Au secours, je travaille avec quelqu’un que je n’aime pas
Elle est une excellente assistante, c’est un collaborateur précieux, sauf que voilà, relationnellement, cela ne passe pas… Est-il possible d’être bienveillant à l’égard de quelqu’un avec qui vous n’avez pas la moindre envie de déjeuner ? Mode d’emploi pour des relations apaisées au cabinet.
C’est triste à dire, mais vous la supportez plus ! C’est grave ? Oui, parce que votre vie professionnelle, l’ambiance au cabinet et votre bien-être peuvent en pâtir. Mais ça n’est pas pour autant désespéré. La vie au cabinet serait un long fleuve tranquille si des patients, équipes, collaborateurs extérieurs, prothésistes, vous étiez aimés et aimiez en retour tout le monde. Et, bien sûr, votre travail dans l’ensemble serait plus facile si vous appréciez (vraiment) toutes les personnes qui composent votre équipe.
Plus facile peut-être mais pourtant, ce n’est pas obligatoirement ce qui est le mieux pour le cabinet : selon Robert Sutton, professeur de science et d’ingénierie du management à l’université de Stanford, auteur de Good Boss, Bad Boss : « Il y a une liste de choses qui font que vous aimez les gens, et une liste de choses qui font qu’un groupe est efficace ; les deux sont très différentes ». Pour dire les choses rapidement, il n’est ni possible (ni même recommandé !) de bâtir une équipe entièrement composée de personnes avec lesquelles vous aimeriez passer vos dimanches. Il existe toutefois de vrais pièges dans le fait de ne pas apprécier l’un de ses employés, car même sans le vouloir vraiment, il est possible que vous traitiez injustement un employé que vous appréciez peu ou que vous ayez du mal à appréhender le vrai bénéfice qu’il peut apporter au cabinet.
L’avantage des personnes que l’on n’apprécie pas
Il est possible que vous ayez du mal avec sa garde-robe, son maquillage, que vous tressailliez quand elle répète, invariablement, chaque matin le même refrain sur son trajet pour arriver au cabinet, ou l’entendre raconter les mêmes anecdotes sur le petit dernier de sa fille… que vous redoutiez les récits de votre collaborateur sur ses week-ends de pêche, peu importe : le manque d’intérêt ou même de sympathie vis-à-vis de votre employé n’est pas la pire chose qui puisse lui arriver, ni même une mauvaise chose finalement :
« Du point de vue de la performance, trop aimer les gens que vous managez constitue un plus grand problème que les aimer trop peu », déclare Robert Sutton dans Harvard Business Revue. Pour affirmer leur autorité ou encore par simple confort, la plupart des praticiens préfèrent (de loin !) les collaborateurs qui ni ne les dérangent pas, ne les provoquent pas et encore moins les contredisent.
Pourtant, ces « poils à gratter » qui sont bien déplaisants peuvent nous aider à nous améliorer (à la différence des « toujours d’accord » et autres employés agréables). La solitude du praticien-manager qui ne compte que des salariés consensuels n’est pas une légende. Un bon dirigeant a besoin de gens qui ont des points de vue différents… et qui surtout n’ont pas peur d’avancer leurs opinions (sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’une posture de râleur systématique) ! Éric praticien breton charismatique de 45 ans raconte : « Mon cabinet est relativement important, j’ai une associée à temps partiel, une collaboratrice “senior”, un jeune collaborateur tout juste sorti de la fac, une secrétaire et quatre assistantes.
Il y a une super ambiance dans le cabinet, tout le monde s’apprécie et nous ne ratons aucune occasion pour nous retrouver ou célébrer, au cabinet ou en dehors. Pourtant, lorsque je fais des réunions, j’ai l’impression de donner la messe, on m’écoute religieusement, les plus sérieux prennent des notes… je n’ai jamais, jamais, de contradictions.
Quand j’ai voulu changer de système pour les prises de rendez-vous, personne ne m’a objecté que ça n’était pas l’idée du siècle. On aurait gagné du temps si une personne peut-être moins sympa m’avait alerté sur les limites de mon idée. Ne pas vouloir me froisser semble le mot d’ordre par ici, alors que la critique est saine et peut me faire évoluer ! Mon prochain recrutement sera une personne qui coupe les cheveux en quatre, et tant pis si l’ambiance du cabinet y perd un peu ! »
Pourquoi cette personne m’agace ?
Les personnes que nous n’aimons pas ont beaucoup à nous apprendre… sur nous-même : « Les personnes qui provoquent en nous des émotions négatives fortes sont de véritables trésors, résume Géraldine Marin, psychothérapeute. Plutôt que se couper de ces émotions ou de les rejeter ou même de rester dans la frustration, considérons-les comme des clés pouvant nous ouvrir les portes d’une meilleure connaissance de nous-même. Qu’est-ce que cette personne ou ce comportement réveille chez moi ? »
Les jours et les semaines au cabinet peuvent devenir interminables quand on passe la grande partie de son temps à interagir avec quelqu’un que l’on apprécie que très modérément (et c’est un euphémisme). Pour gérer ces journées et l’inconfort provoqué par la présence de l’autre, plutôt que de ressasser à quel point notre assistante est irritante, demandez-vous plutôt pourquoi vous réagissez comme vous le faites.
En clair, est-ce que l’irritation vient de la personne elle-même ou d’une situation ou d’une personne à laquelle elle me fait penser ? Catherine, praticien de 56 ans raconte : « Jessica était une jeune assistante ni plus ni moins compétente que les autres, mais je n’arrivais pas à la supporter, c’était viscéral. Son seul tort, et j’ai mis des mois à le comprendre était d’avoir la même façon de ne pas répondre aux questions que celui qui allait devenir mon ex-mari ! Mais pour comprendre que mon assistante de24 ans me faisait penser à mon mari, j’ai mis un certain temps. De le comprendre ne pas m’a aider à l’apprécier d’avantage ! »
Les raisons de l’inimitié peuvent aussi dire notre peur de trop ressembler à cette personne, ou encore peuvent être des préjugés (plus ou moins avouables). Essayez de comprendre clairement, en étant parfaitement honnête avec vous-même, ce que cette personne représente pour vous et pourquoi elle vous irrite plus que de raison (si c’est le cas !). Identifier les éléments susceptibles d’influencer votre jugement, permet de pondérer son appréciation et d’arrondir son comportement.
Attention, sensibilité !
Dans la grande majorité des situations, les salariés recherchent l’assentiment de leur patron. Avant d’être dans des dispositions complexes et néfastes, une assistante ou un collaborateur chercheront systématiquement sinon à plaire du moins à convenir à leur praticien, ce sentiment grandement partagé est encore plus vrai dans les petites structures. Quel que soit le degré d’aversion que vous éprouvez en présence de votre employé, il sera donc naturellement très sensible à votre attitude.
Chez les personnes les moins sûres d’elles, toute manifestation de défiance de la part de leur patron peut être vécue comme un désaveu de leur travail en général… et peut avoir des répercussions sur la qualité ou la productivité.
Même avec les personnes que l’on apprécie peu, il convient de rester juste et positif, toujours. « Je ne l’aimais clairement pas, poursuit Catherine, mais elle travaillait très convenablement. J’étais contente les très rares fois où elle faisait des erreurs, parce qu’alors je pouvais libérer un peu de la colère qu’elle m’inspirait. Ça n’est pas très professionnel, je le reconnais : mes réactions étaient clairement disproportionnées par rapport à l’erreur, mais pas par rapport à mes sentiments à son égard ! »
Chercher les qualités
Les personnes qui n’ont que des défauts n’existent pas ! Personne n’est 100 % négatif. Pourtant, à l’aune de nos inclinations l’on a facilement tendance à parer de qualités nos employés préférés et à dénigrer ceux qui n’ont pas grâces à nos yeux. Il peut être pourtant intéressant de faire l’exercice inverse: chercher des défauts à nos chouchous et des qualités à nos brebis galeuses.
Malgré les difficultés relationnelles avec cette assistante, qu’appréciez-vous chez elle ? Concentrez-vous sur ce qu’elle fait bien, et sur la façon dont elle peut faire progresser l’équipe ! « Je n’appréciais pas le côté psychorigide de mon jeune collaborateur qui n’avait de “jeune” que son âge, se souvient Olivier B. praticien montpelliérain, il a néanmoins réussi à faire ce dont j’étais incapable : la mise noir sur blanc des protocoles de tout le cabinet ! Il y a passé ses soirées et ses week-ends, son côté buveur d’eau un rien sinistre a donc eu du bon pour le groupe finalement. »