume et de changer le biotype pour éviter l’apparition de déhiscences.

L’épaississement vestibulaire contribuera aussi au rendu esthétique. Cela permettra de donner un trompe-l’œil d’une présence radiculaire. La composante horizontale permettra également de créer un espace biologique satisfaisant. Même si l’enfouissement de l’implant pourra y contribuer de façon limitée. L’épaisseur de la muqueuse crestale joue un rôle important également dans l’espace biologique. Son épaississement par greffe gingivale ou par apport de substitut tissulaire pourra se faire facilement lors de la pose de l’implant ou lors de la phase 2. Les auteurs s’accordent sur une épaisseur minimum de 2 mm.

Les études mettent en relief le fait qu’il y a moins de perte osseuse sur les implants qui ont eu des greffes de tissu conjonctif pour augmenter l’épaisseur de muqueuse.

Importance du tissu kératinisé

Dans les zones esthétiques, l’excès ou le manque de tissu kératinisé par rapport aux dents adjacentes auront un impact esthétique. Pour la santé parodontale autour d’une dent intacte, il a été convenu depuis des années que le tissu kératinisé en quantité adéquate était nécessaire (Loë) même si cela n’était pas obligatoire lors d’une hygiène dentaire irréprochable (Wenntröm). En revanche une dent restaurée devra avoir une quantité de gencive attachée et kératinisée adéquate pour maintenir une bonne santé parodontale. En implantologie, nous pourrions appliquer des principes d’une dent restaurée à l’implant.

Des études plus récentes remettent en cause ces controverses et se mettent d’accord sur l’intérêt du tissu kératinisé. Roccuzzo, dans une étude prospective comparative de 10 ans sur 98 patients, démontre que les implants avec de la muqueuse kératinisée présentent moins de signes inflammatoires, moins de déhiscences (récessions) et moins de plaque. Il conclut également qu’une greffe épithélio-conjonctive (Fig.1 à 4) en regard des implants améliore le contrôle de plaque.

implant

Fig.1 : Patient 1 : Absence de tissu kératinisé en quantité suffisante en vestibulaire
des implants et 15 et 16 après 3 mois d’ostéointégration.

greffe

Fig.2 : Préparation du lit receveur.

cicatrisation

Fig.3 : Visualisation de la greffe épithélio-conjonctive et du site donneur palatin.

implant

Fig.4 : Cicatrisation à 4 mois.

En effet de nouvelles études prennent en considération le ressenti du patient. Souza et col constatent, lors des maintenances implantaires, que les sites implantaires avec une bande de tissu kératinisé inférieure à 2 mm ont montré plus d’inconfort au brossage, d’accumulation de plaque et d’inflammations des tissus péri-implantaires en comparaison aux sites implantaires avec du tissu kératinisé supérieur à 2 mm. En présence d’un biotype fin et peu ou pas kératinisé, le patient décrira un brossage douloureux de la zone et un inconfort. Cela contribue à la diminution de la qualité du brossage, à l’accumulation de plaque et à l’augmentation du risque de survenue de péri-mucosites. En résumé, pour obtenir une bonne stabilité implantaire il faudra au minimum 2 mm de tissu kératinisé.

Il est important d’évaluer la quantité et la qualité des tissus mous de la future zone implantée. Les apports par greffe pourront se faire facilement lors de la pose de l’implant ou lors de la phase deux (Fig.5 à 9 et 16 à 18).

tissus mous

Fig.5 : Patient 2 : Visualisation d’une déhiscence vestibulaire.

lit receveur

Fig.6 : Lambeau décalé en palatin, avec préparation du lit receveur en vestibulaire
de l’implant. Une greffe de tissu conjonctif sera enfouie en vestibulaire
et suturée au lambeau.

cicatrisation

Fig.7 : Mise en place de la vis de cicatrisation. Le greffon est enfoui en vestibulaire.
Visualisation du site donneur. Technique de prélèvement à une incision.

implant

Fig.8 : Contrôle postopératoire à 10 jours.

couronne définitive

Fig.9 : Mise en place de la couronne définitive.

En revanche, les greffes gingivales sur des implants restaurés présentant des déhiscences ont des résultats cliniques et esthétiques incertains avec des évidences limitées. Ceci est sans compter l’insatisfaction du patient face à une situation qui n’aura pas été prédite en amont.

2. Maladie parodontale et implantologie

Il existe une association dose dépendante entre le niveau d’hygiène orale du patient et la survenue de péri-mucosites et péri-implantites (Ferreira, Salvi, Pontoriero). Les péri-mucosites expérimentales chez l’humain (Salvi) montrent que le niveau de santé de la muqueuse implantaire ne se rétablira pas à la situation initiale, même après 3 semaines de cicatrisation suite au retour à l’hygiène orale. Il est donc impératif d’établir un bon niveau de contrôle de plaque préalablement à toute chirurgie implantaire. La parodontite (Fig.10) est caractérisée par la destruction progressive du parodonte, les principales caractéristiques étant la perte d’attache clinique (CAL), la perte osseuse radiographique, la présence de poches parodontales et des saignements (Papapanou et al., 2018).

panoramique

Fig.10 : Patient 3. La panoramique d’un patient avec une parodontite non
traitée et des implants à la mandibule. Les implants présentent des pertes
osseuses et des abcès à répétition (motif de la consultation).

La classification de 2018 des maladies parodontales classifie les parodontites en stades (sévérité, complexité et distribution) et grades (vitesse de progression). Le stade anticipe la prise en charge de la maladie. Les stades 3 et 4 se caractérisent, en autres, par la perte de dents pour cause parodontale (Fig.11 à 15).

parodontite

Fig.11 : Patient 4. Patient avec une parodontite stade 3 – grade B.
Les dents maxillaires antérieures se sont vestibulées.
Un implant en 21 a été posé 3 ans auparavant sans traiter la parodontite.
L’implant présente une péri-implantite.

pertes osseuse

Fig.12a, b, c et d : Différents clichés rétroalvéolaires montrant les pertes
osseuses et le tartre sous-gingival. Les incisives sont malheureusement à extraire.
L’implant présente une péri implantite.
Il a été décidé de le déposer à cause de sa position trop vestibulée.

pertes osseuses

Fig.12b.

pertes osseuses

Fig.12c.

implant

Fig.12d.

site à implanter

Fig.13 : 2 semaines postopératoires après les extractions.
Des greffes osseuses et de tissu conjonctif ont été réalisées
le jour des extractions.

implants

Fig.14 : Visualisation des piliers multi-units et mise
en évidence de la bonne intégration tissulaire.
La quantité de tissu kératinisé et l’épaisseur de la muqueuse
implantaire est satisfaisante.

implants

Fig.15 : Restauration définitive : implants en 12 et 22.
11 et 21 sont des pontiques.

Le stade 4 se distingue du stade 3 par les séquelles de perte d’attache parodontale importante, des pertes dentaires, des dents qui ont changé de position, des dents mobiles ce qui engendre des malfonctions. Dans ces stades avancés, une approche pluridisciplinaire est indispensable. Un traitement parodontal seul n’est pas suffisant.

Pour cette raison, les implants dentaires sont régulièrement placés chez des patients ayant des antécédents de parodontite, même si les tissus péri-implantaires sont sensibles aux mêmes facteurs liés à l’hôte et induits par la plaque qui initient et entretiennent la parodontite.

Les recommandations de l’EFP pour le traitement des parodontites de stade IV mettent en évidence l’intégration des implants dans le traitement parodontal pour rétablir une dentition fonctionnelle. La doléance esthétique est aussi à prendre en considération pour la prise en charge des parodontites de stade 3 et 4. Néanmoins, lorsque les implants dentaires sont envisagés dans la réhabilitation des patients atteints de parodontite de stade IV, les experts recommandent d’informer le patient sur le risque accru de péri-implantite et de perte d’implant. En effet, même si le taux de succès à court terme des implants est le même chez les patients avec ou sans antécédents de maladie parodontale, en revanche les études à plus long terme (> 10 ans), montrent une augmentation significative de l’incidence des complications péri-implantaires chez les patients atteints de parodontite. Du point de vue microbiologique, une composition similaire du macrobiote est retrouvée dans les poches parodontales et implantaires avec un sondage équivalent. De plus, les poches parodontales sont considérées comme des réservoirs de bactéries pathogènes qui pourront contaminer les implants. Il sera donc important de réaliser un examen parodontal lors de la consultation implantaire. Un diagnostic de parodonte sain ou malade devra être posé (Fig.16 à 18).

concavité vestibulaire

Fig.16 : Patient 5. 22 est à extraire.
La photo montre une concavité vestibulaire de la 22.

suture

Fig.17 : La 22 a été extraite avec une mise en esthétique
immédiate (provisoire Dr Ciravegna).
Une greffe de tissu conjonctif a été enfouie en vestibulaire.

dépose des sutures

Fig.18 : Visualisation de la convexité vestibulaire le jour
de la dépose des sutures à une semaine postopératoire.

Dans le cas où une parodontite est diagnostiquée, son traitement devra suivre les recommandations de traitement éditées récemment par l’EFP. C’est au moment où la stabilité parodontale est atteinte et que le niveau de plaque est satisfaisant que le patient sera éligible à la pose d’implants. La pose d’implants dans un parodonte malade est contre-indiquée.

3. Importance de la maintenance parodontale et implantaire

La thérapie péri-implantaire de soutien peut réduire la survenue de péri-implantites chez les patients ayant des antécédents de parodontite. Des études à long terme (> 10 ans) ont montré qu’un manque de maintenance parodontale et implantaire est liée à une plus grande incidence de perte osseuse péri-implantaire.La fréquence des thérapeutiques de soutien est programmée à des intervalles de 3 à 12 mois maximum. Elles sont adaptées en fonction des facteurs de risques du patient et des conditions parodontales (parodonte sain ou historique de maladie parodontale).

Conclusion

La parodontologie est une discipline indissociable de la pose d’implant au même titre que la prothèse supra-implantaire. L’examen clinique parodontal devra mettre en évidence les caractéristiques parodontales du patient. Un diagnostic doit être posé en amont : parodonte sain, gingivite parodontale, parodonte réduit mais sain ou parodontite non traitée. Un traitement adapté préalable devra être mis en place pour diminuer l’inflammation, ainsi que les charges bactériennes et valider le contrôle de plaque du patient. Cet examen clinique mettra également en évidence la nécessité d’augmentation tissulaire dans le plan de traitement implantaire.

Auteure

Dr Julie Lamure

Julie Lamure

© Hmadignier -Hmphotography.

Chirurgien-dentiste

Exercice libéral exclusif en parodontologie et implantologie

 

Bibliographie

Aucune source spécifiée dans l’article.

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