Entre la prothèse et l’assistanat dentaire

À 21 ans, Céline De Vos Vinay épluche les petites annonces professionnelles. Son œil est attiré par un poste d’assistante dentaire, alors bien loin de son domaine de formation : l’organisation de systèmes pour des coopératives agricoles. La jeune femme qui vient de s’établir dans la Drôme avec son mari saisit l’opportunité : « L’idée était surtout de mettre le pied à l’étrier. » À l’entretien d’embauche, la description du poste lui plaît immédiatement. « L’environnement de travail me semblait propre, posé, calme, respectable et j’allais pouvoir travailler avec quelqu’un d’intéressant. » Elle y exerce pendant quatre ans, avant d’avoir sa fille. Le cabinet se trouvant un peu loin de son domicile, elle en choisit un autre, cette fois composé de deux praticiens. « Ça se passait très bien mais je voulais évoluer. » Elle lorgne alors du côté de la prothèse, ne ratant aucune occasion de discuter avec les prothésistes collaborateurs du cabinet.

Prothésiste

Très motivée par son évolution professionnelle, Céline démissionne de son poste d’assistante dentaire pour suivre une formation de prothésiste. Elle obtient le diplôme à l’âge de 30 ans, après deux ans de formation et lance son activité. « J’entendais bien les spéculations dans mon dos. On doutait de ma réussite, on disait que je ne resterais pas très longtemps en place. » Mais elle tient, près de dix ans ! « J’ai aimé l’aspect manuel du métier, ainsi que l’indépendance qu’il m’offrait. » Son passé d’assistante lui permet de tisser des relations solides aussi bien avec les dentistes qu’avec leurs assistantes. « Pas besoin de m’expliquer les contraintes de délais, je connaissais le sujet ! Et à l’inverse, j’étais bien acceptée pour faire les essayages divers au fauteuil. » C’est d’ailleurs devenu son originalité, sa carte de visite. Il lui est même arrivé de dépanner un dentiste au pied levé : « Pendant une semaine, j’ai été prothésiste, assistante et secrétaire ! » Son entreprise prospère, au point de devoir embaucher. Durant deux ans, une salariée l’aide à assumer une quantité de travail toujours plus grandissante. « Je ne faisais plus que travailler. Au moins soixante-dix heures par semaine, jusqu’à quatre-vingt-quinze ! Dès 16 heures, le dimanche je n’étais plus accessible pour mes proches, jusqu’au samedi suivant. » Le labo se trouvant à son domicile, la configuration est à double tranchant. Céline trouve un collaborateur avec qui elle aurait bien envisagé une association, mais cela ne se fait pas. Un très grave accident de moto de son conjoint, prothésiste en cabinet d’orthodontie, l’amène à reconsidérer ses priorités. « La même semaine, ma fille fêtait ses 18 ans. Tout cela m’a fait prendre conscience que j’allais avoir des regrets. Au lieu de faire un burn-out, je me suis couchée un soir en disant à mon mari que j’allais arrêter mon entreprise. À ma tête le lendemain, il a compris que j’étais décidée. » Par chance, Céline De Vos Vinay trouve rapidement un acheteur pour son labo. En réalité, elle vend tout : labo, maison, canapé, voiture ! Sans réellement prendre le temps de respirer car elle remplace immédiatement son mari, qui doit être alité pendant six mois.

Retour aux sources

Elle redécouvre le plaisir de travailler en cabinet. Apprenant l’arrêt de son activité de prothésiste, plusieurs chirurgiens-dentistes la contactent pour qu’elle rejoigne leur cabinet en tant qu’assistante dentaire. « Le plus important, c’est que mes priorités avaient changé. Jeune, j’avais besoin de me réaliser professionnellement, d’être indépendante financièrement. Le fait d’avoir tout vendu m’a permis de me créer une vie à côté. » Entre-temps la petite famille a déménagé dans une « petite maison dans les bois » avec un grand terrain, des chevaux, des chiens, des poules, des paons. « Je voulais du temps et de l’espace », explique Céline. Son retour à l’assistanat n’est pas vécu avec amertume. « J’ai toujours aimé ce métier… J’ai simplement accepté l’idée de ne plus vraiment évoluer. » Et devenir « AD2 », y pense-t-elle ? « Cela pourrait m’intéresser mais j’en entends parler depuis le début de ma carrière. Or je suis plutôt sur la fin professionnellement, donc je n’y crois plus tellement. Je souhaite sincèrement que les nouvelles générations puissent en profiter, ça apporterait enfin des perspectives d’évolution à cette profession qui peut être passionnante ». Après son retour aux sources, Céline restera neuf ans dans le cabinet qui l’avait initialement engagée pour un remplacement. Mais en 2023, lorsque l’un des deux praticiens décide de se détacher de cette association et lui propose de le suivre, elle dit oui. « J’étais un peu lassée, et grâce à lui, j’ai retrouvé le goût de travailler avec intérêt, passion même. Sa façon de fonctionner me convient parfaitement. Je me sens comme son assistante et sa collaboratrice. Ce nouveau cabinet, nous l’avons projeté un peu à deux, créé à notre image, depuis le simple montage des chaises de la salle d’attente jusqu’au code couleur des cassettes. Je gère le planning toute seule, il a confiance en moi. On travaille en parfaite symbiose : l’un ne peut pas travailler sans l’autre et j’ai un vrai confort de travail. » En somme, un vrai duo ! « On se tutoie mais toujours dans un grand respect et une juste distance. On sait qu’on est là l’un pour l’autre en cas de souci. Café et pains au chocolat sont au programme quotidien. » Ça tient à peu, parfois, le bonheur au travail.


Ses conseils aux praticiens

• Donner le maximum d’explications cliniques. Pourquoi dévitaliser une dent, pourquoi une couronne ? Etc. « Si l’assistante comprend le travail réalisé en bouche, elle peut d’une part répondre aux interrogations du patient, et mettre en place le plateau technique sans difficultés. Et puis ça rend son travail plus intéressant, plus ludique ! Celle qui ne sait rien reste plus facilement les bras ballants. Une assistante épanouie dans son travail est forcément plus efficace. »

• Impliquer au maximum, faire confiance. « Sinon il faut trouver une autre assistante dentaire ! »

• Nécessité absolue de bien s’entendre. « Il faut que l’assistante ait envie d’assister, d’aider le dentiste, pour lui faciliter la vie. On n’a pas envie de faire des efforts pour quelqu’un avec qui on ne s’entend pas. »