Les paramètres esthétiques de la réhabilitation complète de l’arcade maxillaire
L’approche thérapeutique du traitement de l’édenté complet maxillaire est en constante évolution en raison des progrès technologiques qui ont considérablement élargi les possibilités d’optimisation esthétique dans le domaine de la dentisterie. La demande esthétique croissante ainsi que l’amélioration numérique et technologique de l’industrie dentaire au cours des dernières décennies ont créé un paradigme dans le traitement restaurateur de l’arcade complète. Chaque patient est différent et aura des demandes et des attentes différentes. En tant que cliniciens, nous devons identifier les besoins des patients afin d’éviter le surtraitement et de proposer l’approche la plus appropriée en fonction de leur situation clinique.
Il est important de réévaluer notre idée de la thérapie que nous souhaitons offrir au patient en le soumettant à une « check-list » esthétique à chaque étape importante du traitement, comme l’acquisition d’une histoire complète du patient (ses besoins et ses attentes), les dossiers chirurgicaux et un examen clinique complet.
Cet article décrit le protocole utilisé dans notre cabinet pour le traitement des cas d’arcades complètes. Chaque étape du protocole doit être soigneusement prise en considération, y compris l’analyse esthétique extra et intraorale du patient, avec des photographies, la prévisualisation numérique au travers d’un Smile Design et la revisualisation clinique à l’aide d’une cire d’occlusion, ou d’un guide transparent. À l’aide de cas cliniques, nous allons illustrer chacune de ces étapes.
I. Acquisition de données – série de documentations lors du rendez-vous initial
L’utilisation de la photographie dentaire a progressé au fil des ans, passant d’un moyen de transmission à l’un des principaux outils qui nous permettent d’enregistrer avec précision la situation clinique de notre patient au départ, afin de mesurer et de garantir le meilleur résultat à la fin du traitement. Afin d’évaluer si le patient est orthognathe, prognathe ou s’il y a un angle naso-génien diminué, nous rassemblons des images sous de multiples angles sur les tiers du visage, la ligne médiane, la symétrie, le sourire et même l’aspect latéral ou le profil du patient. Toutes ces photographies recueillies lors du rendez-vous initial nous fourniront les informations nécessaires pour établir et élaborer le plan de traitement le plus approprié.
Photos intraorales
Les images intraorales constituent une autre partie cruciale du procédé de l’analyse de la préparation. Sans une compréhension complète de la relation maxillaire et mandibulaire, de la position de la langue et de la hauteur de la crête, et sans aller jusqu’à rassembler des photos occlusales qui nous donnent des informations importantes sur la présence éventuelle de torus, il devient de plus en plus difficile de définir un plan de traitement approprié et prévisible pendant la chirurgie, sans oublier l’aspect prothétique de ce traitement.
Acquisition vidéo
L’acquisition vidéo est également importante car elle apporte une représentation de la situation réelle de la dynamique naturelle des lèvres et du type de sourire. Cela doit être évalué en amont car elle constitue un élément essentiel de la réhabilitation d’une arcade complète. La raison pour laquelle il est important d’identifier le sourire lors d’une acquisition vidéo est que pour les patients qui ont une ligne de sourire haute et qui auront besoin d’une prothèse Fp-3, cette ligne de transition, d’un point de vue esthétique, sera toujours visible si elle n’est pas masquée, et peut avoir un impact négatif sur notre plan de traitement prothétique. Il est impératif de déterminer la ligne de transition, sans cela, un diagnostic incorrect peut conduire à une ligne de transition visible.
Fig.1 : Frontal sans sourire, frontal avec sourire, latéral sans sourire, latéral avec sourire.
II. Concept macro/mini/micro-esthétique
Dans la dentisterie moderne, il est nécessaire d’évaluer le patient dans son ensemble, et pas seulement de se concentrer sur l’alignement des dents [1]. L’apparence générale du patient est la première et la plus importante considération, suivie des éléments plus petits du sourire, puis de l’esthétique des dents. L’approche décrite ici est empruntée à un ensemble de termes dans lesquels le professeur Sarver, orthodontiste (Sarver 2020), a décrit la macro-esthétique de la conception du sourire. Nous avons élargi son processus descriptif pour inclure une approche plus globale du traitement esthétique, en divisant l’évaluation prothétique en trois catégories.
Fig.2 : Visibilité de la ligne de transition.
Macro-esthétique
La clé de cette approche fondamentale est l’analyse systématique de toutes les composantes anatomiquement statiques et fonctionnelles du visage et du sourire. Cela permet de mieux apprécier les interactions subtiles de chacun des éléments du visage et la façon dont chacun d’eux peut être maîtrisé de manière adéquate par une approche thérapeutique harmonisée. L’esthétique n’est pas tout dans le diagnostic, mais c’est une composante essentielle et elle est dérivée d’une analyse du modèle, et non de la somme d’une série de caractéristiques. Les visages sont jugés comme étant beaux si le modèle des caractéristiques plaît à celui qui observe. La macro-esthétique est exactement ce que vous voyez lorsque vous prenez du recul et que vous examinez la symétrie et les proportions du visage du patient. Les détails de la macro-esthétique sont illustrés dans la Fig.3.
Fig.3 : Repères anatomiques.
Fig.4 : Plan sagittal médian.
Fig.5 : Tiers inférieurs du visage.
L’un des aspects les plus importants des proportions générales du visage est la symétrie du visage. L’évaluation de la symétrie du visage commence par la détermination du plan mi-sagittal. Le plan inter-pupillaire et les lignes du sourire (la connexion des commissures externes) doivent être perpendiculaires au plan mi-sagittal et être également parallèles entre eux.
La description classique du visage symétrique et esthétique dit qu’il y a des tiers verticaux égaux, le tiers supérieur du visage étant mesuré du trichion (la partie la plus basse de la ligne des cheveux) à la glabelle (Fig.6).
Fig.6 : Tiers verticaux égaux.
Le tiers moyen s’étend de la glabelle à la cavité nasale, et les tiers inférieurs du visage englobent la distance entre la base du nez et le gnathion (Fig.5).
Le tiers inférieur peut à nouveau être subdivisé en trois tiers, soit un tiers pour la lèvre supérieure et deux tiers pour la lèvre inférieure et le menton. Il est important de reconnaître la contribution du menton qui est souvent négligée. Pour évaluer les proportions verticales, le tiers inférieur idéal du visage est constitué d’un tiers pour la lèvre supérieure et de deux tiers pour la lèvre inférieure et le menton. Nous devrions utiliser ces repères anatomiques comme références pour le traitement, cependant, en tant que cliniciens, nous nous concentrons souvent sur la disproportion du tiers inférieur. Cela nous donne des informations sur les éventuelles déformations ou asymétries du squelette qui peuvent orienter le clinicien dans son approche thérapeutique et déterminer si un traitement interdisciplinaire est nécessaire pour obtenir une proportion plus idéale des tiers inférieurs du visage. Les cliniciens ont souvent tendance à se concentrer sur la zone dentaire et ne tiennent pas compte de l’analyse esthétique globale du visage pour traiter nos patients dans leur ensemble, avec leurs symétries et leurs asymétries. Il est essentiel d’obtenir une excellente collaboration interdisciplinaire, notamment avec le clinicien responsable de la partie prothétique. Les restaurations prothétiques finales doivent intégrer pleinement les particularités du cadre facial pour répondre aux exigences fonctionnelles et esthétiques.
Vue frontale
Le point de départ décrit par Sarver pour l’examen macro-esthétique est la vue frontale. L’analyse frontale classique classe les visages en mésocéphales, brachycéphales ou dolichocéphales. L’analyse entre ces types de visages est liée à la proportionnalité entre la largeur et la hauteur : les visages dolichocéphales sont plus longs et plus étroits par rapport aux visages brachycéphales qui sont plus larges et plus courts. Cette analyse de la vue frontale constitue un point de départ pour une approche thérapeutique multidisciplinaire. La modification de la structure macro-faciale peut se faire soit de manière plus invasive par une chirurgie maxillo-faciale, soit de manière moins invasive par un traitement orthodontique pour obtenir un type de visage plus équilibré.
La vue frontale fournit de nombreuses informations pour l’analyse, cependant, lors de l’évaluation des informations squelettiques, la vue latérale fournit des informations cruciales sur la relation maxillo-mandibulaire.
Profil droit – orthognathique
La deuxième phase de l’analyse macro-esthétique se fait du point de vue du profil. Les tiers verticaux du visage doivent également être appliqués dans une vue de profil. Comme mentionné précédemment dans cet article, les repères utilisés sont la glabelle, la base du nez et le menton (Pogonion). Si la ligne tracée verticalement est droite et passe par les points anthropométriques, ces patients sont classés comme ayant une relation squelettique idéale. L’axe visuel est ce qui déterminerait la position naturelle de la tête. Cet axe ne se rapproche pas toujours du plan horizontal de Frankfort. En fonction de la position de la mandibule et du maxillaire par rapport à ce point, le profil d’un patient sera décrit comme « droit », « concave » ou « convexe ». La tête du patient doit être dans une position naturelle lors de l’évaluation de ce profil. Ceci est important pour une évaluation précise du profil. La figure 7 illustre le plan antérieur du visage formé par les lignes reliant la glabelle à la base du nez (subnasale) et à la pointe du menton (pogonion). Différents groupes de recherche ont défini divers paramètres et repères des tissus mous pour l’analyse du visage. Legan et Burstone (1980) ont décrit l’angle de convexité qui est formé par la glabelle des tissus mous, le subnasale et le pogonion des tissus mous. La fourchette normale décrite par Burstone pour un profil droit se situe entre 165 et 175 degrés. Moins de 165 degrés donne un profil convexe, et plus de 175 résulte en un profil concave. Le profil est important, il nous renseigne sur la partie antéropostérieure de la relation maxillomandibulaire lorsqu’on envisage les possibilités de chirurgie orthognathique (Fig.7).
Fig.7 : Plan antérieur du visage formé par les lignes reliant la glabelle à la base du nez (subnasale) et à la pointe du menton (pogonion).
Comme on le constate sur la figure 8, le patient présente un profil légèrement convexe, dit prognathe, tandis que sur la figure 9, le patient présente un profil concave ou une relation squelettique dite rétrognathe. L’analyse du profil est importante car elle nous donne des informations sur la position antéropostérieure du maxillaire et de la mandibule.
Fig.8 : Classe II Convexe.
Fig.9 : Classe III concave.
Harmonie faciale – Rickets – plan « E » esthétique
Lors de l’analyse de l’harmonie de l’aspect latéral, le praticien peut également se référer à la ligne/plan esthétique (ligne/plan E), créée par Rickets en 1954, qui a appliqué cette évaluation en traçant une ligne arbitraire de la pointe du nez au menton. Le but de cette évaluation est d’assurer l’harmonie entre le nez, les lèvres et le menton. La lèvre inférieure doit se situer à environ 2 mm derrière le plan esthétique, et la lèvre supérieure à 4 mm derrière dans le visage moyen des Caucasiens (Fig.10).
Fig.10 : Profil équilibré.
Cependant, cette moyenne peut différer selon l’ethnie. Cette ligne/plan E permet de créer une plus grande harmonie entre ces trois structures anatomiques du visage. Ricketts a souligné l’importance de l’équilibre des lèvres, par rapport au nez et au menton. Cela suggère que des lèvres excessivement proéminentes ou retranchées par rapport à la moyenne étaient disharmonieuses et inesthétiques. Si l’on observe le patient de la figure 11, ses lèvres supérieures et inférieures sont trop en retrait, ce qui crée un déséquilibre visuel, et le nez et le menton dominent les tiers inférieurs. Par conséquent, l’utilisation de la ligne/plan E pour évaluer le profil latéral peut nous fournir des informations sur la manière de créer une harmonie faciale équilibrée.
Fig.11 : Déséquilibre visuel.
Soutien de la lèvre supérieure – angle nasolabial
L’angle nasolabial est l’angle formé par une ligne tangentielle à la lèvre supérieure et une ligne tangentielle à la columelle. Cet angle peut varier de 90° à 120° (Fig.12).
Fig.12 : L’angle nasolabial peut varier de 90° à 120°.
L’angle nasolabial est déterminé par plusieurs facteurs tels que la position antéropostérieure du maxillaire, la position antéropostérieure des incisives maxillaires et la position verticale ou la rotation de la pointe du nez. Il peut en résulter un angle nasolabial plus obtus ou plus aigu, et l’épaisseur des tissus mous de la lèvre maxillaire contribue également à l’angle nasolabial. Une lèvre supérieure mince favorise un angle plus plat, tandis qu’une lèvre supérieure plus épaisse favorise un angle aigu. Cette analyse est un paramètre courant qui est pris en compte lors de la planification du traitement pour une réhabilitation maxillaire complète. Les patients édentés peuvent avoir un soutien insuffisant de la lèvre supérieure. Nous devons reconnaître ce fait et comprendre les modèles de résorption du maxillaire et de la mandibule. En fonction de la chronologie des antécédents du patient, qu’il soit plus âgé ou plus jeune, la gravité de la résorption peut entraîner une diminution de la dimension verticale et un angle nasolabial plus profond. Dans le cadre du traitement, le rôle du clinicien est de reconstruire les tissus durs et mous manquants pour rétablir l’angle nasolabial (Peck & Peck 1995).
Ligne de transition
La ligne de transition telle que décrite par Bedrossian (2008) est une ligne imaginaire qui marque la frontière entre le parodonte résiduel et la partie la plus apicale de la future prothèse. Dans les cas où une prothèse avec une gencive artificielle doit être réalisée, il est impératif que cette ligne ne soit pas visible à la fin du traitement prothétique. Une grande partie de nos patients présentent une ligne de sourire moyenne ou haute où les papilles sont visibles. Selon Tjan & Miller (1984), huit à dix dents sont visibles dans 90 % des sourires et douze dents dans seulement 4 % des cas. Quel que soit le groupe d’âge, la détermination de la ligne de transition entre la gencive naturelle et les dents ou la gencive artificielle devient essentielle. Une évaluation incorrecte de la ligne de transition aura des conséquences qui ne pourront pas être corrigées une fois les implants posés.
La résorption osseuse peut également entraîner des conséquences esthétiques, elle doit donc être soigneusement analysée et discutée avec le patient avant tout traitement. Il peut s’agir d’un facteur qui influencera le choix du plan de traitement, du type de chirurgie et du type de prothèse pour le résultat final selon les suggestions du clinicien, les souhaits du patient et ses besoins. L’évaluation du sourire, telle qu’elle était faite dans le passé avec une photographie, montre souvent une image statique d’un sourire forcé qui ne reflète pas la réalité d’un sourire dynamique spontané dans la vie quotidienne. L’utilisation de la vidéographie offre un avantage significatif. Ceci a été décrit par Van Der Geld et al. (2007) qui ont montré que les patients découvraient une plus grande partie de leurs dents lors d’un sourire spontané avec la vidéographie.
La position correcte des incisives
Les dents sont la colonne vertébrale du sourire, et la position des incisives maxillaires joue un rôle fondamental en influençant la phonétique, le soutien des lèvres et la fonction. Elle doit être soigneusement évaluée pour garantir un résultat esthétique (Bidra 2010 ; Bidra 2011; Sarver 2001). La position du bord incisif est spécifique à chaque individu et ne doit pas être déplacée pour satisfaire les exigences esthétiques. Il est essentiel que les attributs esthétiques coïncident et soient liés notamment par des attributs phonétiques et fonctionnels (Fig.13).
Fig.13 : Position correcte du bord incisif.
Le « F » et le « S » sont les sons affectés par la position des incisives et sont les plus faciles à analyser. Le son « F » dépend de la position des bords incisifs des incisives centrales maxillaires par rapport à la lèvre inférieure, sans impliquer les incisives mandibulaires. Lorsque le patient prononce des mots commençant par « F », comme « fève » ou « fièvre », les bords incisifs des incisives centrales maxillaires doivent affleurer le bord vermillon (la jonction entre la lèvre humide et la lèvre sèche) de la lèvre inférieure. En ce qui concerne le son « S », les patients sont souvent confrontés à des problèmes de prononciation (zézaiement). Dans la plupart des cas, cela est dû à un contact excessif entre les incisives maxillaires et mandibulaires lors de la prononciation de ces phonèmes, qui doit être supprimé (Daas et al. 2020 ; Calamita et al. 2019). Idéalement, tous ces paramètres devraient être validés à l’aide d’une prothèse amovible temporaire ou d’une maquette, surtout si plusieurs paramètres doivent être corrigés, comme le support labial et l’angle nasolabial (Fig.14).
Fig.14 : Evaluation du soutien des lèvres avec l’aide d’un guide transparent.
Cette prothèse provisoire peut ensuite servir de guide radiographique et de guide chirurgical. La prothèse amovible provisoire peut être utilisée une fois que les implants ont été placés, si pour une raison quelconque la mise en charge immédiate n’est pas la bonne indication.
Dimension verticale d’occlusion (DVO)
Le succès esthétique et fonctionnel des restaurations implanto-portées à arcade complète pour les patients reconstruits avec une seule arcade ou totalement édentés dépend fortement de plusieurs paramètres, et l’un d’eux est la dimension verticale d’occlusion (DVO). Définir et enregistrer une VDO fonctionnelle, esthétique et confortable pour une restauration implanto-portée est extrêmement important pour aider à déterminer l’espace prothétique disponible pour des reconstructions modérées à complexes impliquant une seule arcade ou plus. Il existe de nombreuses techniques différentes pour évaluer la VDO. L’une des plus courantes est l’espace de repos interocclusal (espace libre) pour déterminer la différence entre la VDR (dimension verticale au repos) et la VDO (dimension verticale à l’occlusion). L’espace de liberté moyen (VDR – VDO) est d’environ 3 mm de différence (Fig.15). D’autres techniques telles que le suivi des prothèses existantes, l’esthétique du visage, la phonétique, la déglutition, les repères cranio-faciaux et l’évaluation céphalométrique peuvent également être utilisées.
Fig.15 : L’espace de liberté moyen (VDR – VDO) est d’environ 3 mm de différence.
Mini-esthetic
La mini-esthétique se concentre sur la représentation des dents et du sourire – c’est une vue très détaillée et un excellent point de départ pour une réhabilitation (Fig.16).
Fig.16. Sourire harmonieux.
Plusieurs études ont évalué l’impact esthétique ressenti par les observateurs en fonction du nombre de dents visibles dans la mâchoire lors du sourire. Selon Tjan, 8 à 10 dents sont visibles dans 90 % des sourires et 12 dents dans seulement 4 % des cas. Dunn souligne que les sujets non experts jugent principalement que les sourires sont plus esthétiques lorsque le nombre de dents visibles est plus important (Fradeani 2006 ; Hulsey 1970 ; Tjan & Miller 1984 ; Vig & Brundo 1978). Il existe de nombreux facteurs à prendre en considération. Par exemple, il est connu que les femmes ont tendance à montrer plus de dents que les hommes, et en vieillissant, il peut être approprié de montrer moins de dents lorsque les lèvres sont au repos. La raison en est que le tonus musculaire diminue avec l’âge, et que la lèvre supérieure s’affaisse. De même, en cas de sourire large avec un déficit osseux dans les régions maxillaires postérieures, il convient d’éviter une réhabilitation avec une arcade dentaire raccourcie (moins de 12 dents) afin d’éviter des zones noires inesthétiques. Dans notre pratique, lors du premier rendez-vous, si nous avons un patient âgé qui souhaite montrer plus de dents supérieures, nous lui indiquons que cela peut être plus difficile à réaliser à moins d’avoir une approche multidisciplinaire incluant un chirurgien plasticien.
Ligne du sourire
Les éléments qui définissent le potentiel esthétique maximal ont été largement discutés dans la littérature. La ligne du sourire, également appelée « arc du sourire », a été définie comme la relation entre la courbure des bords incisifs des dents antérieures maxillaires (ligne incisive supérieure) et la courbure formée par la lèvre inférieure lors du sourire. Selon Dong et al, 60 % des patients présentent un type de sourire « consonant » (la courbure de la ligne incisive supérieure est similaire à la courbure de la lèvre inférieure lors du sourire) ; 34 % présentent un type de sourire « plat » ou non consonant (une ligne incisive supérieure aplatie par rapport à la courbure de la lèvre inférieure), et 5 % sont « inversés »dans lesquels la ligne incisive supérieure forme une courbure opposée à celle formée par la lèvre inférieure. Nous devons également prendre en considération le sourire et la façon dont le plan d’occlusion maxillaire se rapporte à la lèvre inférieure. Certains de nos patients peuvent présenter un plan occlusal plus droit qui est considéré comme plus déséquilibré : la courbure de la lèvre augmente vers les coins, les cuspides et les prémolaires peuvent être coupées, ce qui est considéré comme non constant. En outre, certains des patients les plus difficiles à traiter sont ceux qui présentent un plan d’occlusion à courbe inversée (Fig.17).
Fig.17 : Plan d’occlusion à courbe inversée.
Au cours des années 80, Tjan et ses collaborateurs ont établi une classification du sourire en fonction de l’importance de la visibilité des dents et des tissus gingivaux (Tjan & Miller 1984). Comme indiqué dans l’étude, la proportion de patients ayant une ligne de sourire haute ou moyenne représente 80 % de la population qui est plus sujette au risque esthétique. Certaines réserves peuvent être émises quant au résultat de cette étude. Dans cette étude particulière, la population cible était âgée de 20 à 30 ans, des deux sexes et de toutes les ethnies. Cependant, nous savons que cette caractéristique semble varier en fonction du sexe, de l’origine ethnique ou de l’âge des patients. On a constaté qu’une ligne de sourire haute était plus fréquente chez les femmes. Il est important d’évaluer le sourire non seulement de l’aspect frontal, mais aussi de l’aspect latéral. Cela découle de l’approche adoptée lors de la mise en place de dents prothétiques pour des patients totalement édentés, où nous voulons nous assurer que les cuspides et les prémolaires augmentent avec la courbure de la lèvre inférieure afin de pouvoir offrir un sourire esthétique constant (Fig.17).
Aspect horizontal
L’aspect horizontal est également important et concerne les couloirs buccaux. Les couloirs buccaux sont définis comme l’espace entre les surfaces buccales des dents maxillaires et les coins de la bouche pendant un sourire. La résorption osseuse centripète au niveau du maxillaire crée de larges couloirs buccaux qui, dans le cas de prothèses implanto-portées, nécessiteront la création de cantilevers distaux, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la fiabilité des réhabilitations futures. Mais à l’aide de la jante en cire et de l’analyse du sourire lors de nos rendez-vous, nous pouvons communiquer avec le laboratoire et combler l’aspect horizontal du sourire (Fig.18).
Fig.18 : Aspect horizontal des couloirs buccaux.
Micro-esthétique
Proportion des dents
Le dernier aspect de notre analyse concerne les proportions des dents et la symétrie gingivale (Magne et al. 2003). En termes de proportions parfaites, le nombre d’or (1:1,618) a longtemps été la référence en matière de réhabilitation de l’arcade complète, de réhabilitation antérieure et de prothèses amovibles complètes/partielles, domaine où la liberté prothétique est plus grande. D’autres auteurs estiment, compte tenu de la diversité de la population, que l’esthétique dentaire ne doit pas être limitée par un dogme. En effet, la probabilité mathématique de trouver un de ces rapports idéaux dans un sourire est très faible et seule une minorité de sourires s’y conforme. Cependant, le maintien de bonnes proportions entre la largeur et la hauteur des dents antérieures maxillaires ainsi que les proportions des dents entre elles, quelle que soit la méthode d’analyse choisie est essentiel pour garantir l’esthétique d’un sourire. Il existe de nombreuses techniques d’évaluation des proportions dentaires telles que le nombre d’or, le pourcentage d’or, RED, Preston, DSD, CHU, etc. Ce sont des outils qui aident à établir un sourire esthétiquement agréable. En cas de résorption osseuse, ces proportions peuvent être facilement maintenues en recourant à une fausse gencive tout en évitant des interventions chirurgicales supplémentaires.
Symétrie gingivale
La littérature montre que la plupart des patients préfèrent que la gencive de notre dentition naturelle soit harmonieuse. C’est le cas lorsque les marges gingivales des incisives centrales sont au même niveau, que les incisives latérales sont légèrement coronaires aux incisives centrales et, enfin et surtout, que les marges gingivales des canines et des incisives centrales sont au même niveau (Fig.19). Ceci donne une image de symétrie haut-bas-haut concernant le sextant antérieur (Kokich et al. 1984).
Fig.19 : Symétrie gingivale.
Résumé de l’analyse
La réhabilitation complète implanto-portée au niveau du maxillaire est un traitement complexe. Il implique un ensemble de paramètres, tant fonctionnels qu’esthétiques, qui doivent être pris en considération. Il est nécessaire de suivre un protocole simple mais rigoureux pour progresser pas à pas depuis la première consultation jusqu’à la proposition de traitement (Fig.20). De nombreux logiciels peuvent y contribuer, tels que Digital Smile Design, Trios Smile Design, Smile Cloud Design, etc.
Fig.20, 21 : Digital Smile Cloud.
Fig.21.
Conclusion
L’analyse esthétique doit être faite en collaboration avec le patient pour déterminer les modifications souhaitées. Il est nécessaire de consacrer le temps nécessaire pour comprendre les attentes du patient et ainsi évaluer ses demandes. Cependant, les désirs du patient doivent correspondre aux bonnes pratiques cliniques du praticien. La décision thérapeutique émergera en comprenant l’écart entre ce qui est voulu et ce qui est possible. Les examens généraux, locaux, cliniques, radiographiques et photo/vidéographiques permettront de recueillir les informations nécessaires au diagnostic. Un montage esthétique, utilisant les paramètres décrits, permettra ensuite de valider avec le patient le plan de traitement prothétique. Le nombre de dents à remplacer, le choix du type de reconstruction (fixe ou implantaire, avec ou sans fausse gencive), les matériaux utilisés (résine, céramique, titane, zircone, ou autre), la chronologie du traitement, et même le budget seront autant d’éléments qui ne pourront être déterminés qu’après la réalisation de l’étude approfondie. Celle-ci permettra d’orienter notre choix vers le type de traitement adapté à chaque patient. L’analyse des éléments du visage et des mouvements dynamiques des lèvres en relation avec les paramètres dentaires, dento-labiaux et phonétiques font partie des nombreux protocoles nécessaires pour obtenir une esthétique optimale. Il s’agit néanmoins d’un bon point de départ pour toute réhabilitation prothétique. Une check-list des paramètres, suivi point par point des différents éléments de diagnostic, sera un excellent moyen de faciliter la vision globale des critères à prendre en considération.
Auteure
Dr Ana-Valeria Moisin
Exercice exclusif en implantologie et prothèse sur implant (cabinet du Dr Harmik Minassian, Villefranche-sur-Saône)
Ex-praticienne hospitalière service de chirurgie hôpital Édouard Herriot (Lyon)
Co-directrice du Club d’étude ITI de Lyon
Article publié avec l’autorisation de l’équipe internationale d’implantologie de l’ITI à partir du blog de l’ITI (https://blog.iti.org).
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