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Maîtriser nos non-dits

Lors de nos conversations, 55 % du message capté par notre interlocuteur sont liés à des éléments externes à nos propos : expressions faciales, gestes, postures, ton de la voix, rythme de l’élocution ou même vêtements. Comment diffuser les bonnes informations ? Solutions…

Par la rédaction, publié le 08 juin 2015

Maîtriser nos non-dits

Nous en faisons tous les jours l’expérience : les mots prononcés dans les discours sont complétés visuellement par des émotions lisibles sur nos visages, comme la joie ou la peur, et des sentiments. Ces expressions (non verbales) renforcent et crédibilisent le message verbal lorsqu’elles sont adaptées, mais peuvent le décrédibiliser si elles sont inadaptées ou en décalage. On imagine l’impact de la phrase : « C’est indolore madame Moldus » prononcé par un praticien qui hoche la tête de gauche à droite en baissant la tête pour éviter de regarder son interlocuteur. Idéalement, dans la communication entre un praticien et son patient, il s’agit de mettre tous les atouts de son côté pour établir une saine relation thérapeutique et maîtriser les non-dits.

Un premier contact lourd de sens 

Il est communément répandu qu’« une poignée de main franche traduit la franchise »… Sauf que largement diffusé, ce code n’a plus grande signification. Trois règles inconscientes président à nos comportements. Lorsque nous apprécions quelqu’un :

  1. Au moment de lui serrer la main nous nous tenons 50 cm plus près de lui par rapport à une poignée de main classique (qui laisse une distance de 1,20 à 2,10 m entre les deux interlocuteurs) ;
  2. Notre épaule s’incline vers l’avant car l’axe du corps part dans sa direction ;
  3. Nous nous penchons légèrement vers l’autre.

Tandis qu’une poignée de main molle ou distanciée n’engage pas le patient à nous suivre volontiers en salle de soins, un regard soutenu tout au long de cette poignée et un sourire naturel font mouche assurément. La relation commence alors sur de bonnes bases.

Communiquer avec le patient pour accompagner

« C’est bon, vous avez compris la nécessité d’une lithotritie ? » : l’empressement du praticien et l’utilisation de mots opaques dérouteront les patients qui aiment, à juste titre, avoir le temps de dialoguer, de s’informer et de comprendre avant de prendre une décision qui engage leur santé. Il est primordial de ne pas oublier d’accompagner patiemment compréhension et prise de décision par une explication pédagogique des nouvelles données.

Sans quoi le patient, qui doit déjà s’immerger dans le monde de la dentisterie sans y être particulièrement prêt, aura plutôt envie de fuir. De même, ne parlons pas de lui en sa présence à la troisième personne, comme s’il n’était pas là. À bannir de nos habitudes de langage les : « Aspirez-le, Sophie » ou « Il en a marre, on va s’arrêter là. » qui donnent le désagréable sentiment au patient d’être un objet.

Maîtriser son stress pour ne pas le transmettre

« Normalement, tout devrait bien se passer », « A priori, c’est bon », « En principe, la provisoire devrait tenir »… sont typiquement des phrases anxiogènes pour un patient qui ne maîtrise rien de ce que vous allez lui faire… d’autant plus si elle est prononcée avec les bras croisés, le corps partant en arrière ou une respiration accélérée. La douleur, le stress du patient face aux soins ou l’annonce d’une mauvaise nouvelle, si accompagnés d’une attitude sereine et un dialogue attentifs, sont diminués d’autant : « Vous allez ressentir un léger picotement. Si cela est désagréable, dîtes-le moi, je vous anesthésierai localement. » Dans les cas difficiles, ne laissons pas notre stress perturber les relations car il se communique inconsciemment entre le trio assistante/praticien/patient.

Regard en bas et incertitude

Imaginons-nous baissant la tête et présentant le blanc inférieur des yeux en expliquant la nécessité d’un implant à un patient. Cette attitude est particulièrement déconseillée car celle d’une personne sceptique. Nous exprimons alors l’incertitude avec le corps, soit le contraire de notre discours et de la certitude à afficher quant à la conviction que ce plan de traitement est le meilleur pour notre patient.

Bras croisés : un barrage

Proposerions-nous un plan de traitement complexe contracté, bras croisés et reculé sur notre chaise ?  Non parce que cette gestuelle exprime une fermeture. Cependant, il peut nous arriver de le faire sans y prendre garde. Cet éloignement, ce barrage de nos bras n’aideront pas le patient à signer pour trois séances d’une heure et demie. En revanche, penché vers son patient, un praticien qui croise ses bras en posant ses coudes sur le bureau est visiblement très intéressé par les réponses de son interlocuteur.

Des jambes qui « protègent »

Un croisement appelé « de protection » nous protège en effet du patient. Mais contrairement à ce qui est admis, un croisement de bras ou de jambes n’est pas systématiquement un signe de fermeture.  Dans certaines circonstances, c’est même le signe d’une grande ouverture. Rapprochés et jambes  croisées, nous formons alors une bulle avec notre interlocuteur, pour être au plus près de lui et nous couper de l’extérieur.

Les autopalpations et une mauvaise communication avec le patient

Les autopalpations qui se situent sur le côté gauche indiquent que le chirurgien-dentiste se sent en confiance. Si le praticien aborde une solution clinique en se touchant le côté droit, un patient la ressent inconsciemment comme une mise en difficulté. D’une manière générale, toutes les autopalpations du visage ne sont pas les signes d’une communication avec le patient qui se passe bien. Que ce soit un doigt sur la bouche, sous le nez ou sur les yeux, ces gestes traduisent clairement une gêne de l’expression. . Ces autopalpations sont des gestes parlants, pas toujours faciles à interpréter d’une façon précise.

Les narines et le mensonge

Les microdémangeaisons du nez ne peuvent être confondues avec une allergie au pollen et ses picotements caractéristiques. Nous parlons ici d’une sensation beaucoup plus subtile d’origine psycho-affective qui peut traduire un mensonge. Par exemple, si un praticien répond par l’affirmative  à la question « Vos prothèses sont-elles fabriquées en France ? » mais en se grattant la base du nez (moins de 20 secondes après sa réponse), il a fort à parier que son laboratoire de prothèses se trouve loin.

Les dissonances du corps et les contradictions

Elles arrivent lorsque le corps se dissocie pour exprimer en même temps deux choses contradictoires. Il peut s’agir d’une dissociation entre le haut et le bas du corps. Par exemple, les mains sont sur le contre-angle mais les jambes sont déjà prêtes pour le départ, dirigées vers la sortie. Le moins qu’on puisse dire est que le praticien est  partagé dans sa décision. Quelque chose le met mal à l’aise et sera ressenti par le patient.

L’incongruence

C’est une marque de désaccord physique entre deux personnes. Par exemple, lorsque les deux se font face, le chirurgien-dentiste ouvre les bras en signe d’accueil ou pour accompagner son discours, alors que le patient croise les doigts sur son ventre ou garde les mains dans ses poches, même lorsqu’il répond. Après avoir constaté visuellement que la communication avec le patient ne passe pas, le praticien peut reformuler ses propos ou faire intervenir son assistante pour clarifier les points incompris.

Le mot de la fin

Avec un peu d’attention et de pratique, il devient facile de repérer les non-dits, les signes que notre corps transmet dans des conversations avec un patient. Il suffit quelquefois peu de choses pour que la première impression soit positive et que la communication avec le patient soit fluide : reformuler une question, réexpliquer, sourire…