Déconfinement : Préparer son cabinet à la reprise

Réorganisation des protocoles de soin, entretien des équipements, relance de l'activité, relation avec les patients... Solutions cabinet dentaire anticipe la reprise post-crise sanitaire.

Rémy PASCAL, publié le 06 mai 2020

Déconfinement : Préparer son cabinet à la reprise

Nous ne connaissons pas précisément les modalités de réouverture des cabinets dentaires pour le déconfinement. Mais déjà, nous pouvons anticiper les défis à relever. Le premier consistera à faire savoir à vos patients que vous êtes de nouveau en capacité de les soigner dans de bonnes conditions d’hygiène. Un (immense) travail attend votre secrétariat. Même s’il n’est pas dans les habitudes de votre cabinet de contacter vos patients pour les inviter à la poursuite de leur traitement, cet exercice relancera au plus vite l’activité de votre entreprise, qui s’est interrompue soudainement le 19 mars 2020. Un déconfinement que vous pourrez anticiper avec vos secrétaires dès le jour où le Conseil de l’Ordre annoncera la date attendue et les nouvelles dispositions associées.

Rassurez les patients

Pour le Dr Caroline Leymarie installée à Draveil dans l’Essonne, les praticiens devront échanger davantage leurs patients. « Le lien de confiance qui nous unit ne s’est pas rompu. Ils savent que nous sommes des spécialistes de l’hygiène et ils attendent que nous sécurisions nos structures. En fonction des préconisations de l’Ordre, nous adapterons notre manière de travailler. Ces efforts rassureront les patients. Le pire serait de reprendre sans changement, comme avant l’épidémie. » Durant la période de confinement, le Dr Leymarie a conservé des relations avec ses patients par e-mail ou télé-consultation, « j’ai répondu à leurs inquiétudes, je ne les ai pas laissé seul. » Pour le déconfinement, elle envisage de commencer ses journées avec les patients « à risques » pour réduire les possibilités de contamination inter-patients et d’élargir son amplitude horaire. « Si nous sommes limités à un seul patient par heure, notre gestion de planning va être capitale. S’il le faut, j’ouvrirais le samedi ou le dimanche pour canaliser le flux de patients ».

Apprendre à travailler différemment

La proximité immédiate et nécessaire avec la cavité orale expose les chirurgiens-dentistes aux gouttelettes de salive et à leur aérosolisation. L’utilisation de certains matériels (rotatifs, ultra-sons…) génère une brumisation qui contamine potentiellement l’espace de soins (fauteuil, surface de travail, sol…). En l’absence de mesures d’hygiène strictes, il existe donc un risque de contamination croisée entre patients via l’environnement ou via le praticien. Il faudra donc apprendre à travailler différemment. En premier lieu, la distanciation physique (et non pas sociale) sera la norme et éviter les contacts avec ses patients et son personnel deviendra une habitude. Plus que jamais des plannings optimisés (et respectés !) limiteront au maximum le nombre de patients présents en même temps dans la salle d’attente.

Sous l’égide de l’ONCD, le Dr Florian Laurent a coordonné le travail de recommandations d’experts pour les prises en charge d’urgences au cabinet dentaire (voir notre dossier, p.28). Tout laisse à penser que ces préconisations vont devenir durables, voire pour certaines, des obligations

En dehors des soins
Dès leur arrivée au cabinet, un lavage des mains au savon (ou une friction avec une solution hydroalcoolique) s’imposera aux patients. La question de la distribution systématique de masques reste une inconnue. Dans la salle d’attente, les revues, magazines ou les jouets seront retirés. Les assistantes essuieront les cartes vitales et bancaires avec une solution désinfectante et se laveront les mains après les avoir manipulées. Elles nettoieront régulièrement les écrans, claviers et les téléphones portables.

Lors des soins
Avant tout, rappelons que seul le port d’un masque FFP2 et des autres équipements de protection individuels protègent efficacement. Afin de limiter les expositions, placez-vous (dans la mesure du possible) derrière le patient. Pour l’usage des turbines ou des contre-angles, engagez une procédure de stérilisation complète du matériel avant de leur utilisation (passage à l’autoclave) ou utilisez des rotatifs jetables (si disponible). Condamnez les crachoirs et utilisez une digue afin de diminuer les projections dès que cela est possible. Repensez votre agencement pour retirer tous les objets et matériels présents sur les plans de travail. En fin de d’intervention, les EPI souillés doivent être traités comme déchets d’activité de soins à risque infectieux.

Entre deux rendez-vous
Le praticien sera invité à conserver son masque FFP2, sauf si ce dernier a été souillé ou touché. En revanche, les gants et la surblouse doivent être changés. Le chirurgien-dentiste nettoiera ses lunettes de protection, se frictionnera les mains avec une solution hydroalcoolique et aérera la salle de soins au moins dix minutes. Ce temps permettra une désinfection rigoureuse des surfaces (fauteuil, unit, plan de travail…) avec un désinfectant de surface à la norme NF 14476 ou un détergent ménager complété par une désinfection avec de l’hypochlorite de sodium à 0,1%.

Des professionnels de l’asepsie

Si pour certains chirurgiens-dentistes ces recommandations à intégrer sont un véritable défi, pour d’autres, elles ne sont que la reconnaissance d’un travail déjà établi. C’est le cas du Dr Christophe Onimus, installé en Isère Voilà douze ans que les conditions d’hygiène et d’asepsie sont au centre des préoccupations de son cabinet. « C’est une réflexion globale, il ne suffit pas d’acheter deux autoclaves et de commencer une traçabilité pour être performant dans ce domaine. Bien entendu, nous réalisons ces actes. Les autoclaves sont testés tous les jours, les dispositifs médicaux stériles (DMS) et les matériaux laissés en bouche (MLB) sont tracés (grâce au logiciel Stéricode) et tout ceci est archivé dans chaque fiche patient. Hormis les recommandations de la Haute Autorité de santé, il n’y a aucun contrôle de conformité en matière d’hygiène, c’est regrettable. Tout ce que nous réalisons est volontaire. Nous n’avons pas attendu le Covid-19 pour nous projeter dans un scénario et une organisation qui nous permettraient de soigner des patients contaminés et contagieux. » La structure dispose de plusieurs salles de soins pour qu’une assistante puisse nettoyer et aérer les différents postes de travail sans interrompre les prises en charge du Dr Onimus. Les rendez-vous longs sont privilégiés, « forcément, si vous enchaînez les créneaux de moins de 30 minutes, vous multipliez les risques de contamination… ».

Valoriser votre expertise

Le cabinet isérois est divisé en deux espaces distincts. Le premier réunit le secrétariat, la salle d’attente et l’espace imagerie. La décoration y est chaleureuse et moderne. Le second est strictement médical. « Même pour les actes dits d’omnipratique, j’y applique quasiment les règles du bloc de chirurgie buccale, explique le Dr Onimus. On ne rentre dans cet espace soin qu’avec des sur-chaussures, il n’y a pas de rideaux aux fenêtres, pas d’objets inutiles comme les crachoirs. D’ailleurs, les salles de soins sont vides, sans tiroir. L’organisation se fait en bacs et cassettes, sur une table pont, toutes les pièces à main à détartrer ou les contre-angles sont systématiquement stérilisées et sous sachet pour chaque patient (Il en possède par conséquent une trentaine, NDLR), des bacs de décontamination sont présents dans chaque salle de soins, les claviers d’ordinateur sont tactiles et en verre trempé et les souris étanches donc décontaminables. » Oui cela représente un budget que le Dr Onimus perçoit comme un investissement. Ces équipements et ces protocoles ont donné une image positive à son cabinet. Plus que jamais les patients vont se diriger vers des structures dont les conditions d’hygiène leur inspirent confiance. « Tant mieux, je compte d’ailleurs mettre en avant sur mon site et dans ma salle d’attente notre expertise en la matière. Plus globalement, c’est peut-être le bon moment pour tous les chirurgiens-dentistes de montrer aux Français qu’ils sont de véritables professionnels de santé formés à l’asepsie, l’occasion de valoriser notre travail. »