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SARS-CoV-2 : de plus en plus de cas de "langue Covid"

De plus en plus d'études font état de symptômes buccaux chez les malades de la Covid-19. Les chirurgiens-dentistes sont donc largement encouragés à effectuer un examen clinique intra-oral minutieux avant tout autre traitement dentaire.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 15 février 2021

SARS-CoV-2 : de plus en plus de cas de “langue Covid”

Fatigue, fièvre et toux sont autant de symptômes courants de la Covid-19. Plus rarement, certains malades font état d’agueusie, d’anosmie ou de troubles cutanés ou digestifs. Certains médecins ont même déjà évoqué des conjonctivites ou une décoloration au niveau des doigts et des orteils. Mais il semblerait que des symptômes buccaux soient aussi à prendre en compte. Mi-janvier, le Professeur Tim Spector, épidémiologiste et écrivain scientifique britannique au King’s College London (Royaume-Uni), a attiré l’attention du monde entier en publiant sur son compte Twitter les photos d’une langue dite “géographique”, tâchée de blanc, d’un patient contaminé par le coronavirus. “Je vois un nombre croissant de langues Covid et d’étranges ulcères buccaux”, alerte-t-il. Avant lui, plusieurs études avaient signalé des symptômes du genre, invitant les chirurgiens-dentistes à vérifier les symptômes de la Covid-19 dans la cavité buccale des patients.  

Dès le mois d’avril, une étude menée par des dermatologues en Espagne révèle qu’un quart des 666 patients atteints de la Covid-19 examinés présentaient un ou plusieurs symptômes dans la cavité buccale. Certains présentaient des symptômes de papillite linguale transitoire (11,5 %), de glossite avec indentations latérales (6,6 %), de stomatite aphteuse (6,9 %), glossite avec dépapilation inégale (3,9 %) et de mucosite (3,9 %). Enfin, une sensation de brûlure dans la cavité buccale a été rapportée par 5,3 % des participants et s’est avérée être souvent associée à la dysgueusie (altération du goût). Selon les scientifiques, le risque de contagion lié à l’examen de la cavité buccale aurait pu empêcher un examen approfondi de cette dernière chez les patients testés positifs à la Covid-19. “La cavité buccale était fréquemment touchée et mérite un examen spécifique dans des circonstances appropriées pour éviter le risque de contagion”, concluent-ils.

“La présence d’énanthème est un indice fort”

Le 26 juin, des chercheurs britanniques publient des travaux dans la revue Nature où ils font état de “trois cas signalés où une ulcération buccale ou des cloques sont détectées chez des patients atteints de COVID-19 confirmé ou suspecté. Deux patients ont signalé une douleur au palais, tandis que le troisième a signalé une douleur dans la langue”, est-il précisé. Les deux premiers malades présentaient des lésions compatibles avec des lésions d’herpès simplex mais n’avaient aucun antécédent d’infection herpétique. Le troisième avait des lésions compatibles avec un érythème polymorphe, caractérisé par l’apparition de lésions en forme de cercles. Cette étude suggère donc un lien entre la Covid-19 et l’ulcération buccale ainsi que la formation de cloques. Toutefois, “ces signes peuvent souvent passer inaperçus en raison d’un manque d’examen intra-oral pendant l’admission à l’hôpital”, rappellent là encore les auteurs du papier.  

Puis, le 15 juillet, dans une étude parue dans la revue JAMA Network, des scientifiques rapportent, avec des résultats préliminaires, que 29% de patients (6 sur 21) atteints de Covid-19 examinés dans leur recherche présentaient un énanthème. “Ce travail décrit des observations préliminaires et est limité par le petit nombre de cas et l’absence de groupe témoin. (…) La présence d’énanthème est un indice fort qui suggère une étiologie virale plutôt qu’une réaction médicamenteuse, en particulier lorsqu’un modèle pétéchial est observé”, notent-ils. 

Un examen clinique intra-oral minutieux doit être effectué avant tout traitement dentaire

Le 26 décembre, des chercheurs iraniens publient une revue de 17 études sur le sujet dans Dermatologic Therapy. Résultats : 170 patients atteints de Covid-19, âgés de 9 à 90 ans, ont développé des manifestations buccales. Dans 75 cas, les malades ont présenté une xérostomie, dans 71, une dysgueusie et dans 67, une candidose. Par ailleurs, 48 patients ont fait état d’une sensation de la langue différente. Parmi eux, 28 ont souffert d’ulcères douloureux dans la région. Enfin, 15 malades ont signalé des douleurs musculaires lors de la mastication et dix, un gonflement de la cavité buccale.

Parmi les personnes examinées, six ont présenté un herpès simplex récurrent, deux sur la langue et quatre sur le palais dur. “Quatre patients ont développé des éruptions de type érythème multiforme, dont trois avaient des macules et pétéchies palatines et un autre présentait trois ampoules dans la muqueuse de la lèvre interne. Des érosions, des érythèmes, des ulcères, des parodontites ulcéreuses nécrosantes et des lésions de type aphtalmique ont également été observés dans des cas isolés”, expliquent les chercheurs.

“Les symptômes buccaux sont souvent apparus après des symptômes généraux tels que la fièvre et l’asthénie, mais peuvent toujours être le premier ou le seul signe de Covid-19. Un examen clinique intra-oral minutieux doit donc être effectué sur les patients positifs et également sur tous les patients qui ont besoin de soins dentaires de manière approfondie et systématique afin de s’assurer qu’aucune pièce ne manque et d’obtenir des données cliniques supplémentaires, ce qui pourrait ouvrir la voie à d’autres études”, notent les scientifiques.

“Il convient de mentionner que ces manifestations orales pourraient être les seuls signes de Covid-19, et qu’elles sont également susceptibles de se manifester avant les symptômes généraux”, ajoute le Dr Pegah Hosseinzadeh, de l’Université des sciences médicales de Guilan (Iran). “Pour cette raison, les dentistes doivent se tenir au courant des dernières recherches et connaissances sur les symptômes muqueux de Covid-19. Un examen clinique intra-oral minutieux doit être effectué avant tout nouveau traitement dentaire lors de chaque visite”, déclare-t-elle par ailleurs au Dental Tribune International.

Des symptômes non classiques lors des trois premiers jours ?

Enfin, le 13 janvier, le Pr Tim Spector publie sur son compte Twitter la photo d’une langue tâchée de blanc d’un patient contaminé par le coronavirus. “Une personne sur cinq avec la Covid présente toujours des symptômes moins courants qui ne figurent pas sur la liste officielle, tels que des éruptions cutanées. Je vois un nombre croissant de langues Covid et d’étranges ulcères buccaux. Si vous avez un symptôme étrange ou même simplement des maux de tête et de la fatigue, restez à la maison !”, alerte le professeur. “D’autres photos arrivent de la mystérieuse langue associée à une gamme de maladies. Mais elle est maintenant aussi rapportée avec le Covid et peut durer des semaines ou des mois”, signale ensuite dans un autre Tweet le principal investigateur de l’application ZOE COVID Symptom Study qui permet aux malades britanniques de déclarer leurs symptômes pour approfondir la recherche à propos du SARS-CoV-2.

Selon Spector, 35 % des personnes atteintes de la Covid-19 présentent des symptômes non classiques au cours des trois premiers jours. Soit lorsqu’elles sont les plus contagieuses.