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Se former en dentisterie adhésive

Que l'on souhaite se perfectionner ou se spécialiser en dentisterie adhésive, le choix d'une formation passe par une réflexion sur ses attentes et objectifs pour sa pratique.

Publié le 11 octobre 2022

Se former en dentisterie adhésive

La dentisterie esthétique et adhésive exige, comme les autres disciplines dentaires, une grande rigueur pratique et clinique. Dimension incontournable de la dentisterie d’aujourd’hui, elle fait partie de l’arsenal thérapeutique de tout praticien. Si l’on souhaite se perfectionner, il faut sélectionner la formation qui convient à ses attentes et à ses objectifs. Une formation permet une mise à jour de ses connaissances sur les concepts actuels de la dentisterie adhésive. D’autre part, elle offre une vision détaillée des protocoles à mettre en œuvre. Elle permet aussi de revoir les fondamentaux d’un diagnostic pulpo-dentinaire. Enfin, elle donne l’occasion d’approfondir le sujet des sensibilités postopératoires pour mieux les éviter.

L’essor de l’esthétique dentaire s’est fait ces dernières années en conjugaison avec le développement de la dentisterie adhésive et des techniques « tout céramique » permettant des traitements minimalement invasifs, avec un enjeu à la fois fonctionnel et esthétique en secteur antérieur. Une formation guide sur le choix d’un bon système adhésif selon la situation clinique rencontrée. Elle donne l’occasion de revoir les principes de base d’adhésion et de collage.

 

Dr Lucile Dahan : «  La dentisterie adhésive est la discipline la moins tolérante à l’improvisation ! « 

dentisterie adhésive

 

Dentoscope : Quels sont les trois principaux points qui permettent de se perfectionner en dentisterie adhésive ?

Dr Lucile Dahan : Le premier point est de bien connaître les matériaux qui sont à notre disposition. Lorsque je dois assembler une pièce prothétique, je me pose toujours ces questions : qu’est-ce que j’ai comme type de prothèse ? Qu’est-ce que j’ai comme tissus dentaires ? Avec quoi je peux assembler ? Le type de prothèse va déterminer le protocole de collage. On ne colle pas pareillement une céramique zircone et une céramique vitreuse par exemple. La nature du substrat dentaire influe aussi : aucun problème à coller sur de l’émail alors que la dentine nécessite une attention particulière. Enfin, nous avons à notre disposition pléthore de  » colles  » : composites de collage, colles avec potentiel d’adhésion, colles auto-adhésives et sûrement bien d’autres encore dans le futur. C’est en connaissant les avantages et les inconvénients de chaque classe de produit qu’il est possible de choisir le plus adapté à la situation clinique.

Il est malheureusement encore utopique d’avoir un seul protocole de collage pour satisfaire à toute la dentisterie adhésive.  Le second point est de respecter les protocoles de collage établis et publiés dans la littérature. La dentisterie adhésive est la discipline la moins tolérante à l’improvisation de toute la dentisterie ! La moindre erreur dans le protocole est bien souvent rapidement sanctionnée : perte de la pièce prothétique, douleurs à la mastication, au froid, au chaud, reprise de caries… Cela génère de l’inconfort pour le patient, du stress et une perte financière pour le praticien qui devra reprendre le travail déjà effectué et facturé. Pour que la dentisterie adhésive ne soit pas une source de problèmes, il faut être très  » carré  » et respecter scrupuleusement chaque étape du protocole de collage adapté à la situation clinique.

Le dernier point est de toujours garder un esprit ouvert. Ce qui est vrai en dentisterie adhésive aujourd’hui ne le sera plus demain. Prenons l’exemple du collage aux tissus dentaires : ce n’est que dans les années 90 que l’on a commencé à enseigner le collage à la dentine ! Encore aujourd’hui, certains praticiens pensent que le collage dentinaire ne fonctionne pas, car les dogmes ont la vie dure. Il ne faut pas se reposer sur des habitudes, sur des :  » Cela fonctionne très bien comme ça « . C’est vrai qu’il est plus simple de se dire :  » Voilà 20 ans que je fais ainsi, je n’ai jamais eu de problèmes, pourquoi changer ?  » Mais la dentisterie adhésive permet justement de faire évoluer notre pratique et dans le bon sens ! Plus la dentisterie adhésive progresse et plus on peut être conservateur de tissus sains, esthétiques, se permettre de soigner de plus en plus de situations cliniques… C’est pourquoi il faut progresser avec elle, accepter de se remettre en question et de continuer à apprendre.

Comment peut-on mieux maîtriser les protocoles de collage ?

Comme dans toute discipline, il ne peut pas y avoir maîtrise sans compréhension. Cela ne sert à rien d’apprendre par cœur un protocole. En formation, les participants nous demandent souvent des fiches récapitulatives, des  » mémos « . En vérité, ils n’en ont pas énormément besoin. Peut-être pour se souvenir des temps d’application des produits mais pas plus. Le Pr Michel Degrange, référence de la dentisterie en France, expliquait que l’adhésion à n’importe quelle surface se décompose ainsi : ancrage micro-mécanique et adhésion chimique.

Comment j’attaque la surface pour créer des défauts qui vont mécaniquement retenir ma restauration et comment je réalise une liaison à cette surface pour retenir chimiquement ma restauration ? Voilà les deux questions qui régissent la dentisterie adhésive. Bien sûr, je vais modérer mon propos précédent, il faut à un moment donné apprendre ce qui attaque le mieux l’émail, le verre, la zircone, le métal… Mais comprendre comment cela fonctionne permettra de ne jamais l’oublier. Ensuite, il faut les respecter. Connaître son protocole, refaire toujours les mêmes gestes.

La maîtrise vient aussi de la répétition. Pour connaître le protocole, il n’y a pas de miracle, cela passe par la formation. Il faut aller dans les conférences, les cycles de formation, les séances de travaux pratiques, il faut s’abonner à des revues, lire des articles, suivre des formations en ligne…Tout est bon à prendre ! Et si jamais on n’a pas le temps, il faut au moins lire les modes d’emploi. Cela paraît bête mais tout est écrit dans le mode d’emploi du produit de collage qu’on utilise. Malheureusement, notre premier réflexe est de le jeter. J’espère que cela sera bientôt généralisé à tous les produits mais actuellement la plupart disposent d’un mode d’emploi en pictogrammes, généralement en couleur et plastifié. Il faut au moins conserver celui-ci. Les modes d’emploi sont faits pour utiliser le produit de collage au maximum de ses performances et dans des indications correctes. Ils sont issus d’études de laboratoires, d’études cliniques et bibliographiques.

Quelles autres compétences faut-il approfondir pour se former en dentisterie adhésive ? 

J’ai envie de dire toutes. Mais je vais en choisir deux qui sont à mon avis les plus importantes. Une fois que l’on a compris ce que l’on faisait, qu’on connaît ses matériaux, ses protocoles, à mon avis il faut développer son humilité. Ce n’est pas facile car lorsqu’on acquiert une nouvelle compétence on a envie de l’appliquer partout, tout le temps, en faisant fi de tous les enseignements passés. Selon moi, pour s’améliorer en dentisterie adhésive, il faut connaître les principes de la dentisterie  » mécaniste « . Aujourd’hui on a l’impression qu’on découvre l’importance du sertissage dentinaire (le fameux  » ferrule effect « ) pour nos prothèses collées, alors que nos prédécesseurs l’appliquaient depuis longtemps pour les couronnes métalliques ou céramo-métalliques. On voit des choses aberrantes, avec des collages à 10 km sous la gencive, pour après dire que, finalement, cela fonctionne mieux quand on respecte l’espace biologique… Le métal est décrié alors qu’il rend encore des services. Actuellement, on assiste au grand retour des principes de l’occlusodontie pour les réhabilitations totales collées et on nous vend cela comme une nouveauté… Pour s’améliorer en dentisterie adhésive, il faut en connaître les limites. Je ne dis pas qu’il ne faut pas chercher à les repousser, c’est évidemment ainsi que les progrès se font, mais il faut garder à l’esprit ce qui fonctionnait dans le passé et s’en servir. J’aimerais dire que je fais une dentisterie 100 % adhésive mais ce serait mentir. Il m’arrive en effet encore de faire des inlay-cores scellés par exemple. Ne pas avoir de dogme, c’est le plus important pour moi.

Si l’amélioration de la dentisterie adhésive puise dans le passé, elle passe aussi par les technologies futures. Le numérique est, à mon sens, le grand allié de la dentisterie adhésive. Pouvoir prévisualiser sur ordinateur, organiser son plan de traitement à partir du résultat final, communiquer avec les différents intervenants permet de se mettre dans la situation clinique idéale pour restaurer a minima et faire des restaurations collées esthétiques pérennes. La planification par ordinateur est un outil puissant dans le développement de la dentisterie adhésive. Prenons l’exemple d’une agénésie de 12 et 22 pour laquelle on hésiterait entre ouvrir et fermer l’espace. Je trouve cela formidable de pouvoir visualiser le résultat des deux situations sur ordinateur, de pouvoir virtuellement modifier la forme des canines afin de voir si un composite ou des facettes seront possible, de pouvoir dire à l’orthodontiste de placer les canines dans telle position pour ménager un espace d’occlusion suffisant pour une ailette de bridge collé, ou de prévoir un diastème central pour améliorer la gestion de l’espace. Une fois la feuille de route établie, on a prévu notre collage, on l’a réfléchi, il n’y a plus de surprise, de stress. Il faut juste connaître et respecter ses protocoles. Il sera alors temps de développer une autre compétence pour toujours approfondir nos connaissances et améliorer notre pratique.

Propos recueillis par Agnès Taupin.