Faire face aux violences faites aux femmes

Le prérequis : se former

Depuis la loi du 9 juillet 2010, la formation initiale et continue1 des professionnels de santé sur les violences est une obligation légale. Elle doit comprendre une formation sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes, sur les mécanismes d’emprise psychologique, ainsi que sur les modalités de leur signalement aux autorités administratives et judiciaires.

Créer un environnement favorable

Mettre à disposition des patients des affiches et des brochures sur le thème des violences sexuelles dans la salle d’attente témoigne de l’implication du praticien dans la prise en charge.

Questionner lors de l’interrogatoire médical

La Haute Autorité de santé2 préconise de « questionner systématiquement, même en l’absence de signe d’alerte » en demandant par exemple : « Avez-vous été déjà victime de violences (physiques, verbales, psychiques, sexuelles) au cours de votre vie ? » Le moment le plus approprié est lors de l’interrogatoire médical à la première consultation. On peut expliquer pourquoi l’on pose ces questions en rappelant tout simplement que les violences ont un impact sur la santé orale et la santé générale.

Questionner devant des signes d’alerte

70 % des coups sont portés sur la face. Des dents fracturées, une mâchoire cassée, des descellements de prothèse dentaire à répétition ou encore des marques sur le cou ou des hématomes sur le visage sont des signes d’alerte. Il s’agit là d’interroger avec tact. « Il arrive que des patientes qui présentent les mêmes symptômes que vous soient victimes de violences. Est-ce votre cas ? » En cas de doute, ou si la patiente ne souhaite pas en parler, il est recommandé de ne pas insister tout en lui indiquant les aides existantes. Le praticien doit respecter les confidences et les décisions de la patiente.

Savoir orienter

En cas de révélation de violences par la victime, rassurer et donner des informations :

● rappeler que les faits de violence sont punis par la loi, lui dire qu’elle n’est pas responsable avec quelques phrases clés : « Vous n’y êtes pour rien », « L’agresseur est le seul responsable » ;
● informer la victime qu’elle peut porter plainte maintenant ou plus tard quand elle se sentira prête et en sécurité pour le faire ;
● lui dire qu’elle peut se présenter aux urgences 24 heures sur 24, qu’elle peut appeler le 15 (ou le 112 d’un portable en Europe) ;
● pour faire intervenir les secours, appeler le 17 ou le 112, ou, en cas de difficulté à parler ou à entendre, envoyer un SMS au 114 ;
● lui conseiller d’appeler le 3919 (numéro national d’aide aux femmes victimes de violence) ou de consulter la plateforme de signalement arretonslesviolences.gouv.fr (possibilité de converser avec un policier avec à tout moment la possibilité d’effacer l’historique de discussion) ;
● orienter vers les professionnels de proximité : pour cela, il est utile d’avoir constitué au préalable un carnet d’adresses (assistante sociale, association, psychologue…), et d’avoir le contact du référent violences du Conseil départemental de l’Ordre (CDO). Dans tous les cas, ne pas oublier que la victime a souvent besoin de temps, de se sentir prête avant de faire des démarches, ne pas la juger.

Rédiger un certificat médical initial

Le certificat médical initial (CMI) est un document qui rapporte les déclarations de la victime, les symptômes qu’elle exprime (sur un mode déclaratif, entre guillemets), fait le constat de lésions, iconographie à l’appui, décrit les soins et les traitements mais sans se prononcer sur le contexte des violences et sans désigner de tiers responsable. Il existe un modèle à imprimer sur le site arretonslesviolences.gouv.fr Ce document écrit représente un élément sur lequel l’autorité judiciaire pourra s’appuyer pour prononcer des mesures de protection et engager des poursuites contre l’agresseur. Le cas échéant, le praticien peut déterminer également une incapacité totale de travail (ITT).

Mettre en place une mesure de protection

Face à une situation de danger et d’urgence, la victime n’étant pas en mesure de se protéger en raison de l’emprise exercée par l’auteur des violences, plusieurs solutions :

● proposer à la victime de se faire aider par une association d’aide aux victimes afin de déposer une requête auprès du Juge aux affaires familiales en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection ;

● effectuer un signalement3 auprès du Procureur de la République, en s’efforçant d’obtenir l’accord de la victime. Toutefois la loi du 30 juillet 2020 permet en dernier recours de déroger au secret professionnel.

1 Formation e-learning gratuite sur le site du Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et sessions de formations proposées localement par le Syndicat des Femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) avec l’organisme de formation FFCD.
2 Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple, Recommandations de bonne pratique, juin 2019, mise à jour décembre 2020
3 Le signalement au Procureur de la République se distingue de l’information préoccupante (IP) qui est signalée auprès de la Crip (Cellule de recueil des informations préoccupantes) du département et qui s’inscrit dans un cadre administratif de protection et prévention des mineurs.

Définir les violences sexistes et sexuelles

Les violences faites aux femmes ont lieu partout, dans tous les milieux professionnels, par tout type d’agresseurs. Pour les prévenir et les combattre, il est utile de les définir et de connaître l’arsenal juridique permettant de les condamner.

Outrage sexiste ou sexuel

Délit, 1 500 € d’amende
La France est le premier pays au monde à avoir instauré une infraction d’outrage sexiste par la loi du 3 août 2018 afin notamment de verbaliser le harcèlement de rue. Un outrage sexiste ou sexuel est « le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». L’outrage sexiste ou sexuel peut être commis sur le lieu de travail. Il est dit aggravé lorsqu’il est commis dans des circonstances aggravantes (commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confère ses fonctions, commis sur un mineur, sur une personne vulnérable, dans les transports…) et l’amende est dans ce cas portée à 3 750 €.

      Injure à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre

• Non publique

Délit, 1 500 € d’amende
L’injure est « une parole, un écrit, une expression quelconque de la pensée adressés à une personne dans l’intention de la blesser ou de l’offenser. » Elle est proférée uniquement à la personne visée ou dans un cadre restreint.

• Publique

Délit, un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende
L’injure publique est proférée dans un lieu public ou par tout moyen de communication, elle est punie plus sévèrement parce qu’elle porte plus gravement atteinte à la personne qui la subit.

      Harcèlement sexuel

Délit, deux ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende
Le harcèlement sexuel est « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». L’auteur de harcèlement sexuel peut également être condamné à verser des dommages et intérêts à la victime. De plus, les peines peuvent être portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € lorsque le harcèlement est commis dans des circonstances aggravantes (sur un mineur, sur une personne vulnérable, dans les transports…).

      Agression sexuelle

Délit, cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende
C’est « un acte à caractère sexuel sans pénétration commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise », c’est-à-dire sans son consentement. Il peut s’agir par exemple de contact ou d’attouchement de nature sexuelle. La tentative d’agression sexuelle est punie des mêmes peines que l’agression sexuelle.

      Viol

Crime, quinze ans de réclusion criminelle
Est un viol « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». Tout acte de pénétration sexuelle est visé : buccale, vaginale, anale, par le sexe, par le doigt, par un objet. La peine est alourdie (vingt ans de réclusion criminelle) en cas de circonstances aggravantes (viol commis par une personne ayant autorité sur la victime, sous l’emprise de produits stupéfiants, sur personne vulnérable…).